Voici le bilan en 10 disques de notre année. Si aucun disque ne ressort véritablement de nos différents bilans, ces 10 albums délimitent une cartographie de ce que nous sommes sur ADA. Alors que le cinéma français pleure le box-office le plus noir depuis plus de trente ans, le rock, la pop, enfin la musique pas comme les autres d’ici n’a probablement jamais été aussi en forme, et ce Bilan en 10 disques (10 disques pour une année, c’est maigre, mais pourquoi ne pas aller à l’essentiel, faire des économies, et pas que d’énergie). Alors merci 2022 et vivement 2023.
1/ Michel Cloup “Backflip au-dessus du chaos” (Ici d’Ailleurs)
« ...C’est en se replongeant dans son passé, dans une naïveté sage mais libérée, que Michel Cloup signe son album le plus percutant et le plus ouvert, immédiat et profond. Il nous ouvre les yeux pour commencer et nous quitte sur une introduction, celle de la « Bank Generation » comme pour remettre des épices, mettre du carburant inflammable dans le bolide de Michel Cloup, acrobate sensible et rageur. Époustouflant. »
2/ Garden With Lips “Magnolia” (L’Église de la Petite Folie)
« ....En cet hiver passionné et incertain, le Jardinier aux Lèvres d’or sera votre hôte et son « Magnolia »inspiré s’avère être le genre d’album-arbre sous lequel on s’abrite quand gronde le monde et, si la foudre venait à tomber, nulle crainte, elle ne ferait que recharger nos cœurs. »
3/ Honey For Petzi “Observations + Descriptions” (Two Gentlemen / Kuroneko)
« ...Avec ce disque, Honey For Petzi aura définitivement sa place dans le Panthéon de cette année terrible, comme une bouffée d’air frais, un moment que nous pourrons regarder encore et encore pour en parler de mieux en mieux. Épatant. »
4/ Michael Wookey “Truelove $ Day” (We Are Unique ! Records)
« ...Si le mood est bleu, bleu entre chien et loup, ce nouvel album irradie un bien-être manifeste : peut-être est-ce l’amour retrouvé (« Get Gone »), peut-être est-ce la paix avec le passé (« My Handsome Father »), peut-être est-ce la perspective d’aller à la rencontre d’un public sevré de beauté psychédélique (« Show Me What You Got »), que sans nul doute « Truelove $ Day » saura nourrir, ne serait-ce que parce que le mini-tube « Can I Keep You » va cet hiver squatter les ondes radio de vos cœurs attendris – tant d’aisance mérite une récompense ! »
5/ Dominique A “Le Monde Réel” (Cinq 7)
« ...Pas tout à fait seul (délicate note d’attention pour que « Au Bord de la Mer Sous La Pluie » ne soit pas prise pour une chanson autobiographique), Dominique A trace un sillon qui s’éloigne de plus en plus de ses contemporains, s’interrogeant sur le monde tout en quittant celui de ses chanteurs qui ne sont pas tous des amis. Un pied dans l’irréel, une classe d’avance....la classe A. »
6/ Miët “Ausländer” (Ici D’ailleurs)
« …L’« Ausländer », en allemand, c’est l’étranger, à la base un terme du 14ème siècle décrivant quelqu’un qui n’est pas de votre quartier : l’altérité ne dépassait pas quelques rues et encore moins les villages alentours, pas besoin d’aller très loin pour devenir un autre, dont la qualité d’autre n’était pas une qualité. Sauf qu’avec ce nouvel album de Miët, nous voilà munis d’un passe tout terrain nous permettant de voyager entre les époques et les genres, en toute impunité, uniquement dédiés au talent d’une musicienne en pleine possession de son art. »
7/ Le Mamøøth “Tantrum” (Araki Records)
« ...La crise de colère du combo brestois dure 12 titres et ne s’apaise que le temps d’un « Rat Race » groovy et lysergique, dans le sillage de The Black Angels, aux saillies électriques rappelant Les Thugs. En effet, que ce soit par le traitement des chœurs ou les motifs de guitare qui s’entremêlent, le légendaire groupe originaire d’Angers n’est jamais loin. Le Le Mamøøth, invitant Agnès Bienvenüe et Nolwenn Gueganton à vocaliser avec eux, malaxe les registres avec une rare cohérence dont le credo est l’urgence, l’immédiat, le présent, le maintenant, le maintenant tout de suite et pas demain, demain c’est pour les losers, et ce soir, on y va, on y va tout de suite, maintenant, maintenant et pas demain, maintenant on écoute « Tantrum » et, nom d’un chien, ça fait du bien. »
8/La Féline “Tarbes” (Kwaidan Records)
« ....La nostalgie est un magnifique carburant pour La Féline, et ici elle s’enrichit de textures et de rythmiques qui éloignent à la vitesse de la Tramontane les clichés de l’album journal intime pour nous emmener plutôt vers une intriguante relecture New Wave de la Nouvelle Vague. Comme si Les Young Marble Giants chantaient le cinéma d’Agnès Varda dans une belle ville de province, entre longues ombres et soleil rasant. »
9/ Chocolat Billy “Le feu au lac” (Kythibong / Les Potagers Natures)
« ...Kraut-zouk ? Ça existe ? Carrément, Chocolat Billy l’a inventé. Le lac auquel le quatuor pyromane met le feu est un océan qui relie entre elles des rives improbables : Caraïbes math-rock (« Cinecittà »), Balkans dévoyés (un air de Kusturica sur « Contre toute attente »), night-club intello (« Scutigères flamboyantes vs rats de bureau » et sa tension rythmique très LCD Soundsystem), pop hypnotique (chœurs et claviers qui rappellent le meilleur de Stereolab), variété yé yé (« Au cinéma » et son chant flûté à la Katerine), mentions spéciales au très enthousiasmant kraut-punk-pop acidulé de « Watch out ! » et à « L’appartement », tango synthétique avec lits de motifs de guitares arpégées et d’orgues dramaturgiques, sur lequel, en esprit, Kim Gordon et Thurston Moore engagent un dialogue désormais impossible. Le name dropping, par essence paresse de chroniqueur, m’irrite au plus haut point mais il est essentiel que vous compreniez à quel point « Le feu au lac » est passionnant, tant dans sa forme sinusoïdale que dans ses innombrables bonnes intentions. Dans l’emballage de cette barre de chocolat (Billy), il y a un ticket en or."
10/ Emilie Zoé “Hello future me” (Hummus Records)