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Succulent tissage d’échos des années 90, convoquant le groove poétique de Soul Coughing, la Air Pump music façon Red Hot (cherche pas, j’ai inventé), la rage torve de Trent Reznor et puis, parce que la Belgique l’exige par arrêté royal, dEUS, The Guru Guru dessine sa propre silhouette, un peu crade, un peu branque, mais debout, avec ses quatre pattes, sa tête derrière et sa queue devant.

Cet album a été baptisé It’s a (Doggy Dog) World, et il faut dire que les musiciens de The Guru Guru ne sont pas de gentils toutous. En particulier son chanteur, Tom Adriaenssens, qui donne beaucoup de son corps pour son art. Sa voix est projetée depuis ses pieds bien ancrés sur la scène, jusque bien au-delà des limites du stade pour lequel ces chansons semblent taillées. Et son corps fait bouger nos corps. Il a des choses à raconter Tom, et il sait le faire. Présence totale, sans pose, ni pause, car l’urgence ne souffre pas les détours par l’inutile. Et c’est d’autant plus émouvant que son apparence, quand il ne chante pas, évoque celle de ton dentiste, qui ne décroche pas trois mots avant de décrocher ta molaire avariée. Mais dès que Tom laisse filtrer l’air sur ses cordes vocales, ton cerveau est gentiment abrasé au papier de verre n°16 (cherche toujours pas, c’est le plus gros).

La basse danse un groove syncopé et ornementé, alliée (comme un alliage) à la batterie, épaisse et inventive, aux guitares dont les cris se résolvent souvent en murmures caressants : on est là pour secouer nos carcasses, jusqu’à la transe, la perte de connaissance, l’adrénaline pure dans les veines. Une heure de concert avec ce groupe, et oui, toutes les ambulances disponibles sont sur zone à la fin.

Étrangement, cette accumulation de volontés, de désirs irrépressibles et mêlés ne produit pas la catastrophe à laquelle on pourrait s’attendre : démonstration vaine, indigestion d’allusions pénibles, tricotage à vide du solfège rock méchant. Il reste beaucoup de jeu, d’humour et une trame pop, certes bien cachée, qui donnent à ces compositions une évidence, une respiration surprenantes, en particulier dans le titre (In) Snakes & Ladders, hit déconstruit avec une rage contagieuse.

Bref, à l’exemple de Garou-Garou, comptable anarchiste et Léon Dutilleul à la ville, The Guru Guru traverse allègrement les murs pour aller voir ailleurs s’ils y sont. Et oui, ils semblent partout chez eux, ces musiciens. L’élégance, ça ne s’achète pas au supermarché. Ou dans un gros label plein de sous.

It’s a (Doggy Dog) World est un double EP. La face A a été enregistrée par le groupe lui-même et mixée par Emiel Van Den Abbeele (guitariste et producteur du groupe). Le bassiste Brent Mijnendonckx y a intégré des enregistrements du son des machines de l’usine dans laquelle il travaille. Il est à noter que ces musiciens, non contents de maîtriser leur propos instruments en mains, savent également placer des micros et trouver en fin de chaîne le son qui convient parfaitement à leur intention. La face B, Live In Antwerp, a été enregistrée lors d’un concert donné à Anvers. Il s’agit de 4 titres de Point Fingers, le précédent album de The Guru Guru.

Oh ! Ben ça alors, j’écoute cet album une deuxième fois, immédiatement. Serais-je tombé sous l’emprise de Tom et ses potes ?...




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