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Moments de parade

“La salle est en silence” Intro 1- a part.

Pour tout principe, il faut puiser a l’origine, à ce moment juste ou l’on donne un nom à un objet, à un être, un mot ou une émotion. On m’a nommé afin que je sois, j’ai pris ce nom et j’en ai fait mon oriflamme, mon devoir. Le nom est la vie de toute chose. Et ce nom est un titre, ce titre c’est fait nom, on ce l’est tatoué surpris un beau jour par un sentiment qui passait par là, porté par un solfège comme Moise dans sa nasse, abandonné là, au bord de nos oreilles, mais qui a vaillamment atteint les rives d’un cœur. L’origine est là où Cohen blasphème et poétise dans une salle de concert en silence, juste lui, et la vérité comme guitare. Il y eut quelque chose, on ne sait jamais bien pourquoi. Pourquoi nous, pourquoi lui, mais ici est né « a singer must die », sur ce papier photocopié que j’ai sous les yeux, lettres d’une chanson lointaine dont je ne me souvenais plus, qui en se froissant semble mettre la musique sur ces paroles. Tout n’est qu’un beau mensonge, un contraste entre l’amour et l’humain. On dit des vérités en cachant les défauts, on ment en montrant les lumières, tout est si léger à l’extérieur, dit le poète, tout est si lourd, murmure-t-il. Tout est en procès, lui, ses batailles, les femmes, mais tout va bien, le spectacle, le spectacle.

Intro 2- au defilé.

J’écoute « A singer must die » du chantre juif, enfermé dans le noir quelques minutes, pour que disparaissent les effluves et ne reste que le gout, alors je laisse passer le jour sur tous les murs, et me prépare à me saouler de ce groupe, la bouche encore savoureuse. Je m’enivre de Venus parade, maintenant que je sais d’où ils viennent, la raison de leur nom, allons assister a ce défilé. Défilé

Opening night

On sort d’une nuit vaporeuse qui nous accouche calmement, après la transe d’un rêve, on s’ouvre au jour puisque la nuit est restée ouverte pour nous, on flotte doucement, sans rien brusquer, le temps ne fait que commencer, et circule en paix. Entre chien et loups, quand le soleil courtise la lune, les lueurs se font légèrement érotiques, et presque épiques, quand les étoiles osent luire de jour. L’insomniaque et l’eternel rêveur vous ouvrent ce qu’il reste de nuit. Open. Peut être est-ce pour se préparer, avant les grands défilés, il faut se concentrer, observer les détails qui peuvent flancher, quitter ces nerfs mal dormis, reconnaitre le trajet, animer les foules, intéresser et s’intéresser. Alors autours des chars, on va cacher, on ne parlera pas, juste certains murmures, rendant mystérieux la parade à venir, ne rien laisser deviner, mettre des voiles, des tissus colorées et semi-transparents sur ce qui s’approche. Toute la nuit on a joué aux manœuvres, dans cette atmosphère si étrange d’avant la fête, entre illusion puérile et sagesse des siècles, comme ce chanteur avant de sortir sur scène qui regarde ses mains puisqu’elles écrivent, crevasse a crevasse, le verdict. Opening night puisqu’on s’affaire à vous inviter au grand jour, dormir est déjà anormal, ces rêves sont éveillés, l’heure arrive, poussons ces chars dehors, lever de soleil, commence la parade, le show, les protagonistes, les histoires, dévoilons l’histoire. Sortons sur scène, la rue, est en silence.

