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Nick Cave & the Bad seeds - Ghosteen

Album du deuil, celui d’un père pour son fils disparu, Ghosteen prolonge la douloureuse introspection de Skeleton tree dans une forme plus épurée encore. Le fantôme de la jeunesse ne cesse de hanter la poésie de Nick Cave qui parle à la fois en son nom, au nom du couple, au nom du fils, mais aussi au nom de la communauté toute entière. Musicalement, Cave et Ellis signent un album d’une immanence totale. Tout est puisé à la source de leurs émotions respectives, dans un étirement du temps à la fois luxuriant dans la forme et austère dans le fond. Un paradis perdu, un peu à l’image de la pochette, où le règne animal et végétal, dans leur parfait équilibre, nous procure un sentiment d’éternité.

Rain Phoenix - River

Autre album de deuil, scandaleusement passé inaperçu en France, avec l’hommage d’une sœur pour son frère disparu. Une fraternité, et non des moindres puisqu’il s’agit de la fratrie Phoenix (qui ne se remettra jamais tout à fait de la mort du jeune acteur prodige, River, mort à 22 ans d’une overdose en 1993). Ici l’actrice et chanteuse Rain célèbre la mémoire de son frère par la musique, un art qui les avait réunis un temps autour de leur groupe Aleka’s attic. Deux éléments aquatiques, pluie et rivière, deux prénoms réunis à jamais grâce à cet album poignant. Pour en savoir plus, je vous conseille cet excellent article paru dans The Guardian :

https://www.theguardian.com/music/2019/oct/31/rain-phoenix-on-her-new-album-river-phoenix-guiding-light

Big thief - U.F.O.F.

Un opus qui nous confirme l’importance de ce groupe hyperactif dans le paysage musical indépendant. Ils ont déjà publié 4 albums en 3 ans, dont 2 rien que cette année, sans parler des projets solos de Adrianne Lenker et de Buck Meek. La force de cet album tient dans son irrésistible ascension émotionnelle, cette lente progression viscérale entre solitude et amitiés du troisième type où la songwriter et chanteuse de Big Thief se livre à fleur de peau pour nous offrir une douzaine de chansons aussi introspectives qu’inquiétantes.

FKA Twigs - Magdalene

A 5 ans d’intervalle, FKA Twigs nous a délivré deux intenses autoportraits portant chacun les stigmates d’une vie douloureuse où la féminité est au premier plan. Ici, Twigs prend la figure de Marie-Madeleine pour nous raconter tout ce que le corps et l’âme d’une jeune femme hors du commun peuvent ressentir dans un monde où les prophètes que l’histoire retient sont le plus souvent des hommes. Une production à la fois mainstream et exigeante, parfois religieusement dépouillée, portée par un casting de production assez vertigineux avec des noms comme Nicolás Jaar, Skrillex, Michael Uzowuru ou Daniel Lopatin.

Billie Eilish - When we all fall asleep, where do we go ?

Toujours avide de transgresser le bon goût musical pour aller du côté du mainstream, il faut reconnaître qu’il y a parfois des caractères si forts qu’il est impossible de passer à côté. A l’instar de Madonna à son époque, ou de Lady gaga plus récemment, la chanteuse américaine nous propulse dans un album sans relâche et sans faille, au timing et aux rebondissements parfaitement maîtrisés. Une affaire qui se joue aussi en famille, avec le frère Finneas et la sœur Billie, l’un dans l’ombre, l’autre dans la lumière, qui œuvrent conjointement pour mettre tout le monde d’accord : une bombe posée en plein milieu du billboard par une artiste de 17 ans.

Division nuit - Division nuit

Vagabondant sur de nombreux projets, en particulier au sein du prolifique label Petrolchips, Jull nous revient au plus aiguisé de sa plume avec un album electro-profératoire de haute lignée où les cordes s’invitent au subtil tramage musical qui soutient les textes. Inspiré des hauts faits d’armes de la résistance vertacomicorienne, Division nuit en appelle à la poésie pour tout salut. Un album nocturne, dense, comme un secret bien gardé qui ne demande qu’à voir le jour.

Emilie Marsh - Emilie Marsh

Malgré l’hégémonie d’une electro pop à la française, bien trop uniforme et timorée à mon goût, des voix hors du commun émergent parfois. En 2017, c’était Fishbach qui sauvait la variété française de son désengagement émotionnel. Cette année, c’est au tour d’Emilie Marsh, et du label féminin FRACA, de nous faire l’honneur d’entailler un peu la tranquillité ambiante avec des textes à vif, provocateurs et subtils à la fois, comme un cri dans la nuit, un besoin d’affirmer le tréfonds sans oublier de laisser le charme de la surface faire son effet.

She keeps bees - Kinship

Autres prétendants du rock indé américain pour cette décennie, le duo, composé de la songwriter Jessica Larrabee et du batteur Andy LaPlant, distille ici un album court et intense, oscillant entre un classicisme folk rock et des arrangements parfois plus osés qui nous permettent subtilement d’accéder à une autre dimension émotionnelle ; et dans ce registre, la voix de la chanteuse nous emmène où elle veut, sans nous forcer la main, avec une assurance et un aplomb qui n’entrave nullement l’audace créative du groupe.

Tindersticks - No treasure but hope

C’est un peu toujours pareil avec les Tindersticks. A chaque nouvelle sortie, j’ai la curieuse impression d’avoir affaire au même album que le précédent, comme si rien n’avait bougé, comme si le temps, la mode, l’ambition n’avaient pas de prise sur ce groupe inclassable. Une lancinante façon de tourner en rond, avec cette voix à la fois introspective et vibrante, celle de Stuart Staples, qui en prodigieux crooner sait naviguer sur ce tempo imperturbablement lent, et pourtant toujours aussi mystérieux, qui nous emmène doucement mais surement vers les profondeurs, dans une spirale dont seul le dernier morceau titre, No treasure but hope, nous révélera la beauté.

Leonard Cohen - Thanks for the dance

Alors que nous pensions avoir dispersé les cendres du grand Leonard avec le monacal You want it darker, voici que son fils Adam Cohen nous offre un album posthume d’une sobriété exemplaire. Un legs élégamment orchestré, avec le soutien d’artistes aussi importants que Zac Rae, Javier Mas ou Daniel Lanois. 9 maquettes hors du temps, avec cette voix si proche et si profonde, où la poésie de Leonard Cohen prend le large tout en restant blotti au plus près de nous. Nul autre n’a su chanter le désenchantement de l’amour avec autant de tact ; et chanter la mort avec ce détachement lucide et parfois presque désinvolte où chaque mot résonne comme un oracle.




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