J’avais, à portée de main, une miche de pain rebondie dont je me taillais de lourdes tranches. Puis je plongeais ma cuillère en fer dans le pot de miel posé à côté de mon assiette. J’étalais, l’écume aux lèvres, d’épaisses couches dorées sur toute la surface pâle et, après avoir religieusement posé le couvert en équilibre sur le pot, je portais la tartine à ma bouche. J’entrecoupais ma gloutonnerie de rasades de café brûlant, sans sucre, dont la moitié de la tasse ruisselait le long de ma barbe noire. Un enfant sans peau me resservait régulièrement, en pleurant. Mon ventre grondait si fort que je ne songeai même pas à m’émouvoir, pressé de finir mes tartines et de passer au plat de résistance.
Au centre de la table trônait un somptueux rôti, dégoulinant de graisse, piqueté d’herbes fraîches, pulsant au rythme de mes battements de coeur. Le plateau d’argent qui le soutenait avait servi quelques millénaires plus tôt, à transporter la tête du dernier Roi. Celui qui n’avait pas d’ombre.
Une mélodie inconnue emplit la pièce de son étrangeté. Je bouche frénétiquement mes oreilles, ne supportant pas - ni dans cette vie ni dans une autre - ce genre d’horreur.... Ah !!! Assez, assez de mélancolie ! Qui ose troubler mon repas avec ces hurlements ? Montre-toi, terrible saltimbanque, que je t’arrache les mains d’un coup de dents.
L’infortuné démon tomba au sol, à la seconde même où une trompette émit son premier souffle. Puis, ce fut au tour d’une batterie dont les tambours étaient constitués de peau humaine, d’hurler son désespoir. Une poignée d’anges malades se joint à l’ensemble, et un crépitement de rage et d’obus et de vitrail surplombe l’espace, grognant et rugissant.
J’écarquille ce qu’il me reste de mes yeux et voit le monstre se tortiller au sol, les mains plaquées sur ses oreilles taillées en pointe. Des flots marron coulent entre ses doigts et des flammes brillent sur son échine. Qu’est-ce qu’il lui prend ? Serait-il aussi mortel qu’un loup ? Je n’ose pas remuer et serre la cruche de goudron noir contre mon coeur, survolté.
J’ai lu, voracement, tous les livres de la grande bibliothèque. Pourtant, aucun de parlait de ça. Sans croix ni traître, le Seigneur des porcheries agonise ce soir, à quelques mètres de moi, sous les rires diaboliques des Dieux.
Voilà un disque que je n’attendais pas, qui m’a prise par surprise. Fan de la première heure d’Amnesia Scanner - des artworks démentiels aux envolées bestiales, ils ne m’ont jamais déçue - c’est avec avidité que j’ai plongé corps et âme dans ce disque.
Si Lexachast IV ne vous fout pas K-O, la dernière track s’en chargera. L’apocalypse et le divin se cherchent à la lueur d’une vieille bougie, au coeur des Enfers bouillonnants et fait vaciller les chairs à chaque nouveau morceau. Insaisissable jusque dans son dernier souffle, Lexachast remue et écartèle, non sans émerveiller.