Smoky mourners

Voila, enfants, le héro de la ville, le créateur, le sauveur, l’ingénieur, parfois, le tyran. Voila son char, cet objet un peu surréaliste qui conte et raconte aux mômes présents l’aventure de cet aventurier ou chercheur d’or de pays obscurs avec cet attrait, ce décor enfantin pour être compris. Sur le haut du char préside l’effigie de Smoky, ou de quelque nom qu’il porte, dans cette cité comme dans d’autres continents, voici le monument a la mémoire du défunt, explorateur ou pionnier des âmes citadines, de celui qui rend possible la vie, aujourd’hui, ici, ailleurs aussi, surement. Et on lira ces pages cruelles, et l’on remerciera ce passé glorieux, nos ancêtres, nos vécus cet hier qui est encore là. On veille, au passage de son char, on veille sa mémoire plus peut être que sa personne, et personne ne saura dire si il fut le vilain ou le bon, c’est sur ses terres qu’on marche, dans ses eaux qu’on lave nos esprits de déchets intimes, on lui octroie la beauté de ce lieux, certains lui offrent le pouvoir de rendre beau l’enfer même, n’était il pas buveur et pêcheur, diable et faux ? Il créa ce monde en milles jours, le découvrant dans l’obscurité de nous même. Ce char est lourd, au pas de marche funèbre, un pas d’enterrement Solenne, les têtes se baissent, ces gens autour, autant porteurs que public, portent leurs couleurs chatoyantes cachées sous les vêtements gris, les gens autour, portent leurs yeux au sol, plus bas si possible, on veille ce mort avec honneur, et honte. La fanfare qui accompagne ce cortège élève des sons brillants, presque heureux, sautillants, simples, mais la voix du choriste cache une certaine amertume, l’esprit d’un héro absent en manque de quelque chose, d’autre chose. Sans doute ne veulent –ils pas briser la fête en son principe, peut être faut il relever la tête après la mort, peut être, peut être. Un guitariste à gauche des porteurs tente d’imprégner ces sons de chansons marines, de bars portuaires où les peines sont habituées à embrasser l’alcool mais s’éloignent en se mariant aux vents du large, loin des brumes d’un quelconque Brest, de Rennes et autres châteaux-on-ne-sait-quoi tant en dedans des terres vieilles, si au nord, tant au sud, des terres neuves désirées. De ces endroits, lieux en fêtes, vient cette mélodie bipolaire, autant triste qu’heureuse, qui embrase les publics par le jeu de l’androgyne, un doute sur ce Smoky et sa légende, le pourquoi du guerrier, de l’homme derrière l’histoire, car qui, qui était-il ? Rien n’y fait, c’est le jour de sa mémoire, on le dresse comme dieu, on l’habille d’or et de soie par nos regards achetés, la figure, imposante et méconnue, messie oublié, on voudrait l’accompagner plus loin, mais derrière vient nous ramener au présent, au réel, le char suivant, nous attire vers le futur, toujours vers le futur, nos passé passent et s’effacent, une fois encore

