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L’été, le soleil, les plages naturelles ou délocalisées, les épisodes caniculaires, les orages et, pour ceux dont je fais partie, que tout cela effraie un peu (voire beaucoup), les salles de cinéma climatisées pour se protéger de tout cela tout en ouvrant grand l’horizon de tous les possibles que le cinéma, comme la musique d’une certaine façon, permet.

ps : pour ceux qui croit encore que la canicule ne rend pas fou, jetez un œil à « Wake In Fright » de Ted Kotcheff qui sort en DVD après une belle ressortie il y a quelques mois, et on en reparle…

Wake in Fright (T.Kotcheff) – 1971

Dans ce nouvel espace qu’inaugure aujourd’hui ADA, il ne sera pas question de critiquer l’ensemble des sorties du mois ( à 20 sorties hebdos en moyenne, c’est illusoire et pour certaines, 15s de la bande-annonce suffisent souvent pour prédire leur destin et leur vocation à remplir les soirées des chaines qui les financent) mais plutôt de partager avec vous coups de cœur, regrets ou déceptions et peut-être aussi de faire le lien avec la musique quand cela sera possible et/ou pertinent.

Par exemple, je pourrais vous dire qu’en août « La face cachée de Margo » de J.Schreier et « Derrière le Mur, la Californie » de M.Piersel méritent le déplacement par la simple présence de Ryan Lott ( aka Son Lux) qui signe la BO du premier ou de Troy Von Baltahzar et Trentemoeller sur celle du second, mais çà serait mentir tant le premier tourne à la caricature du teen movie ( la BO est également très décevante) et le second s’embourbe dans une complaisance douteuse autour du mythe sacralisé du personnage principal et noie au passage une idée extrêmement intéressante à savoir le skateboard comme vecteur d’ouverture et de communication entre les deux blocs est et ouest au milieu des années 80. Mais, bon, je ne vous le dirai pas sur ce coup-là. Vraiment.

Par contre, dans les jolies surprises françaises sorties de manière un peu confidentielle au cœur de la chaleur du mois d’aout, le bien nommé « Coup de chaud » de Raphaël Jacoulot, dresse avec justesse et efficacité dans une ambiance de polar noir et suffocant le destin ( tragique) de Josef, jeune homme mis au ban de la vie (en vase clos) du village décrite avec justesse et lucidité. Le tout est porté par un casting impeccable, troublant Karim Leklou dans le rôle de Josef accompagné de Jean-Pierre Daroussin, Grégory Gadebois, et la trop rare Carole Franck une nouvelle fois remarquable de justesse. Si vous cherchez une nouvelle preuve que la chaleur rend fou, mais je dis çà…

JP Daroussin & C.Franck dans Coup de Chaud (R.Jacoulot).

Et si elle ne rend pas fou, elle peut à minima faire peur. « La Peur » (prix Jean Vigo 2015), Damien Odoul nous la fait ressentir comme rarement à travers le portrait de Gabriel, jeune combattant au physique de jeune premier envoyé au front en 1914, plein de fougue et d’illusion d’une guerre éclair. Engagé sur des bases de recomposition classique historique naturaliste, le film gagne en intensité et en force en recentrant (par nécessité et économie de moyen peut-être) le cadre et le centre d’intérêt du film sur Gabriel pour nous faire ressentir cette peur qui saisit les chaires et tourmente l’esprit de plus en plus isolé du combattant épuisé auquel Nino Rocher donne une incarnation touchante.

Nino Rocher dans “La Peur” (Damien Odoul).

La seconde quinzaine d’août aura également vu la sortie d’un petit bijou du cinéma US indépendant avec « The Grief of Others » de Patrick Wang (bizarrement traduit par « Le Secret des Autres » en français). Dans son second long métrage après « In The Family » sorti l’an dernier, le cinéaste américain pose son regard le plus souvent en plan fixe au cœur d’une famille américaine composée de John et Ricky (les parents), Biscuit la cadette qui sèche l’école et Paul l’ainé encombré par ses kilos superflus. Rapidement, on perçoit l’équilibre de cette famille précaire, instable.

