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Un entretien avec Karton pour son album "Le Pauvre songe" écrit dans le compagnonnage d’Arthur Rimbaud. Un album réalisé avec Witold Bolik, un duo que l’on retrouve également sur le tribute Miossec d’ADA pour une reprise du "Cul par terre".

ADA : La scène rock Clermontoise est assez prolifique. Peux-tu nous la présenter, et nous dire comment tu t’y situe ?

Karton : C’est un milieu au départ très centré sur le rock pur que j’ai toujours perçu divisé en deux, d’un côté les fanatiques qui rejouent les standards qu’ils soient issus des fifties, du punk en passant par le rock anglais sixties ou encore la cold wave du début des années 80, bref, le tout avec une énergie incroyable ! Et de l’autre les explorateurs qui tentent un répertoire propre à eux, j’ai fait partie des premiers puis j’ai rejoint le côté obscur (rires). Aujourd’hui je me sens plus détendu ici, dans le sens où j’ai posé parfois mes valises ailleurs, pour justement, aller voir si j’y étais, ce qui fait un bien fou ! En plus je me sens mieux dans le monde musical d’aujourd’hui. Ici j’aime deux trois artistes qui naviguent entre le rock poétique et engagé, l’électro, et le folk le plus pur. Parmi eux de jeunes pousses, qui ont déjà une maturité artistique que j’ai mis des siècles à avoir, si tant est que je l’ai ;) Donc certains me demandent du texte ou des arrangements... Sans être prophète en mon pays (ce qui d’emblée me ferait fuir ) je pense que j’ai acquis une sorte de respect de la part du « milieu » clermontois, j’ai appris à l’aimer et il me le rend bien !

ADA : Tu participes au Tribute Miossec avec Witold Bolik. Votre reprise est vraiment originale. Comment vous êtes-vous rencontrés, et pourrai-tu nous dire comment vous travaillez en duo ?

Karton : Merci !! En fait c’est un pote qui m’a branché sur Witold, je cherchais un monsieur « Machines » pour la scène, puis qui soit aussi un vrai musicien. Witold connaissant déjà ce que je faisais, ça a été assez facile de le convaincre, puis je pense qu’il devait aimer ce que je fait, ce qui peut aider (rires). Notre collaboration est assez fluide, vu que l’on se comprend assez vite, on a peu ou prou la même culture musicale, il est pianiste et auteur/compositeur lui aussi, c’est un mec calme et posé au travail, mon opposé donc. La reprise de Miossec s’est faite en lançant 2000 idées à la minute tout en jouant non stop... Ensuite nous avons fait du tri dans tout ça, puis commencé à enregistrer et à la fin je me suis chargé du mix et de la prod ! Pour mes titres c’est plus calme vu que j’amène déjà des démos assez abouties, et tout en gardant la structure de base, on ramène le tout à nu, pour rebâtir avec des idées neuves, nées du partage de nos deux univers, c’est la façon de faire du prochain album. Alors que mon dernier EP « L’aventure » est le fruit d’un travail en solitaire, de A à Z ! Donc cela fait du bien de « changer » de façon de faire, il paraît déjà que ça s’entend ;) tant mieux !

ADA : Tu as d’autres covers à ton répertoire ? Quels sont tes liens avec ces chansons ?

Karton : Ma dernière cover remonte à 2012 sur un album Tribute à la chanteuse Buzy, album que tu connais bien il me semble ;) C’était le titre « Baby boum », un single que j’avais acheté lors de sa sortie à la fin des années 80, et que j’écoutais en boucle à l’époque, puisque tout me plaisais là dedans, les mots, la voix, la prod et la fille sur la pochette un peu aussi ;) c’est aussi la période ou je commençais à écrire et chanter (balbutier ! devrais-je plutôt dire..) mes toutes premières chansons en osant à peine les porter sur une scène ! Donc reprendre bien plus tard ce titre m’a donné l’impression de boucler une « petite » boucle, avant de continuer l’aventure évidemment.

ADA : A ton avis Rimbaud est-il apprécié pour ce qu’il est, ou le mythe a-t-il perverti quelque chose ?