Black limo

Elle est parfaite, presque plastique, et donc cruelle, dit notre sagesse. Elle est là, posée tout en haut d’un trône orgueilleux et pédant, des ors faux, Schwarowsky et cuir imités à la perfection. Posée là comme elle l’a toujours été, une vie entière de mêmes pas 18 ans, même dans ses révoltes, pause. Elle laisse une trainée blanche sur les polaroids que son sourire ivoire étend sur l’air. Dents parfaites, maquillage généreux, sachons-le, la reine est là. Entretenue des tendons jusqu’aux yeux, une splendide jeunesse qui lève son bras pour saluer les plébéiens, en excitant tout homme, ébranlant certaines femmes, tant insouciante, du haut de sa célébrité, infâme et titan. Si l’on a de la chance, si on a la force, on sentira le trouble de cette figure maigre, et on baissera les yeux par peur d’elle, on retournera sur terre, dans la fuite de nos regards, on trouvera alors ce petit homme presque invisible, frêle ombre qui marche la main posée sur la moulure du char, toujours a coté de sa déesse, surveillant tout nos mouvements, épiant les possibles problèmes, épongeant du regard nos désirs inconvenables, sauvegardant son ange, sa statue de sel, son château de sable. Le voila, lui, prêt a tout pour l’aimer, malgré l’ignorance- car les dieux se foutent des amoureux-, il se sait bien trop bas et ne s’étire pas, on se sait minuscule grain, petite pièce d’un lointain engrenage, un rouage qui n’agit qu’une fois chaque siècle, parfois, dans une dimension qui torture mais qu’on garde, puisqu’on est ainsi si prés d’elle. Il la connait, cette ombre sous les yeux, ces doigts si tendus qui cherchent la terre comme racines, il la connait, il voit déjà sa dérive, il comprend avant vous l’impossible et l’accepte comme réalité. S’il pouvait, il l’entrainerait a des kilomètres de cette ville en fête, en feu, si il pouvait, il la rendrait humaine de nouveau, il la descendrait du ciel où on l’a pendu, où elle se trompe, écrasant nuage a nuage la distance, peut être lui offrir une maison simple, un gout de vie. Il a compris, mais il y a toujours ces murailles autour de ces lueurs, des geôles prêtes, des écrins malsains. Lui, n’ose entrer dans ce cercle, et c’est là le thème de ce char fleuris de mandragore, lui, a peur d’elle, peur d’amour, il assume la proximité comme sa chance, et dérobe sa tristesse pour la présence là, sur un trône. Dans l’arrière surgit, comme fond peint sur ce tableau, la musique. La musique comprends les choses, sait le pourquoi, et entends l’histoire et l’espace entre ces acteurs, alors elle se résigne a la joie de plusieurs et évite le malheur d’un. La bande vouée a l’idole, s’imprègne de mélodies légères et étincelantes, aiguisant ses instruments jusqu’aux trémolos fastueux, mais dans le fond, des vibratos se saturent, et esquissent sans le vouloir l’image d’un petit homme a la main feulant le char. Alors on marche au pas allegro, on jette des éclats sonores comme brulures a la foule déjà hypnotisée, le carrosse a sa reine, le peuple a ce qu’il demande, loups et viande, prêts a salir leur Vénus de leurs mots et mains, petit homme, veille. Plus loin là-bas, encore un peu plus loin, le char tourneras, se séparera sans regrets de la route prévue, et l’emblème furtif, ce corps envié, s’enfuira en s’enfilant dans sa limousine noire comme on remet son armure, sans regards en arrière, enfermée dans son véhicule garé dans une ruelle secondaire, méconnue, enfin seule, toujours seule. Petit homme soupire, quelque part encore, il l’accompagnera, ailleurs.

