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Nous sommes combien à avoir espéré que l’Ophelia de John Everett Millais reprenne vie ? Si les peintres préraphaélites avaient le sens du tragique et du rococo, la simple vision d’un corps noyé nous ramène à notre condition humaine : sans branchies ni ailes, nous parcourons le monde, le réduisant, chemin déambulant, à l’aune de cartographies et de visions embrumées.

J’admire profondément Léa Lotz, alias Bleu Reine, pour le lâcher prise qui fut le sien il y a quelques années, lorsqu’elle décida de se lancer – avec brio – dans l’art et l’inconnu, incertitude à l’appui et néanmoins conviction folle chevillée au corps.

Pour l’avoir récemment croisée sur un trottoir de Montmartre, j’ai pu appréhender sa prestance et sa force d’âme et l’affection qu’on lui porte, louve classieuse d’une meute où personne ne se contraint et ou tout un chacun – adorable guitariste de black métal from le Jura y compris – trouve sa place.

Dans sa nouvelle vidéo, prélude à un album qui devrait sortir d’ici la fin de l’année, Bleu Reine inspire tout autant qu’elle expire, mais personne ne se noie : constat douloureux sur fond de couplets lo-fi, de solaires refrains addictifs et d’électronique discrète. Si la lucidité est de mise, elle se pare d’aquatiques dérives parées d’arpèges distordus, qui rappellent à quel point, si grande musicalité il y a, son fondement reste simple, comme la bête question que tout humain devrait poser à son congénère : ça va ? Oui, tout va bien, ou pas, mais c’est gentil de demander.

En tant qu’arpenteur de longue date des nuits parisiennes, je me suis trouvé un milliard de fois en difficulté face à des individus agressifs, et j’ai constaté qu’à chaque fois on pouvait les désarmer en s’intéressant réellement à eux : no name no shame, je suis comme vous. Et c’est ce message qu’envoie Bleu Reine aux personnes qui souhaiteraient s’inspirer de ses pérégrinations : Léa devient, pour les autres, et pour moi, à force de volonté et de pas mesurés, ce genre de phare que l’on perçoit au loin par tout temps, grandissant lentement en dépit du chaos. Une sorte de meilleure amie apocalyptique, mais top. Le rêve, quoi.




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