Thee Verduns est un groupe aussi irrésistible qu’indescriptible. Les étiquettes tiennent autant sur eux qu’un autocollant sur du béton en plein soleil. On peut retourner le disque dans tous les sens, y a tellement d’adjectifs qui tombent qu’on se décourage devant ce Bescherelle qui s’étale devant nous. Faut pas s’étonner si le mot folk volette insidieusement dans les rayons du soleil que laisse passer mes rideaux. La lumière éclaire le mot punk à terre alors que d’autres s’assemblent comme des tags pour bandcamp et rampent laborieusement vers moi, me tirent la jambe pour m’aider à écrire cette chronique. Vraiment, quand je m’y colle j’essaie de m’imaginer dans quelle galère les chroniqueurs qui ont reçu « Piper at the gates of dawn » il y a 50 ans s’étaient fourrés. Mais eux avaient le LSD. Là j’ai que mes oreilles et mes émotions dans lesquelles un tas d’impressions se bousculent. Thee Verduns fait vibrer certaines cordes sensibles, par leur musique, leur démarche, leur son. Ayant déjà eu affaire à leur précédent album, qui venait après une sacrée série de 10 pouces, d’autres 45 tours, je pensais savoir à quoi m’en tenir…
Mais entre le Catéchisme de la Joie et Le Ratelier à Fusils, il s’est passé quelques révolutions. Le passage à la couleur, le ménage à 4 (doublement des effectifs avec l’arrivée des non moindres Jan Morgenson et Fred A). Entre temps Nicolas Moog a perpétué son excellente collection de bd, Mrs Verdun s’éclate dans le duo Avale, Jan Morgenson a sorti un album magnifique. Après avoir donc fait les mercenaires de leur côté, les 4 cavaliers se sont rejoints, ont posé leurs fusils et se sont enfermés dans leur bunker pour composer un nouvel album de déglingue. Leur signature tâche dès le démarrage. Anachronique mais proportionnellement cohérent, c’est un peu le credo de Thee Verduns qui n’a de plan de carrière que de se marrer, faire de la musique en rigolant sérieusement. Le résultat est jouissif, parfois carrément borderline. Faire tenir autant de déviances musicales dans un seul disque tient d’une alchimie que seule une camisole a pu permettre. Un morceau comme « Pawn shop » est un véritable paradigme du groupe. Immédiat, mais qui n’aurait pu naître nulle part ailleurs. « Seppuku » marque encore plus cette distinction sous l’apparence de la simplicité. Leur identité est également visuelle (la pochette comme une sorte de paradis imaginaire des 60’s) et textuelle. Avec une grosse majorité de chansons en français, on n’en saisit que mieux leur poésie au fumet de poudrière. Avoir autant de personnalité dans sa musique aujourd’hui nécessite une allitération ; sincérité, authenticité, prenez-nous comme on est. Si on n’a pas peur du ridicule on peut se donner des airs en disant « Thee Verduns c’est du folk-punk a billy ». Mais je passerai mon tour. Je sais par contre que où qu’ils soient, si Pete Seeger et Hasil Adkins se prennent une cuite ensemble, c’est sur le nouvel album de Thee Verduns qu’ils le feront.
Cette sortie, superbe vinyle issu d’une collaboration entre Les disques de la Face Cachée et Kizmiaz records, montre surtout que faire la musique qu’on a envie donne des disques surprenants. Que rester qui l’on est coûte que coûte apporte au moins aux autres la satisfaction de se rappeler de votre disque. C’est chose devenue rare.