The sordid tango

Dans cette cavalcade de beautés plus ou moins plastiques, plus ou moins plastifiées, dans ces histoires encore belles mais déjà maudites, laissons venir, messieurs, mesdames et chers enfants, le plus étrange des étranges, le plus éloigné des convenances, le plus surprenant, déroutant, envoutant, spectacle de la vie, public généreux, grandes gens, voici venir le navire des Freaks, voilà votre tant désiré, freak show. Dés lors, répondant au silence de la tonitruante voix, s’acheminent entre fierté et honte des femmes barbues, des nains virevoltants, mutilés et mutants, raretés insoupçonnables, et en plein magma de cette scène dantesque, en cet instant Tolkien où toute imagination devient possible, où l’image l’emporte sur l’être même et la raison humaine, défilent les jugés et bannis, les coupables différents, les exilés du normal, au plus haut de l’excitation populaire, apparaissent enfin le summum de l’incompréhensible, viennent les monstres, les amoureux. Ils sont montés sur leur chariots-geôles, des rideaux rouges vifs du baldaquin cachent juste des sculptures naïves des montants de bois, motifs décrivant les pourquoi, les comment, les légendes. Autour nait le silence, reste des bribes de souffle, de fines respirations, peut être des soupirs étouffés, des sons unis par l’asphalte soudain froide, on sent dans cette sourde chanson la crainte, ce léger écart entre des mondes, comme un tango posé sournoisement sur un requiem. Entre deux barreaux, l’espace chétif laissé par les rideaux vermillon, le temps d’un regard qu’on brusque de peur qu’il soit répondu, on découvre l’ébauche d’un être que l’on ne nomme, cet homme que l’on ne croit, cette entité à deux têtes qui nous berce d’ingénuité, de mauvaise conscience, les amants. Prénoms, noms, quelques notes sur eux dans un dépliant du spectacle jeté en l’air auparavant, une passion, une envie, un mot ? On devrait peut être dialoguer avec eux, avoir grandis a leur cotés, les avoir accepté. Devrait-on avoir écouté certains poèmes d’époques mortes, en être tombé nous aussi, amoureux ? Peut être ces anomalies signifient ça, le fond de nos propres blessures, nos maux internes, mais non, ils sont différents, ce n’est pas nous ça, cela ne peut pas être nous. C’est le char du monde, susurre l’aveugle qui écoute ce silence chanté, le char de l’autre monde, de cet univers parallèle qui est là, qu’on essaye de cacher en même temps qu’on brule de vous le montrer, ce morbide désir du rare, du bizarre. On ne leur parleras pas aujourd’hui non plus, laissons les, c’est jour de fête, et cette fête n’est pas là pour arranger le monde, ce n’est pas le moment d’écouter les vérités, plus tard qui sait, quand ce maudit tango se sera fait silencieux dans nos mémoires, on parleras du haut de nos sièges, dans nos bureaux et plateaux, de comment aider, ou comment l’amour, question de ne pas paraitre des monstres, la survis de l’humanité ou d’autres bêtises.

Still words

Je - vous me connaitrais peut être comme je, sinon comme vous – je vous regarde passer, légèrement impatient, mais finalement, si j’y pense sérieusement, je ne suis pas venus vous voir, pas a vous – ni vous a moi-. Pas envie d’idoles, ni de légendes obscures, ni monstres de foire trop humains pour nous. Moi – et vous non ?, moi je viens pour elle, autour, tout est sombre, autour, rien. Les ampoules fatiguent, les flammes dorment. Ma clarté, mon unique feu, vient maintenant, après comme rien ne vaudra plus la peine, je resterai là quand même, avec son image déjà gravée, je resterai là a ne plus voir ce qui ce passe – et vous ? Elle, majorette légère parmi les légères majorettes, lignes serpentines qui s’élèvent en pourchassant dans le ciel son bâton de métal en plein vol. Elle est là où vous ne voyez que cohorte danseuse et marcheuse, moi, je la devine – vraiment, vous ne la voyez pas ? – je la sais, en fait, tout autour d’elle porte son nom, et ses courbes silhouettent les édifices, et son sourire décide du jour et des nuits. Là tourne mon monde, et ce monde là, vit encore. Bientôt – êtes-vous optimistes ?- bientôt elle me regardera, et quand elle me regarde, elle me caresse – allez-vous-en, maintenant – on s’est caressé elle et moi sur des milliers de paysages de papier d’argent, enfilant les lieux, on parle des choses, les choses sont nombreuses, on parle beaucoup, mais dans nos silences, loin de nos chansons, on s’embrasse encore. Ma majorette d’uniforme court à souhait, ce cou qui me retourne, me détourne, ces jambes qui me saoulent, cette petite ballerine populaire reine et femme capable d’éteindre les foudres et de les rallumer sans se plisser ni se froisser, et même de m’accrocher au port, fais de moi un chiffon autant qu’un drapeau. Je ne veux rien voir d’autre, tout reste beau quand il n’y a qu’elle, j’essaye parfois d’être aveugle de vous et de ça, et ça et puis cela aussi, mais si les images partent, les mots restent toujours, les mots survivent, les mots prouvent. Je voudrais être a travers eux, et n’être que par elle, aussi – si il vous plait, laissez-moi seul - . Elle, elle, que dit-elle, que sent-elle, il doit bien y avoir une certaine vie, voir centaine, en elle, que veut-elle en dehors du monde ou je ne suis, que désire-t-elle en dedans du monde ou je voudrais être ? Voudra-t-elle continuer ce défilé pour moi sur des routes d’arbres allongés au plus haut, bordées de rien, dans ces déserts que j’offre, juste elle et moi. Partageant des baisers a la fin du spectacle. Qu’importe, je serais là, patient, chaque année de jours de fêtes, sur le passage des majorettes, je la dévisagerais, vous savez, entre elle et moi, il reste encore beaucoup de mots, il nous en reste toujours.