La concomitance de plusieurs événements (Jess, fille du premier mariage de John, déboule en annonçant sa grossesse, Biscuit tombe à l’eau lors d’une de ses esquives scolaires, Paul se fait exclure après s’être battu) fait vaciller le fragile équilibre et libère en chacun des membres de la famille la douleur, la peine que chacun avait feint de maîtriser jusque-là.

The Grief of Others ( Patrick Wang) .

La grande réussite du film tient à deux éléments principaux : Le premier est la grande bienveillance avec laquelle le cinéaste regarde ses personnages dans toute leur complexité. Patrick Wang laisse aux acteurs du temps pour exister à l’image et faire exister les situations et par là même à nous spectateurs, le temps de s’y connecter, de s’y identifier, de se faire une place au côté de cette famille en quelque sorte.

Patrick Wang « fait confiance » au spectateur : La scène de départ de Jess, avant dernière séquence du film est à cet égard remarquable. Filmé à distance et sans que l’on perçoive réellement ce qui se dit, et pourtant, instinctivement, on sait, on ressent ce qui se passe entre les personnages.

Le second élément réside dans l’audace formelle qui surgit à plusieurs moments du film (surimpressions colorées, inserts des souvenirs dans le cadre…) qui étonne, surprend et pourtant fonctionne toujours à merveille. La scène finale, qui associe ces deux dimensions en fait une des séquences les plus belles qui m’ai été donné de voir ces derniers mois au cinéma.

De l’autre côté de l’Atlantique mais plus au Sud cette fois, le Brésil nous envoie une bouffée d’air moite avec « Ventos de Agosto » de Gabriel Mascaro. Difficile de résumer l’histoire de ce film dans lequel on plonge dans la vie quotidienne de Shirley, chargée de s’occuper de sa grand-mère dans un petit village isolé en bord de mer et qui trompe son ennui avec son petit ami Jeison, entre pêche sur fond musique rock et bronzage au Coca, récolte des noix de coco (pimentée d’ébats amoureux au confort « précaire ») et une passion pour la tatouage (faute de mieux, sur peau de cochon vivant).

Ventos de Agosto ( Gabriel Mascaro)

Cette monotonie est troublée lorsque qu’un scientifique (un chasseur de vent) arrive au village pour enregistrer le vent qui accompagne les orages à venir, orages qui marqueront un point de bascule déterminant pour les trois protagonistes. Oscillant entre documentaire (formation initiale de Gabriel Mascaro) et fiction, « Ventos de Agosto » fascine par la beauté de sa photographie (séquence d’orage de nuit à tomber à la renverse), par la capacité, malgré une certaine sécheresse apparente, à accompagner et composer des personnages forts en évitant l’écueil de la monotonie contemplative. Le format relativement court (1h20) et un travail impressionnant sur le son, les bruits, le vent (clé de voute du film) contribue assurément également beaucoup à cela.

Enfin, l’été ne serait pas vraiment réussi sans son lot de ressorties de grands classiques occasion de (re)découvrir des films restaurés sur grand écran. Pour moi, l’été 2015 sera celui de la découverte de « Rocco et ses frères » de Luchino Visconti.

Rocco et ses frères ( L.Visconti) 1960

Visconti suit une famille venue s’installer à Milan en provenance du Sud du pays, et dresse en creux le portait social de l’Italie d’après-guerre. Passion, trahison, espoir, désillusion, lutte des classes…Un film noir somptueusement restauré dans lequel Alain Delon dans le personnage de Rocco, et peut-être plus encore Annie Girardot dans celui de Nadia, embrasent la pellicule. Chef d’œuvre estival n°1.

Il sera aussi celui de la découverte d’une des sources d’inspiration du cinéma d’action asiatique contemporain (et par rebond celui de Quentin Tarentino dans Kill Bill) avec la réédition de « A Touch of Zen » de King Hu sorti en 1971 et ressorti cette année dans une restauration elle aussi de toute beauté. 3 heures de folies formelles, de combats de sabre chorégraphiés à la limite de l’hallucination le tout conclu dans une fin entre psychédélisme et abstraction zen. Chef d’œuvre estival n°2.

A Touch of Zen ( K.Hu) 1971

Résolution 27452 pour conclure cette été 2015 : « When I grow old, I want to be a kick-ass monk ! »

A Touch of Zen ( K.Hu) 1971

Bonne rentrée !




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