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Pour sa deuxième échappée en solitaire du groupe Corridor, le Montréalais Jonathan Personne confirme une étrangeté envoûtante. Disparitions embrasse l’ensemble de nos pertes, vécues et à venir, celle de l’amour ou celle de l’humanité pourquoi pas méritée. Un disque lumineux et aérien.

Dans le morceau inaugural, au son d’église, Jonathan Personne se pose en conteur, assume la référence à Sergio Léone jusqu’à l’inscription finale sur la tombe du dernier homme. Nous sommes définitivement dans un western. Cette introduction magistrale prend le temps de l’ampleur, les montées renvoyant à Welcome Wagon ou à Midlake. Le chant comme une incantation. La musique est une ouverture, un appel, démentis par la prédiction de la fin de l’Homme annoncée par le texte. La musique contre le texte, les paroles contre la voix, participent de l’impression déroutante de l’ensemble du disque. Comme pour Terre des Hommes, quand la voix joyeuse et limpide, sur une ambiance de folk psyché, nous dit « Seul. Seul face à l’histoire Tremble et pleure comme un chien. »

La magnifique chanson éponyme, aux accents de Morricone, nous entraine dans une chevauchée de guitares qui imperceptiblement se fait mélancolique pour mieux nous éteindre, (« Le souvenir est vague. Le monde que tu aimes disparaît devant toi Et soudain le calme Les gens que tu aimes disparaissent devant toi. ») et nous abandonner brusquement, émus et déroutés.

Jonathan Personne traverse les genres, les morceaux sont planants ou plus directement rock ainsi de Springsteen, qui laisse la part belle à la guitare électrique et à une batterie droite. Quand Grand Soleil, nous ramène au Katerine de L’éducation anglaise, ses mélodies simples et durables, la voix amusée.

Le morceau de clôture est une manière de revenir au départ, de fermer la boucle de ces abandons nécessaires. On retrouve le son puissant et profond, de la batterie cette fois, en écho d’une voix incantatoire, « Évidemment, il est temps de quitter la planète pour vrai Pour une fois, il est temps de briser les promesses que l’on fait, ». L’appel à la reddition, en boucle, laisse place, après une césure brutale, à la douceur du mellotron. On entendrait presque les paroles de La chanson d’Hélène, et Romy Schneider, « Ce soir nous sommes septembre Et j’ai fermé ma chambre, Le soleil n’y entrera plus. » Disparitions nous laisse un goût de fin d’été, d’une insouciance qui n’est plus permise, comme délivrée une dernière fois dans sa musique.

À retrouver également le précédent album "Histoire Naturelle" :




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