- Etes-vous encore là ?-

By the dawn of Monday

La plupart des charriots sont déjà passés, laissant encore leurs lignes parallèles sur l’asphalte toujours mouillée d’une pluie d’hier. On sent se faner les couleurs dans les distances, on sent disparaitre les images dans les tiroirs de nos mémoires, on découvre un peu partout en nous, des doutes, des questions. Reviennent alors les murs d’en face, les derniers carrosses sont presque transparents, l’illusion disparait comme ces lignes parallèles, on le savait, les fêtes vont, les fêtes viennent. Pensons, que restera-t-il de tout ça quand la dernière roue s’éloignera de nos yeux ? On est encore confus, délirants entre le beau et l’irréel, sans savoir encore quel monde vient de défiler devant nous, ni quel monde nous attend, moment un tant soit peu triste où l’on a perdu le sens des émotions. Les murs de la vieille école redeviennent gris, le silence qui s’installe est gênant, plus seul que jamais. Le spectacle survit encore dans les rétines, mais sous les pupilles la réalité commence à combler les vides. On pourrait peut être essayer d’accrocher le show, l’ancrer a nous pour qu’il stagne encore en nous, le faire trainer comme un amour vieillissant, que l’on ne sent jamais dans la jeunesse et que l’on oublie dans l’âge d’hiver, lâchement je crois qu’on essaye de l’éviter, ce ne sont que des trop tard trainant, pesant, blessant. Rendons les armes, les chars s’éloignent comme nos enfances, puisque si l’illusion s’arrête, l’enfant s’égare en passés et présents. L’hypnose des couleurs, des rires, l’insouciance, quand les lundis s’annoncent et que moribond vont les dimanches de kermesse, les mômes s’endorment et se réveilleront trop mûrs déjà. Quand on a connue cet âge, quand on commence à l’aimer, a le comprendre, vient l’autre amour, celui d’elle, celui de lui, et cette ligne nous brise, cette enfance meurt, loi des siècles. Peut-on avoir la chance d’être pardonné d’avoir voulu redevenir gamin, et que la magie nous embrasse à nouveau, malgré les coups, les déguisements ? Puisque le temps d’un défilé on s’est retrouvé dans nos cocons, perdus dans nos si bonnes déraisons, ne peut-on pas rester un peu plus ? Viens de nouveau le prochain Lundi, les lundis se suivent sans laisser place aux autres jours, un lundi, et déjà l’autre, lundi suivant du suivant du suivant. Je voulais un dimanche eternel, revenir un peu plus sur l’amour. Aujourd’hui le jour qui se lève est un lundi, délaissons nos enfances, retour aux amours.

