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Interview réalisée en mars 2006.

Peux-tu nous expliquer ton parcours ?

— Odran : J’ai commencé à me passionner pour la musique dès mon plus jeune âge, notamment car mes grands frères passaient leur temps à en parler et à en écouter. Ce sont eux qui ont commencé à rapporter des guitares à la maison, puis des amplis minuscules, puis d’autres un peu plus gros. Ils m’ont convaincu de commencer la batterie pour pouvoir monter un groupe de gros rock qui tache, ça a été mon premier frisson musical. Adolescent, j’ai passé plusieurs années à Edimbourg dont j’ai gardé le goût des pubs enfumés et des concerts de folk. C’est là que j’ai commencé la guitare et que j’ai écrit mes premiers morceaux. Mais, ça fait pas mal de temps que je suis rentré en France, assez longtemps en tout cas pour avoir pu participer à pas mal de projets musicaux, notamment en tant que batteur du groupe de jazz mutant Epsilon Sigma Club, dans lequel mon frère Johann et mon pote de toujours Andy jouent de la basse et du saxophone. Mes premiers enregistrements personnels sont nés à peu près en même temps qu’Epsilon Sigma Club, sans doute car ces deux projets me permettent de satisfaire des penchants très marqués pour des styles de musique assez différents allant de the Ex à Nick Drake en passant par the Kinks.

Comment s’est déroulé la rencontre avec Another Record ? Te sens-tu proche des autres artistes du label, musicalement et/ou en termes d’éthique ?

— Odran : Je les ai contactés de manière tout à fait spontanée, en cherchant par-ci par-là des labels auxquels mes chansons me semblaient susceptibles de plaire. J’ai pu rencontrer par la suite les membres du label à Tours qui m’ont proposé tout de suite de sortir mes chansons, et qui m’ont expliqué plus précisément la politique qu’ils défendaient. J’ai tout de suite accroché à leur vision des choses : leur engagement en faveur de la libre diffusion est à la fois intellectuellement intéressant et me semble à terme très efficace. Je pense notamment aux " compilations abandonnées " Sweets for the wild que tout le monde peut télécharger sur leur site gratuitement, à la seule condition de s’engager " moralement " à les faire circuler. Je suis heureux de participer à un projet intègre comme celui porté par Another Record. Musicalement parlant, j’avoue ne pas avoir encore eu la chance de connaître toutes les sorties, ça fait tout juste un mois que nous nous sommes contactés. Cependant, j’ai pu me rendre compte que je partage avec bon nombre de musiciens du label un attrait pour les sonorités acoustiques, je pense en particulier à Dana Hilliot.

Ton disque est le manifeste de la débrouille et tu joues de tous les instruments. Volonté ou nécessité ?

— Odran : C’est clairement une volonté. J’arrive à quelque chose de correct en termes de qualité du son, donc je suis tout à fait satisfait par cette situation qui me permet de tout faire comme je l’entends, quand je le veux, dans mon sous-sol Ensuite, je suis très heureux de jouer tous les instruments, car c’est ce que j’aime le plus au monde : ça multiplie le plaisir. Je joue tout à tour de la guitare, de la basse, de la mandoline, de la batterie et plein de percussions, c’est grisant. Le risque étant de ne pas savoir quand s’arrêter. Avec le temps, j’ai tendance à toujours plus dépouiller les arrangements, car je pense par avance à ce que rendra la chanson sur scène.

Comment se passe donc le passage au live ? Est-ce important pour toi ? Es-tu obligé de t’entourer ou s’agit-il de réinterpréter / arranger les titres différemment, simplifier ?

— Odran : J’adore la scène, c’est un moment toujours réjouissant. J’ai dû faire pas mal de concerts seuls, ce qui est l’inconvénient du fait de ne pas s’entourer pour enregistrer. Pour que le concert ne sonne pas plus intimiste que je ne le désire, je m’accompagne avec un sampler qui me permet de mettre en boucle des rythmes que je produis avec ma bouche. C’est amusant et ça permet de garder l’attention du public. Depuis peu, mes compagnons d’Epsilon Sigma Club m’épaulent sur scène, et le résultat est très concluant. Je préfère jouer avec eux quitte à se débrouiller comme on peut à trois plutôt que de chercher à tous prix les moyens de reproduire fidèlement les morceaux enregistrés : si le passage sur scène les fait évoluer, tant mieux, car ce sera sûrement dans le bon sens : plus dépouillé, mais plus énergique sans doute.

Quels sont les artistes qui t’ont le plus inspiré et/ou donné envie de faire de la musique ?

— Odran : Mon premier grand frisson musical m’est venu très jeune, avec ce qu’écoutaient mes grands frères : Mano Negra, Prince, Ice T, puis, et là, ça a été un sacré choc, Nirvana. Avec le recul, je pense que j’ai été marqué par pas mal d’artistes de trempe tout à fait différentes. J’aime les musiques bruyantes comme Sonic Youth ou Liars. Parallèlement, j’ai une grande passion pour la pop plus ou moins issue des années 60 : the Zombies, the Kinks, the Beatles et tous leurs descendants plus ou moins directs que sont Belle and Sebastian, Supergrass, the Coral et Elliot Smith. J’aime la guitare folk, Bert Jansch et Nick Drake, qui m’ont appris que cet instrument pouvait être utilisé de manière différente, avec inventivité et passion. Récemment, j’ai pas mal apprécié ce qu’on appelle bizarrement la scène anti-folk, justement parce que des gens comme Jeffrey Lewis dégagent une honnêteté, voire une candeur très attachante, et le tout avec beaucoup d’humour.

Quels sont les sujets que tu abordes dans les paroles ?

— Odran : J’écris souvent mes paroles dans des lieux publics, dans le train notamment, où l’imagination divague et où les phrases me viennent sans trop réfléchir. C’est pourquoi mes paroles dépendent énormément de mon humeur et de ce qui me préoccupe au moment précis où je les écris. Elles peuvent être très personnelles, parler de choses qui me sont assez intimes, ou raconter des histoires qui me font rire, ou encore se contenter d’évoquer des images qui me traversent l’esprit quand je tiens mon stylo. En faisant un rapide état des lieux de mes paroles, je me rends compte que, malgré moi, je parle beaucoup de filles… ce qui n’est pas très original en soi, mais reste une source d’inspiration infinie….

As-tu des projets particuliers pour l’avenir ?

— Odran : Je suis en train d’enregistrer de nouveaux morceaux, ce qui devrait me prendre pas mal de temps les prochaines semaines. Je devrais également mettre en place un véritable set avec mes potes d’Epsilon Sigma Club pour enchaîner une série de concerts en France, ce qui est un grande première pour moi et me paraît bougrement excitant. En tout cas, ce n’est pas l’énergie qui manque, tant je me sens excité par ce début de reconnaissance..