L’album complet et chaque titre qui le compose suivent le thème de la vie et de la mort, par séquences. Le titre fait référence à un pont à Kópavogur, que les locaux surnomment ’Le pont entre la vie et la mort’, car d’un côté on trouve une maison de soins infirmiers, et de l’autre un cimetière.

From the Cradle (intro) - Le field recording a été pris au magasin de musique à Reykjavík ; on entend la porte s’ouvrir et se fermer, et des gens entrer et essayer des instruments. On m’entend notamment jouer un drone sur gros trône en bois à cordes, que l’on appelle un ‘sound cradle’, un berceau sonore. D’où le double-sens du titre.

Leiktími - Ce mot signifie ’récréation’ en islandais. Le field recording est celui d’enfants en train de jouer au football. L’innocence des enfants et la légèreté de leur être lorsqu’ils jouent me fascinent ; ils n’ont aucun souci, aucun poids sur les épaules.

Snorri’s Saga - Le titre est un jeu de mot, qui fait référence à quelqu’un qui ronflait dans le bus qui nous emmenait voir des aurores boréales, et que j’ai pris en field recording. La musique est le reflet de ce moment, et ressemble donc naturellement à une berceuse. Snorri est également l’auteur (présumé) d’Egil’s Saga, l’une des sagas islandaises, que je lisais à l’époque où je travaillais sur l’album à Bristol. Selon la légende, Egil était un poète, un agriculteur et un meurtrier, qui a fait sa première victime à seulement sept ans. Le livre est rempli de vendettas, de vengeances et d’assassinats à la hache !

Björn of the Mendips - Björn était un guide que j’ai rencontré lors de deux excursions pour voir des aurores boréales. Il était également géologue, et il se trouve qu’il avait dormi dans des grottes dans les collines de Mendip, près de Bristol, d’où le titre. Il m’a parlé en profondeur du fait que, si l’on reste à l’envers trop longtemps, on meurt ! Le field recording est sa voix, en train de me parler des apparitions du petit chien fantôme jaune qu’il s’imaginait dans son enfance.

Inclementine - Je pense qu’Inclementine est l’esprit féminin du mauvais temps. Nous traversons la vie, à ce moment de l’album, et rencontrons la possibilité d’apparition de l’esprit des mauvaises choses. On entend les bulles d’une source, que j’ai enregistrées dans un parc national. Une fois le son monté et légèrement manipulé, j’ai aimé la manière dont on eût dit le bruit de quelqu’un en train de ramer.

The Verge of Winter - Ici, l’hiver est la métaphore évidente de la fin de vie. L’enregistrement est celui d’une ambulance qui est passée près d’un accotement où je me tenais, à proximité d’une autoroute, avec le Perlan Building au loin. Le décor et l’ambiance étaient frais et blancs ; c’est ce que la chanson reflète, je crois.

Thufur Thoroughfare (feat. Benni Hemm Hemm) - Les ’thufurs’ sont de petites formes qui se créent quand le sol gèle et dégèle de manière répétée. On dirait des milliers de tombes minuscules... enfin, c’est ce que je vois ! On entend les amis et la famille de Benni Hemm Hemm dans le premier field recording, et dans le second, le crissement de la neige sous nos pieds, alors que ma compagne et moi marchions en direction de la cascade de Gullfoss. On nous entend aussi respirer. La chanson comporte aussi un rythme mélodique que j’ai composé avec une application iPhone.

The Potter’s Garden (feat. Amiina) - Le sample que l’on entend en arrière-plan est celui d’un homme qui montre à des enfants comment jouer de l’orgue dans l’église principale de Reykjavík (Hallgrímskirkja). C’est l’un des plus gros orgues d’Europe. On entend les enfants s’amuser sur l’orgue en Do majeur, qui est la relative de la partie qu’Amiina m’a envoyée pour que j’en fasse quelque chose. C’est pour cette raison que je les ai associés. Le titre vient du grand jardin de sculptures autour de l’église, et fait référence au ’champ du potier’ de la Bible : le nom que l’on donne à un champ infertile, une terre argileuse achetée avec l’argent rendu à Judas après sa trahison de Jésus. On utilisa cette terre pour y enterrer les inconnus et les pauvres. Magret The Outlaw - Je jure que, pendant que j’étais en Islande, j’ai lu le conte d’une terrifiante hors-la-loi qui était la femme la plus redoutée du pays, selon la légende. Mais quand je suis revenu à Bristol, j’ai cherché son nom sur un moteur de recherche et n’ai trouvé aucune preuve de son existence, ni même une évocation de son nom ! J’ai demandé à mes amis islandais : personne n’en avait jamais entendu parler. Il semblerait que Magret fût le produit d’une imagination hyperactive, née d’états de semi-conscience atteints dans des bus d’excursions islandais ensommeillés ! Je l’imagine étant devenue la déesse de la mort, qui arrache les âmes. Le field recording est un sample d’une vieille chanson du folklore islandais, enregistré au musée.

Lyre ! Lyre !! - Nous atteignons à ce moment de l’album l’enterrement. Cette chanson s’inspire du mythe d’Orphée, et de ses tentatives pour reprendre sa femme à Hadès en jouant de la lyre. Je joue sur une lyre qui m’a été prêtée, dans cette chanson.

Tjörnin Side - Tjörnin est le nom de l’étang où le field recording des oies sur cette chanson a été enregistré. Il y a des références à la mythologie gréco-romaine ici aussi. Cette partie porte sur le paradis et l’enfer. Je pensais au Styx, le fleuve frontière entre la Terre et l’enfer, où Charon le passeur emmenait les âmes sur l’autre rive en attendant leur renaissance.

The Gaits (feat. Sin Fang) - Un jeu de mot entre les ’gates’, les portes du paradis, et les ’gaits’, les deux allures supplémentaires des chevaux islandais. On appelle l’une d’entre elles l’allure ’volante’. Les deux jambes sur chaque flanc du cheval bougent simultanément vers l’arrière et l’avant, pour créer un mouvement glissant. Il existe un concours en Islande où les concurrents montent avec un plateau remplis de verres, dont ils tentent de renverser le moins de contenu possible. On entend un sample des cloches de l’église Hallgrímskirkja dans cette chanson et, à la fin, des touristes japonais qui crient au moment où un geyser explose.