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Ce rituel de fin d’année me passionne à peu prêt autant qu’un documentaire sur la confection des lampes en calebasse sur France 3 Picardie (encore que la dame qui en fabrique dégage une telle passion que c’est absorbant). Alors oui, c’est presque une obligation, cela fait plaisir à ceux qui y sont et pas du tout plaisir à ceux qui n’y sont pas, et majoritairement cela n’intéresse personne, mais c’est un rituel, et en cette année loin de la « ritualisation » un retour aux fondamentaux est de mise.

Alors hasard ou mode de consommation de proximité adapté aux biens culturels, mon bilan de l’année 2020 est très bleu blanc rouge (Marine va te faire foutre, pas de patriotisme.) très labellisé ici, ce qui ne veut pas dire « en français ».

En cette année compliquée, ces disques sont des doudous qui seront marqués à jamais du sceau du repli obligatoire sur soit même. Beaucoup d’entre eux m’auront sorti d’une mauvaise passe, d’un manque d’envie, sauf peu être celui de se cacher définitivement du monde. Et c’est en cela que la musique, comme d’autres arts, sont fondamentales pour notre équilibre, certes pas nécessaire, fondamental, elle est là la nuance. Il est évident que je pouvais vivre sans ces disques. Il est indéniable que je ne pourrais plus vivre sans eux.

On aura beaucoup glosé, écrit, craché, vomi, chialé, mais le frisson d’un son, d’une note aura tout chassé. Ces sons sont multiples, mais j’en retiendrais un, le son d’un monstre dans un disque à la beauté fracassante, ce son, c’est un « Whouf » (traduction approximative) salvateur, échappé de « Swoop in From the Coasts » (dream 1) du premier album de Mickaël Mottet, mon antidote au stress latent, mon gri-gri pour chasser cette peste insidieuse qui tentera encore de nous faire plier. Ce rituel en 2020 n’est au final pas une gageure, c’est un souffle à figer dans le marbre pour se l’insuffler ad vitam. Whoooooooooouf !!!!!!

(Chroniques complètes en bas de la page)

1 - Les Marquises - La Battue (Les Disques Normal)

"Les Marquises portent à merveille ce nom, l’insularité comme évidence, tant ce duo semble loin de tout, sauf d’une étoile, celle du génie absolue, père de " Spirit of Eden " ou de "Laughing Stock". C H E F D’O E U V R E"

2 Mickaël Mottet - Glover’s Mistake (We Are Unique Records)

"Il va donc sans dire ( attention spoiler-alert) que nous sommes ravis de compter le titre éponyme de l’album sur le volume 53 de nos compilations concrétisant ainsi l’enthousiasme de la rédaction d’ADA sur ce disque (en accords) majeur(s) de cette fin d’année 2020 qui au passage confirme (si il en était encore besoin) le rôle majeur de catalyseur du label We Are Unique Records dans nos émotions musicales. A Découvrir Absolument."

3 Chapi Chapo & Les Jouets Electroniques - Collector (Music From the Masses)

"Collector est un album original, imprévisible, passionnant et abouti. Il montre toutes les capacités de son interprète à tirer le meilleur du plus improbable des instruments, mais également son talent de compositeur, capable de faire un excellent morceau de trip-hop avec un synthé acheté 3€ sur un vide grenier."

4 Chasseur - Crimson King (Autoproduction)

"Par le prisme d’un être vivant figé, mais aux histoires multiples, Chasseur signe un grand disque de deuil qui comme l’arbre qu’il célèbre prolonge quelque part la vie de ceux qui le nourrissent. Touché en plein cœur."

5 Thousand - Au Paradis ( Talitres)

" Au Paradis » est un disque physique qui ne transpire jamais l’effort, mais qui sent la sueur froide, la désolation dans la lutte des sentiments, un disque d’amour à la fois guerre et tentative d’un Yalta dans les nimbes d’un espace entre notre sol de simple mortel et le ciel d’un paradis rêvé. Thousand signe un grand disque de chansons françaises qui refusent de s’asseoir à la grande table, préférant la place du pauvre, enchérissant cette tablée de son écriture sachant mêler brûlure intense de la grande histoire et cicatrice de la petite. Une plongée dans une sainte écriture."