Felt food woods

Les souvenirs s’achèvent enfin, encore beaux, vibrants a fleur de peau. Les défilés sont sépias, les gens deviennent méconnaissables a travers la vitre de cette voiture froide, on aura beau les chercher, les dévisager sur ces photos d’albums fermés, on ne les reconnaîtra plus, beaucoup d’ailleurs ne sont plus que ces images de sourires de jardins d’enfances. Mais on les regarde, ces imageries diffuses d’avant, on retrouve ces longs arbres étirés, tours de guets de nos places fortes. On sait qu’en les passants, on perdra tout ce que l’on a appris le long d’interminables routes baisées par nos pneumatiques, tout cet acquis dans nos intérieurs personnels. En croisant ces arbres, les kilomètres vécus et les vies kilométriques se résument en amnésies. On se sent obligé de redevenir gamin, reprendre cet air de la photo. On sait que pour revenir ici, il faudra masquer les murs gris de guirlandes, de fanions et lampions. Etrange, on arrive jamais à se souvenir de murs sales et décolorés, pourtant, on préserve l’image d’un graffiti en nous, le détail, la fissure. Mais les murs sont quelconques, d’ici ou d’ailleurs, les murs sont murs. On revient, on rentre, et pour cela, il faut s’imaginer des défilés, des fêtes. Il faut sentir la foule souriante, la multitude ivre de légèretés et cieux. On ne retourne jamais aux tristesses, on ne va jamais vers le sauvage, du moins, on l’essaye, il faut tenter la joie sans cesse, on y croit, il faut y croire. On revient aux liesses, aux lumières, aux grandeurs de nos yeux de mômes, a ces plats familiers sur ces tables des dimanches festifs, aux parades de carnaval, a ces maudites jambes de majorettes et divins premiers baisers, on retourne sur cette asphalte ou nos genoux se sont écorchés en apprenant a marcher, les premiers pas, les premières pédales, les premiers départs. On retourne chez nous où que ce soit, chez nous, votre lieu, votre recoin, la maison dans l’arbre, le salon, site interne et externe, prés de lacs, d’églises, de routes, de pistes d’aéroports, de ports, prés de nos mères ou d’inconnues qui nous incendient. On revient a ce regard d’enfant porté sur une vie qui fait envie, où qu’elle nous mène sur ces chars multicolores, on revient d’où l’on est jamais parti, sur le trajet de tout amour, les Vénus parade.

Outro

Messieurs, j’ai fait le trajet, la route. La salle est encore en silence, a cette heure-ci du premier jour de Mars de 2013, le groupe sera presque sur scène a Renne, devant la salle, le public. Comme Cohen sage, on reste sur du parcours fait lors de ce défilé qui est la vie, d’un enfant a l’homme qu’on est, qu’on sera encore, sûrs que l’histoire qu’on va conter ce soir est l’histoire de tous, si facile a comprendre, puisqu’on a la chance d’avoir été môme avant l’amour et d’aimer après avoir été môme. Il y a sans doute une raison inconnue à prendre son nom de la bouche du poète juif, il y a sans doute une osmose secrète entre les mots du chantre et les narrations d’ A singer must die. Mais, pourquoi aller les chercher ? Cherchons nous a nous, nous sommes certainement là aussi. J’avoue avoir écris plus d’un mot sur ce petit voyage sensoriel lors d’un aller-retour chez moi, en France, j’avoue tout autant avoir écris des rivières de mots dans ce voyage musical, beaucoup se sont effacés, d’autres sont nés pour des futures mélodies quelque part, de quelqu’un d’autre. Je garde pour moi ce mot espagnol qui est difficile de traduire, « querencia », l’amour de nos origine, de nous, de toutes choses qui jonchent nos parades, objets qu’on a eu, perdu, gagné, parfois rejeté. C’est le mot que m’inspire Cohen, amant des détails de sa vie, de ses paysages, géographies humaines d’un monde parfois cruel, quand il mûrit, et blesse. Querencia parcourt les fibres de chacune des chansons de ce disque, personnages, lieux et fantaisies, cicatrices. J’ai aimé vos chars, croqué l’image de vos idoles, car ils avaient mes couleurs, ils avaient mes visages, comme pour vous, le votre. J’ai senti ma vie en fermant les yeux et en m’enfermant dans ces sons, petit voyage inerte, petit laps de temps, presque trop infime, entre mes cinq et quarante ans, j’ai trouvé cet objet de quasi rien du tout qui a ce pouvoir de m’envoyer là d’où réellement je suis, d’où je me suis perdu un jour, trop occupé a écouter une mélodie qui me donna un nom.

Merci.