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Œuvre la plus connue du compositeur américain avant-gardiste Terry Riley, créée à San Francisco en 1964 et reposant sur un ensemble de préconisations simples et souples – la partition tient sur une seule page –, In C offre à ses interprètes une marge de manœuvre inédite, aussi bien en matière d’organisation (peu importe le nombre de musiciens impliqués et la nature des instruments utilisés) que de structure (53 motifs que l’on peut répéter autant de fois qu’on le souhaite, à condition de les jouer dans l’ordre, sans limite de temps – l’on pourrait aisément imaginer une représentation illimitée), sachant que le do majeur est à l’honneur, mais que le mi mineur et le sol mineur peuvent s’inviter à la fête. Et donc, après l’ensemble Piano Circus (fondé entre autres par Max Richter), Acid Mothers Temple & the Melting Paraiso U.F.O. et The Young Gods, c’est au tour des brestois de Chafouin – remarqués en ces pages lors de la sortie, l’année dernière, de leur chouette album Trois, Quatre – de se colleter avec un des sommets de la musique contemporaine du 20ème siècle, que souvent par facilité intellectuelle l’on range aux côtés des créations de John Cage et La Monte Young. Les contraintes de In C étant flexibles, Aurélien et ses comparses de Chafouin, projet à géométrie variable sous influence math rock, ont fait le choix du minimalisme – guitares, claviers, percussions et steel drum –, quand bien même Terry Riley himself préconisait une interprétation par rien que moins que 35 exécutants, loin des 124 instrumentistes de la représentation donnée en 2006 au Walt Disney Concert Hall de Los Angeles. Ceci dit, à œuvre dont la durée pourrait être infinie, un nombre d’intervenants infinis est envisageable et, à ce titre, l’on pourrait avec espièglerie se rappeler le flippant Rockin’1000, qui vit en 2022 au stade de France une palanquée de tatapoumeurs reprendre les pires standards d’un genre malheureusement – faute d’auditeurs – fossilisé. Mais à Brest, point de taxidermie : l’animal a le poil scintillant et se faufile entre les registres, peu respectueux des grands anciens ou des règles de conduite, six cordes lumineuses en avant, portées par un beat frontal et néanmoins retenu, qui parfois explose, pour mieux s’apaiser ensuite. Ainsi, en deux mouvements dont la durée frôle les 45 minutes, Chafouin fait de In C le terrain de jeu ultime pour tout amateur de krautrock, de post-punk et de psychédélisme qui se respecte. Sous nos oreilles enchantées, ce sont plusieurs décennies de musiques amplifiées qui s’offrent à nous : la seconde partie, brillant de larsens et de distorsions, évoque le meilleur du post-rock et du drone et prend aux tripes tant elle plonge ses racines noise dans le genre de noirceur lumineuse à même d’élever nos esprits embrumés : masterclass.




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