6 Reigns - The Walled Garden (Wrong Speed Records)

« Certainement le disque avec le magnétisme le plus fort de cette année. Nous n’aurons pas trop d’une vie pour faire le tour de cet objet qui détonne dans l’univers actuel pourtant déjà déroutant. La force sonore et le grain font de ce disque une œuvre époustouflante. »

7 The Apartments - In And Out of The Light (Talitres)

" Que dire, pourquoi chroniquer ce qui ne l’est pas, trop grand, trop fort, creusant trop en nous pour ne pas nous empêcher d’en parler. Les disques de The aApartment à l’instar des derniers Nick Cave sont des disques qui ne peuvent souffrir de la moindre glorification de sa propre plume, qu’elle soit lyrique ou informative, pâle ou enflammé, ces disques invitent le silence qui lui seul pourrait s’imposer. Ce nouveau The Apartments a l’art de clarifier nos vies en obscurcissant notre horizon."

8 The Reed Conservation Society - EP #2 (Autoproduction) + EP #1

"Ce EP2 est un disque d’une évidence mélodique et d’une clairvoyance dans les arrangements (la simplicité apparente de « Weather Report »est désarmante de beauté, nous transposant sans y prendre garde, dans le terrain de jeu de Stereolab), faisant monter encore d’un cran Oz et son groupe. The Reed Conservation Society gravis les échelons de l’aristocratie pop, avec une classe monstre. Divin."

9 Inflatable Dead Horse - Love songs (We Are Unique Records)

"Comme un cowboy sans arme, il brave les sentiments (Oh Marie Laure) utilisant Our dans « In Our Backyard » comme s’il avait posé ses valises et construit un endroit ou peut être un jour des fées viendront se poser un soir d’été. Un disque d’amour aux fêlures béantes, un disque poignant aux deux faces troublées, une sensation inconnue depuis le « Not Too Amused » de Sebadoh, Inflatable Dead Horse finissant mieux l’histoire. " Everywhere I go, I feel it But I won\’t talk, I won\’t get stuck with you Everyone\’s so lonely, I dig it But I\’m afraid I can\’t share this with you" Emotion majeure"

10 Vertige- Populaire (At(h)ome)

"Alors votons Vertige, écoutons Vertige, partageons Vertige et souhaitons que nos descendants prennent possession de la rue, le poing serré en l’air, vindicatif, mais aimant, car l’avenir que nous leur proposons est indigne de nous, et la rage parfois sourde du disque nous le fait bien entendre. Disque d’une génération qui voudra ne pas perdre, sans haine, avec amour. Un vertige."

11 Octave Noire - Monolithe (Yotanka)

"Les autres invités que sont ARM ( « Monolithe Humain » comme la bande son d’une BD de Enki Bilal) et Mesparrow (« Parce que je suis » duo entre sensualité et traversée d’un long tunnel inquiétant) rentrent totalement dans l’univers d’Octave Noire, ne dénaturant pas, se frottant, pour mieux faire jaillir des étincelles. « Monolithe » pourrait bien donner un souffle nouveau à la chanson d’ici, un disque à la rigueur plastique sans équivalent actuellement, un sans-faute classe et étourdissant."

12 Jonny Polonsky - Kingdom of Sleep (Autoproduction)

"Époustouflant de bout en bout ce disque de Jonny Polonski évite le démonstratif pour n’être que dans l’émotion la plus forte quitte à nous plonger dans un abîme de mélancolie qui n’a d’égal que la photo du livret, comme une captation en couleur d’une image d’ « Ombres et Brouillard ». Il y a véritablement quelque chose de troublant dans ce disque, comme la missive d’un ami que nous n’aurions pas vu depuis des années, et qui plutôt que de nous conter sa vie de façon calendaire se propose de faire un état des lieux de ses espérances en modelant ses expériences pour n’en extraire que la forme la plus parfaite. Divin. "

13 Saffron Eyes - Pursue a Less Miserable Life (We Are unique Records)

" Même la pop est ici considérée comme une chose sérieuse à ne pas sous-estimer (Sunset People) voir à célébrer avec un « Great Expectations » sorti non pas d’un « Epiphany à Brooklyn » mais à Manchester. Disque court, mais ramassé, « Pursue a Less Miserable Life » se termine sur un sol collant, spongieux, un sable mouvant (The Bootown Jerk) duquel ils sortiront avec une classe folle. Le rock est parti pour avoir avec Saffron Eyes un avenir encore plus riche."

