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En juin 2023 on fêtera les trente ans d’un album assez particulier, assez confidentiel en Europe mais que les Américains de bon goût connaissent tous ! Il s’agit d’un gros jalon du rock indé et il s’appelle « Exile in Guyville »

L’année du bac je suis tombée sur Whip-Smart, le deuxième album de Liz Phair - car il s’agit bien d’elle. En revanche je ne me souviens pas du tout comment c’est arrivé, donc je ne serai pas en mesure de vous raconter l’histoire de cette découverte qui a pourtant agi comme un détonateur sur moi. Peut-être que j’en ai happé un extrait à la radio, ou lu un article dessus dans la presse ?

C’est que, voyez-vous, « avant » on faisait comme ça. Avant 2000. On notait frénétiquement les titres des chansons sur lesquels on accrochait (si vous saviez comment j’épelais « Schneider TM » la première fois que je l’ai entendu à la radio !) et après on se déplaçait (oui, oui, physiquement !) pour aller demander à un vendeur (oui, oui un vrai être humain !) s’il pouvait nous commander la cassette ou le CD en question. Longtemps après il nous appelait sur le fixe de nos parents pour nous dire que l’album était arrivé, etc. Mais Liz Phair parle à ma place des nineties, elle les chante, elle les joue, et c’est bien plus intéressant. Ses confidences - car ses textes sont ainsi construits - sont celles d’une très jeune femme qui a reçu une éducation plutôt cool - ayant été adoptée ben c’était pas gagné au départ, seulement voilà, ses parents adoptifs étaient chouettes. Elle a grandi à Chicago et c’est là que tout démarre pour elle - donc pour nous, public. 

Elle fait partie de la scène musicale alternative locale. Après une brève coupure d’un an à San Francisco, elle revient à Chicago et y enregistre les cassettes de ses démos sous le nom de Girly Sound et en 1993, incroyable : « Exile in Guyville » son premier album, est adoubé par le magazine Rolling Stone ! Liz Phair est très douée et totalement déterminée, d’une façon bien à elle, absolument désarmante. 

Tout ce qu’il a suffi, un an auparavant (en 1992) - en plus de ses nombreuses qualités de compositrice, et de son chant souvent monotone - c’est qu’elle demande à Brad Wood, son best friend musicien, « Hey Brad c’est quoi le label le plus cool du moment ? » Quand il lui répond « Matador » elle dit « Ok, ben c’est chez eux que je signerai alors ». Cette anecdote fait sourire, non ? Mais c’est dire de quel destin est faite la carrière de cette artiste. 

Donc, revenons au premier album. J’écoutais « Whip-Smart » vous vous souvenez ? Et en toute logique je cherche l’album précédent, et là y a un arrêt dans le temps, une grosse pause (ah oui au fait j’ai deux gros défauts : j’aime pas marcher, du tout, et je suis très attachée aux Rolling Stones). Donc moi qui ne suis pas féministe pour deux sous, je me dis « Ben pourquoi elle appelle son album comme ça (bouche ouverte, regard bovin) c’est « Exile on Mainstreet » normalement ! » Et je le commande. 

Si une jeune rockeuse se sentait exilée en terre masculine, moi ça m’ouvrait des portes, à l’époque en tout cas, parce que, ben je trouvais ça super les Rolling Stones, et je voyais pas du tout ce qu’il y avait de mal à les adorer. Donc alors que j’écoutais Chopsticks (premier titre de « Whip-Smart ») et que je le faisais écouter à mes potes, qui n’en avaient strictement RIEN à cirer (encore aujourd’hui je ne connais personne qui s’intéresse vraiment à Liz Phair, d’où l’objectif de cette chronique, hein, déconnez pas, écoutez-la, aimez-la si ce n’est pas déjà le cas) j’ai découvert à travers « Exile in Guyville » et ses morceaux en miroir de ceux des Stones que certaines filles étaient vénères contre les groupes masculins et ça m’a mis un coup. 

Car n’importe quelle fille qui est tombée assez amoureuse d’un type pour faire le mur de l’internat et jeter des cailloux dans ses volets en pleine nuit et supporter qu’il lui joue de la guitare pendant trois plombes comprendra qu’ « Exile in Guyville » est super bien écrit. C’est mélancolique à souhait, citadin mais campagnard, Liz Phair a de l’humour et beaucoup de talent. Bref : on fonce !

Donc happy birthday à cet exil en terre de mecs ! On souhaite à Liz Phair d’avoir trouvé un chemin moins bagarreur et un fief plus accueillant pour y abriter ses textes engagés et sensibles. 




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