J’ai un souvenir flou, mais très prégnant d’un concert de Zombie Zombie lors d’un festival organisé dans une ancienne déchetterie du Val d’Oise, tellement loin de tout que j’avais pris un taxi pour m’y rendre (vive ma thune) : tout au plus, quelques centaines de spectateurs, bar accessible en permanence, bière pas coupée à la flotte (rare) et dealers mignons qui fixent un droit de passage pour se rendre aux toilettes. Il y avait la regrettée Missill et Métal Urbain, programmation éclectique, sans aucun rebut, rien à recycler, l’éclate pointue et décontractée.
La tête positivement farcie du « A Land Of Renegades » sorti quelques mois auparavant, je n’avais pas été déçu : Étienne Jaumet et Cosmic Néman avaient livré un show foisonnant, à la mesure du lieu et de son undergroundanité induite.
Ma première professeur de latin, en 5ème année de collège, avait carrément de la moustache. Je n’ai pas trop accroché à la matière, même si j’aimais bien les types en jupe qui entre-tuaient dans des arènes pour faire plaisir aux riches et au peuple accroché à leurs basques. Je n’avais pas le choix, dans ma famille c’était allemand et latin, ou rien du tout. Mes frères cadets ont bien entendu fait espagnol : les aînés servent souvent de cobayes à leurs parents trop bien attentionnés. Et donc, mu par l’inertie qui me caractérise, je me suis tapé du latin jusqu’en licence d’histoire, où il s’agissait d’étudier des textes de droit moyenâgeux : combien et comment je taxe le peuple en échange de… bah…. la protection divine ?
Malheur à vous (« Vae Vobis »). Tel est le titre du nouvel album de Zombie Zombie, qui follement - avec l’appui de Born Bad Records et de Virginie Leroux - s’est lancé dans un revival latiniste à haute intensité. Souvent scandées, et parfois brouillées par des vocoders malins, les parties vocales oscillent entre Enya et les chants grégoriens trafiqués du film « Les visiteurs ». Kitsch assumé, à l’instar de certains morceaux de The Bloody Beetroots, qui n’altère pas la qualité du propos, entre kraut-rock, post jazz et électro. Musicalement, c’est excellent, riche, la rythmique est brillante mais le décalage avec le chant fait qu’on se pose forcément des questions sur la pertinence d’une telle production, même si la pochette conçue par le légendaire Philippe Druillet donne le « la » et le ton.
Chez Zombie Zombie, tout a toujours été cinématographique, leur premier album aurait pu illustrer avec brio n’importe quel film de John Carpenter ou de Dario Argento, et c’est comme ça qu’il faut appréhender « Vae Vobis » : parfaite bande son d’une Italie décadente où les papes se déchirent et les villes se défient (Guelfes contre Gibelins), en attendant l’émergence d’un Spartacus kraut-rock qui mettrait tout le monde d’accord sur la piste de danse, ou dans une déchetterie au fin fond du Val d’Oise.