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C’est Robert Smith qui doit être content : les Cranes se sont réincarnés, ils sont jeunes, irlandais et s’appellent Just Mustard.

On se rappellera l’entichement du chanteur de The Cure pour les Cranes, groupe anglais de rock gothique – ascendant shoegaze folk – porté par la voix si particulière d’Alison Shaw, dont le timbre de femme-enfant noyé(e) dans la réverbération vous collait un cafard de tous les diables. Les Cranes produisirent une poignée d’excellents albums (« Forever », « Love » et « Population 4 » sont mes préférés) et suivirent leur mentor sur le Wishtour mondial de 1992.

Trente ans plus tard. Avec « Heart Under », Just Mustard confirme les espoirs placés en eux à l’époque de «  Wednesday », premier LP paru en 2018 et nommé au Choice Music Prize, qui leur valut une signature chez Partisan Records (Fontaines DC, IDLES, The Black Angels) et – surprise – l’entière attention de Robert Smith, qui les a embarqués en première partie de The Cure.

J’imagine qu’il a trouvé en Katie Ball, chanteuse de Just Mustard, une digne héritière de la lignée des corbeaux : au début, j’ai cru à une hallucination auditive et, très vite, j’ai compris qu’il me serait impossible de rédiger cette chronique (que je rédige malgré tout, hein). Certes, les morceaux du quintet irlandais sonnent plus tendus que ceux des Cranes, mais Katie Ball a EXACTEMENT la même voix et le même phrasé qu’Alison Shaw. On se débrouille comment, dans ces conditions, pour évoquer les dix titres de « Heart Under » ? Bah on ne peut pas. La similitude au niveau du chant est si troublante qu’elle brouille l’écoute. Face une telle difficulté, deux voies s’offrent à moi :

– imaginer qu’ « Heart Under » est le nouvel album des Cranes, alors on a affaire à un disque des Cranes dans la moyenne haute, à mon goût peut-être un peu trop m’as-tu-vu ; – imaginer que je n’ai jamais entendu les Cranes, auquel cas « Heart Under » est un très bon album de rock kraut-gothique industriel, qui prend certainement toute son ampleur sur scène.

Un manoir décati au fin fond du Hampshire, début de soirée. Cuisine haut de plafond, faiblement éclairée. A table, un vieil homme courbé, visage caché par une longue chevelure brune. En face de lui, une jeune femme, vêtue de noir. « Alison, dear, tu pourrais me passer la moutarde ? » Silence. La jeune femme se lève et, en repoussant la chaise, répond au vieil homme. « Naaan Bob, moi c’est Katie. » Silence. Le vieil homme relève la tête et sourit faiblement. Rideau.




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