Karton : Apprécié, certainement, grâce peut-être à certains (peu) de ses poèmes qu’on fait lire dans les écoles, « Le dormeur du val » etc..,puis aussi un peu sa photogénie ! Qui ne connait pas le fameux portait (avec les ch’veux en brosse comme dirait l’autre). Sinon le mythe du voyageur qui quitte tout pour atterrir en Abyssinie se faire transporteur de marchandises et sa fin prématurée ont peut-être occulté (ou perverti) l’essence même de son oeuvre, j’ai l’impression que l’on parle plus de l’homme que du poète. En même temps c’est un tout, pour ma part je m’intéresse plus à la précocité de son talent et au contenu de ses écrits qu’au côté « people » même si la genèse du personnage me plait assez après avoir lu quelques écrits à son sujet, son enfance, les rapports avec sa famille, le milieu qui l’entoure etc..Très instructif sur la suite à venir de celui qui va bouleverser la poésie peu de temps après !

ADA : Quelque chose qui te mets hors de toi quand on évoque Rimbaud ?

Karton : Sans me mettre hors de moi, ce qui peut m’énerver, c’est d’entendre que c’est « bateau » de le reprendre, genre tu t’embêtes pas, tu reprends le plus connu, c’est du déjà vu etc. Ou sinon la peur que peut inspirer sa ou la poésie en général, ou ceux qui déclarent que la poésie c’est « chiant » c’est un peu court dirais-je :)

ADA : Un poème de Rimbaud qui t’émeut particulièrement ?

Karton : J’hésite entre « Ma bohème » « Sensation » et « Roman » qui est mon préféré ! A titre très personnel, puisque j’ai écrit la musique quand mon fils venait d’avoir 17 ans justement ! C’est l’époque ou nous revenions habiter en ville « avec ses parfums de vignes et ses parfums de bière... » et j’observais mon fils doucement bailler un peu sur ses études et préférer les « demoiselles au petits airs charmants... » ce qui te ramène forcément à ta propre jeunesse, donc c’est celle que j’ai eu le plus de mal à chanter, ou du moins aller jusqu’au bout sans être pris par l’émotion de tout ça !

ADA : Des références en matière de chansons inspirées par Rimbaud ?

Karton : Je citerai bien sûr Ferré, que je place au dessus de plein de choses d’ailleurs, pour son travail sur les poètes et ses propres chansons aussi. Mais d’autres artistes bien sûr, je pense à Patti Smith, mais aussi à Thiéfaine que j’ai revu récemment sur scène, et qui a chanté son « Affaire Rimbaud », un magnifique hommage celle-ci ! Je pourrais aussi citer le « Cargo culte » de Gainsbourg sur l’album « Melody nelson », lui-même disait qu’il avait « frôlé » Rimbaud sur ce disque, qui reste d’ailleurs mon préféré de l’artiste ! Ce n’est peut-être pas un hasard :)

ADA : Quels sont les autres poètes ou chanteurs qui t’ont marqués aussi bien dans la vie que dans ton travail ?

Karton : « Marqués » est un mot fort, donc peu de noms dans la catégorie ;) Léo Ferré que je citais plus haut, le 14 juillet 1993 (sa disparition) est un des plus tristes que j’ai connu, c’est pour dire... Gainsbourg, pour sa façon de se réinventer à chaque fois, Bashung n’est pas très loin de lui ;) Et je citerai évidemment Higelin. Le mec qui m’a vraiment donné l’envie d’être saltimbanque, je dois pas être le seul, tant ce chanteur était généreux avec le public, sa disparition m’a littéralement mis à terre, et me relever ! ce qui lui ressemble aussi ! Garder cette énergie, et la foi dans ce que l’on est ! Ça c’est vraiment lui ;). Sinon Bowie, je ne parle que de gens morts c’est effrayant ;) et toute l’arrivée de la scène trip-hop dans les années 96/98, Massive Attack, Portishead etc, ces gens là m’ont aussi vraiment marqués, dans ma façon de penser ma musique ! Pour finir (et j’en oublie surement) je citerai McCartney, son côté homme-orchestre avec aisance est ce qui m’a le plus marqué, jouer de « presque » tout c’est quand même très utile et...passionnant ! Et puis bien sur son oeuvre, seul ou avec les Beatles !

ADA : Ton album « Le pauvre songe » a t-il une version live et avez-vous la possibilité de le faire vivre sur scène ?

Karton : A part les deux titres « Sensation » et « Oisive jeunesse » que je chante depuis longtemps en concert, la finalité de cet album serait sur scène, ou je serais entouré d’un orchestre classique (cordes etc...), de musiciens entre rock et électro puis un comédien pour lier le tout avec du narratif, ce disque est en fait la bande son d’un spectacle qui s’appellerait « Le pauvre Songe ».



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