14 Solaris Great Confusion « Untried Ways » (Mediapop Records / Kuroneko)

"Solaris Great Confusion nous la fait sans effet de manche, ne reniant aucune influence d’une histoire déjà longue de la folk musique, souhaitant juste porter une pierre à l’édifice, avec une simplicité qui n’empêche une orchestration soignée, mais évidente, car faisant vibrer chez nous la corde de la sensibilité (« Inside a Hollow Tree » d’une perfection rare.) mais également celle de chanter en communion (« So Close to Me Marlène » que l’on imagine chanter en harmonie avec des amis, le sourire complice et la casquette vissée sur la tête pour éviter de se brûler les yeux). « Untried Way » lui avec sensibilité et classe enflammera bien plus encore que nos oreilles. Une délicatesse folk de haute tenue."

15 Templo Diez « Starlight » (Innerstate)

"Un sixième album comme une pièce à incorporer à la cinémathèque d’un groupe à l’intransigeance qui n’a d’égal que la tension qu’il dégage. D’ici que les salles obscures s’offrent à eux, une entrée dans votre discothèque est juste indispensable. Templo Diez est un grand groupe, et « Starlight » est une confirmation implacable."

16 Phôs - Disparition (Catgang)

" La « Disparition » tente de conjurer celle-ci tout le long de ce disque prenant qui s’écoute religieusement, oscillant entre ouverture minimale et obscurité totale. Le lien entre Intratextures et Watine est évident, chacun à sa façon tentant d’épauler l’autre, sans complaisance et pause arty, un disque d’une âme qui ne désarme pas, mais qui s’impose une lutte entre les mots et l’urgence du son, ne se brûlant jamais au contact de la friction de ces deux éléments. Un choc musical et esthétique."

17 Pyjamarama - Simple Living ( A Tant Rêver du Roi)

"Cousins d’Adam and the Madams ou de Yachtclub, le trio pulvérise la pop rock (Yacht Game) nous propulse dans un univers tridimensionnel et spatial pour exacerbation des sensations (« Pitfall » / « Heat Beam » ), nous offre un punk rock rigolard et présentable mais chahuté (The Zone), nous baigne dans un moment d’élégance toujours aux aguets de la possible divagation poétique (« Silent Gardener » / « Palatability » ) pour nous quitter sur « SLC (Smart Lads Committee) » morceau pendant lequel le lâché prise est quasi cathartique.Voilà donc ce que je pouvais dire en plus long et en plus argumenté, sur un disque qui fait quand même un putain de bien !!!!! Magistral."

18 PJ Harvey - Dry Démos (Island Records)

"Car à l’écoute des démos, toute la beauté vipère, la tension et les mots acariâtres de Dry sont déjà présents. Guitares électriques et violoncelles n’attendaient qu’un passage en studio afin de pleinement se déployer comme l’entendait alors Polly, mais la base, le socle de Dry, même sous forme de démos, laisse pantois d’admiration : un songwriting qui allierait Dylan et Beefheart, blues ancestral et modernité du rock. Voire même, sans la tension du résultat final, Polly semble ici étonnamment en paix avec la colère de “Dress” ou “Oh My lover”, comme si le plaisir de la composition supplantait le venin des chansons. La sorcière des sons, la déesse surnaturelle, l’Emily Brontë rock du désir et de la mort, était déjà indispensable, supérieure à toutes et à tous, même sous forme de démos (à l’âge de 22 ans). Amour éternel."

19 & 20 Tribute to Palace et Tribute to Low

« A la fois pour faire un compte rond, mais surtout et avant tout pour saluer le travail des groupes, graphistes qui font ces compilations, et en particulier ces tributes. Ce sont des travaux de longue haleine, mais ils sont faits dans une ambiance DIY qui reste la philosophie de cette série complètement dingo. L’occasion aussi de remercier ceux qui nous soutiennent, ils se reconnaîtront. »