La puissance d’un Minuit dans tes Bras
Pour Noël, vous pouvez offrir du parfum à votre belle-mère, un livre sur le football à votre grand-père, des chaussettes rose à votre nièce. Et pour vous, le nouvel album de Michel Cloup duo, c’est-à-dire l’ex-Diabologum (entre autres) Michel Cloup accompagné du batteur Patrice Cartier (qui a collaboré avec Michel Cloup au sein d’Expérience et de Binary Audio Misfits), Minuit dans tes Bras.
La sortie est prévue le 27 janvier mais vous pouvez dès le 16 décembre sur le site du label. Et si on insiste avec la finesse d’un hippopotame dans l’atelier de faïencerie du père Noël, c’est parce que, comme son prédécesseur, Notre Silence, paru en 2011, cet LP a tous les atours du parfait cadeau de Noël : élégant, puissant, émouvant. Un cadeau à se faire à soi-même et à ceux qui pensent que la langue française n’est pas faite pour être chantée, pour ceux qui pesent qu’une certaine de mélancolie autocentrée peut être aussi universelle. C’est l’histoire du couple, de la vie ensemble, de tenir malgré tout, que raconte dans son parlé-chanté aux accents graves mais pas désespérés Michel Cloup. On est ensemble, on doute (J’ai Peur de Nous), on a peur, on tombe, on se relève plus ou moins bien (Coma, Ma Vieille Cicatrice), on retourne à sa vie, plus fort, prêt pour un nouveau départ (Nous Vieillirons Ensemble).
Michel Cloup sait très bien énoncer les évidences, celles qui fracassent parfois le quotidien, celles qui enfoncent les portes fermées par des années de silence, de non-dits, des évidences qui sont si souvent enfouies dans nos habitudes. « La vie continuera aussi longtemps que nous serons réunis dans la torpeur de ce lit », chante Michel Cloup dans la dernière chanson de l’album, qui rejette le fatalisme des habitudes, après avoir rappelé son goût pour la solitude dans le premier titre de l’album : « L’endurci que je suis a appris à comprendre ». Et si « vieillir n’est pas forcément signe de sagesse ou de maturité », c’est tout de même chez Michel Cloup le moment de rentrer chez soi, chercher l’autre, quitte à risquer de « se perdre » (J’ai Peur de Nous). Toujours sur le fil, tenté de quitter les chemins qu’il a lui-même balisés (Sortir, boire, et tomber), Michel Cloup « calme le feu avec un incendie arrosé d’alcool et d’autres produits » pour finalement sombrer dans le Coma (un instrumental) ce presque sommeil du noctambule qui cuve. Vit-il vraiment aussi bien qu’il le pense avec sa Vieille Cicatrice ? Il doit faire avec de nouvelles traces laissées par la vie. Dans Minuit dans tes Bras #2, une femme récite, en conclusion de l’album, un texte rédigé par Michel Cloup. Une présence féminine qui évoque la reprise du monologue de Françoise Lebrun dans la Maman et la Putain je Jean Eustache, repris dans une chanson de Diabologum. Et c’est d’ailleurs Françoise Lebrun que l’on entend ici. Une voix douce, légèrement âgée, un peu lointaine, apaisante. « Ferme les yeux, ne t’inquiète pas, quoi qu’il en soit, ferme les yeux, je continuerai à veiller sur toi ». Une figure maternelle, une boucle bouclée, un souvenir des temps passés.
Michel Cloup chante l’intime, son intimité mais sans le voyeurisme de groupes français qui se revendiquent de lui, pourtant. Lui est dans la simplicité. Sa guitare et la batterie martiale, parfois, toujours puissante, de Patrice Cartier permettent de contourner l’écueil « chanson française » grâce à des influences américaines. Des mots universels, plaqués sur une musique lancinante, le tout dans, il faut le souligner, un bel écrin : une pochette d’Ed Askew, chanteur folk psychédélique américain, peintre, tranchante et sobre à la fois.
Michel Cloup Duo nous offre un album radical et qui transperce les tripes d’émotion.
Sur Ed Askew : http://www.blogotheque.net/2013/06/03/ed-askew/