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Me voilà bien. Mince alors, je suis là comme un....enfin vous m’avez compris. Cet écran absorbeur, quasi-excroissance de mes bras. Ces touches comme des vilaines petites choses sur lesquelles je tape pour essayer d’en sortir des belles, ou au moins des intéressantes. Tout semble me narguer, rire de mon impuissance à trouver de quoi écrire sur un disque que j’adore, et qui semble me narguer d’écoute en écoute, puiser en plus là où cela peut parfois faire mal, la nostalgie d’un temps ancien, et pour beaucoup de raisons, meilleur. Voulant faire l’économie d’une pirouette stylistique non maitrisée (alors que The Crumble Factory est le groupe champion du monde de la pirouette musicale, catégorie pop d’exception) j’ai failli tomber dans un descriptif façon inventaire à la Prevert du disque, alignant les ressentis titre par titre, retombant dans un travers ancien de la chronique plombante à lire et fatigante à écrire. Mais c’était sans compter sans la rapidité, la flexibilité d’une élasticité incroyable avec laquelle le groupe est capable d’avancer, nous larguant aussi rapidement qu’une gazelle lâchera un léopard sur sa fin de carrière de chasseur.

Prenez un titre comme "Mountain Boy" il est à lui seul la démonstration du talent de ce groupe. Je fais une rapide digression, mais je conseille de faire rapidement écouter ce titre à Frank Black et ses acolytes, une manière de faire comprendre à ces nouveaux fonctionnaires du rock que là la retraite a sonné, et qu’il serait temps de se mettre à la peinture au rotin ou au macramé. Ce titre (et une bonne partie des autres) est une démonstration flamboyante, que l’on peut se servir du passé, sans le dénaturer complètement, mais en lui donnant une vie nouvelle et bigrement plus attractive. Et le disque a une particularité étonnante, il nous fait changer de référence après chaque écoute. Là où nous pensions retrouver les jouissives mélodies chiadées des Boo Radleys, nous y entendons deux écoutes après l’attitude cool et faussement dilettante de Pavement, pour revenir à notre Martin Carr trois écoutes plus tard et arriver dans le jardin de Ray Davies pour finir, une énorme sucette multicolore dans la bouche. Car de la couleur, "Betsy Cha Cha" n’en est pas avare, et pas que sur la pochette. Le groupe emmené par Rem Austin et sa Crumble Factory au sein duquel Rémi Sadoul (Drive Blind et My Tiger Side bien connu des lecteurs d’ADA) fait des apparitions remarquées, est un acte musical contre la morosité ambiante, pour une pop flamboyante, charmante, étonnante, électrisante, en un mot comme en mille, épatante (oui lecteur j’ai osé). Une pop érudite, mais pas pédante, une pop faussement dilettante, jamais chiante, une pop changeante sans jamais être énervante (oui lecteur je suis à cran).

Est-ce d’ailleurs un hasard si le disque commence par une intro musicale de 30 secondes au titre de "Well Well Well" ? Est-ce un hasard si la première chanson nous emmène au pays du dada génétique dans une Boo Car (contraction osée de Boo Radleys et Martin Carr) ? Est-ce un hasard si une chanson bucolique, sautillante, comme une cavalcade dans la prairie a pour nom "Paquerette" ? Est un hasard si "Walter" nous enchante ? Est-ce un hasard si je termine quand même sur une forme d’inventaire, sortie de piste ou de secours, pour me sortir d’une chronique non maitrisée, d’un disque à la maitrise bluffante.

Voilà je termine dans le fond comme j’ai commencé, dans l’incapacité de vous dire pourquoi ce disque est un bijou. Pourquoi il faut se le procurer. Pourquoi tout le monde devrait l’écouter plutôt que de tomber dans les productions entre neurasthénie accablante et dissonances à peine crédibles. Crumble Factory signe un disque qui rend fan (un rien fou aussi...de bonheur), et comme un fan béat d’admiration, je vais vous laisser, ma béatitude sur le visage, et une retranscription écrite des plus chaotiques en guise de proposition au partage.