Mickaël Mottet : Dès BXL Bleuette, j’ai eu l’impression géniale que le disque allait naviguer entre plusieurs époques : il est résolument moderne parce que tu l’es, mais d’une certaine manière il aurait pu sortir à la fin des années 1960. C’était une intention de départ pour toi ? C’est dû notamment à l’utilisation des samples, à ton avis ?
Françoiz Breut : C’est marrant ,on m’a déjà fait remarqué le ton « désuet » de l’album , c’est certainement le fait d’avoir utilisé des extraits de vieux 45 tours , c’est ce qui a d’ailleurs été le point de départ du disque ; j’avais envie de travailler de manière différente , ne pas partir de lignes de guitares ou piano pour trouver des mélodies mais plus partir de rythmes composés à partir de ces samples.
Mickaël Mottet : Je trouve ton éclat rire annonciateur, lui aussi. Tarifa, Derrière le grand filtre, La certitude et Terre d’ombre sont des chansons d’ouverture assez intenses, compactes, profondes ; j’ai raison d’entendre quelque chose de plus léger dans BXL Bleuette, de plus volontairement aérien ?
Françoiz Breut : Oui quelque chose de plus gai, de plus positif de moins plaintif peut-être .
(À propos, je parle de chansons d’ouverture en oubliant les intros, qui faisaient entrer dans tes deux albums précédents à petits pas : tu ne voulais pas reproduire ça cette fois-ci ?) J’ai quand même utilisé quelques petits interludes comme des extraits de cours d’anglais ou un monsieur qui parle d’anomalies du cœur.
Mickaël Mottet : "Les bleus et les coups de la ville", dans La gomme : encore une phrase magnifique sur les lieux. Je me souviens qu’on avait déjà parlé de ça, l’importance des lieux dans ta musique. Tu étais sédentaire à Bruxelles depuis relativement longtemps au moment de l’écriture de La chirurgie des sentiments, je crois ?
Françoiz Breut : Oui je tenais à rendre hommage à ma ville d’adoption, même si j’ai toujours parfois l’impression d’avoir un pied sur le départ , ceci dû à une certaine nostalgie , à l’époque ou j’étais plus proche de mes vieux amis et famille... mais cette chanson est aussi pour ceux qui ont du mal à s’intégrer , c’est une sorte de chanson " conseil" , mon expérience me dit que ça prend du temps ;que les plus belles choses sont parfois cachées, qu’il faut être curieux et patient et c’est aussi une métaphore sur l’amour.
Mickaël Mottet : Est-ce que le fait d’avoir beaucoup tourné suite à la sortie de l’album génère de nouvelles idées, de nouveaux désirs ? As-tu déjà repris l’écriture ?
Françoiz Breut : J’ai besoin de recul et de pause, je pense m’y remettre très bientôt au compte-goutte. Je n’arrive jamais à faire deux choses à la fois Sauf peut-être dessiner un nouveau bouquin, c’est plus facile, j’ai moins besoin de concentration.
Mickaël Mottet : Comment s’est opéré le tri des instruments, sur ce disque ? Par exemple, des chansons comme Werewolf et L’ennemi invisible sont creusées, réduites à une belle essence rythme percussif-mélodie non harmonisée.
Françoiz Breut : Pour Werewolf, j’avais l’habitude de chanter cette reprise de Mickael Hurley presque à capella, il fallait absolument qu’on garde cette simplicité. Pour L’ennemi invisible on est parti d’un sample très lent, pour essayer surtout de recréer l’ambiance angoissante d’une centrale. C’est une chanson qui parait légère mais qui cache des choses sournoises et malsaines (comme le Nucléaire), et j’ai bien peur que ce soit déjà trop tard .qu’on ne puisse plus s’en passer. Il s’est passé quelque chose d’étrange dans ce morceau, nous voulions donner une impression de quelque chose d’angoissant, d’oppressant, mais finalement le résultat est une chanson très douce et presque mélodieuse.
Mickaël Mottet : Accepterais-tu de parler précisément de l’histoire de certaines des chansons de l’album ? Mes propositions (mais tu peux en choisir d’autres !) : Cabinet de curiosités, Michka Soka, L’éclat du jour.
Françoiz Breut : La chanson Cabinets de curiosités est une chanson sur les petites choses de l’amour à conserver précieusement. Je fais ici un parallèle avec les cabinets de curiosités qui étaient des sortes de petits musées apparue à la Renaissance, qui étaient des lieux étonnants, où des objets de tout ordre étaient exposés, accumulés afin de montrer l’infini du monde. Et dans cette chanson, je dis que la vie et l’amour (lorsqu’on l’a trouvé) sont toujours pleins de surprise, de rebondissement, de curiosités. On a eu envie de quelque chose de très doux et éthéré. Moi qui ai souvent chanté l’amour déçu, des histoires d’amour finissantes, je chante ici quelque chose de très positif.
Michka Soka est une chanson écrite après la musique, c’est la première fois que je procède ainsi, et que je me laisse aller à ce procédé, la forme avant le fond. Disons que c’est la chanson la plus "pop" du disque et la plus dansante, elle parle de rupture en encourageant la personne quittée à accepter sa situation, le rythme chanté du début est interprété par mon fils qui avait vu un film sur les Temptations et qui a tellement adoré la musique qu’il chantait dans sa chambre, je l’ai donc pris par surprise et l’ai enregistré... il me réclame des droits d’auteur maintenant ;-)
L’éclat du jour est une chanson sur la perte d’un être cher, cette perte qui doit absolument être remplacée par quelque chose de lumineux, par la vie, l’accumulation des jours qui nous aident à supporter cette douleur et ce désarroi. C’est une chanson dédiée à une amie, et je pense être vraiment très proche d’elle lorsque je la chante.
Mickaël Mottet : Une classique, mais je suis toujours curieux de savoir : qu’est-ce que tu aimes écouter ces derniers temps ?
Françoiz Breut : Pas grand-chose, je n’ai pas eu le temps d’aller à la Médiathèque, je n’aime pas écouter la musique sur mon ordi, donc Deezer & compagnie ça ne m’intéresse pas. j’écoute des vieux disques de ma discothèque, du jazz, et j’ai joué avec Thomas Belhom, à Grenoble et j’aime beaucoup son disque. J’écoute aussi le disque aussi de Midget.
Françoiz Breut : Merci Mickaël////
Mickaël Mottet : Merci Françoise !