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Je me souviens encore avec émotion d’une soirée printanière de 1995 où, dans les locaux de la faculté des sciences de Brest, un ami m’a présenté à Internet – le premier truc qui m’est venu à l’esprit, face à ce champ des possibles qui s’ouvrait à moi, c’est lui demander de me trouver des photos de Cameron Diaz en bikini.

Après un temps de chargement incroyablement long (et bruyant), une image pixelisée à mort s’est offerte à mes yeux émerveillés : mon futur de pornographe s’annonçait radieux, et je n’étais certainement pas le seul, au vu de l’utilisation première et principale qu’ont les humains de cet outil majestueux qui a transformé le réel au point de le rendre invivable.

Dans cent ans, les historiens du futur analyseront à froid l’impact néfaste du World Wild Web sur nos esprits intrinsèquement impressionnables, et évoqueront sans nostalgie (puisque leurs ouvrages seront rédigés – et lus – par une intelligence artificielle) le point de départ du chaos prévisible, entre contrôle total et abandon de l’esprit critique au profit du confort : Cameron Diaz bourrée sur une plage à Mexico.

Tel est le postulat dansant de Transmutation, le premier album du producteur français basé à Berlin, Manuel Jesus, publié par le jeune label écossais Enter Planet Dust, qui héberge également Tom Banks alias Donald Dust. On notera au passage le clin d’œil au morceau Exit Planet Dust, des mancuniens de The Chemical Brothers.

En onze titres, World Wild Web effectue un balayage inspiré de tout ce qu’il y a de meilleur dans l’électro : tension minimaliste à la DFA Records sous perfusion de New Order (Colony – dont la scansion évoque le regretté Ian Curtis), gothic cheap house sur fond de motifs de guitares aventureuses (Cursed Fruits) ou encore catchy clash synthpop mélodieuse (Pills).

Le spectre musical de Transmutation est ample au point d’intégrer toutes les composantes de la musique moderne, un pied dans la citation jamais passéiste, un pied dans la contemporanéité taquine. Chant en anglais et en français, open bar, groovy, truffé d’arrangements malins, ce premier album se distingue par la très grande liberté de ton qu’il assume avec brio et légèreté.

Mention spéciale à Je mange des animaux, funky et débile à souhait, qui mériterait un commentaire de la reine du barbecue, notre divertissante Sandrine Rousseau, dont les goûts en matière de musique se résument drôlatiquement ainsi dans Libération : « Ça danse à mort à l’intérieur, prévient-elle. Verre de vin blanc à la main, Sandrine Rousseau prend l’air sur la terrasse du restaurant solidaire qu’elle a réservé mardi pour sa soirée électorale. Battue avec 48,97 % au second tour de la primaire écologiste, elle vient de danser sur du Abba ou Stayin Alive des Bee Gees. ».

Franchement, je payerai pour assister à ça, ou la voir se déhancher sur Druid Dance. J’invite World Wild Web à lui envoyer son album, histoire de mettre un peu de fun dans son cœur et faire groover moderne du cul son aréopage de sociopathes déconnectés. La Transmutation pour tous, programme électoral porteur !




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