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Finalement, il n’y a peut être pas que ça, cela ne me semble pas suffisant pour atteindre ces hauteurs, il y a autre chose, que la délicatesse. Alors proposons-nous de gratter un peu cette superficie de jeune fille modèle, jouer au mineur de fond et aller puiser la particularité du sujet. Oh, bien sur, il y a des artistes plus faciles a comprendre, et pour autant qu’ils plaisent, ils n’arrivent pas a se garer dans nos espaces de mémoires, ils plaisent, et sont doués, chacun a sa manière, mais aller au delà du plaisant, atteindre ce niveau de curiosité, de titillement, d’intérêt accru comme le propage Alma, n’est donné qu’a peu, mais ils sont eternels dans nos discours sur le thème de musique et poésie, omniprésents dans nos recherches d’influences, et propice a écrire des milliers de lignes sur l’étincelle d’un seul de leurs ouvrages. le monde d’Alma est ainsi qu’il a des rivières pour nos soifs, et sait s’épicer d’alcool si nos vies en ont le besoin liquide, il a des champs pour nos bucholismes et des urbanisations pour nos solitudes bétonnées, il a le ciel que l’on prend et celui qu’on mérite, et peut même aller jusqu’a créer des couleurs de nuages, des cercles chromatiques imaginaires pour émotions neuves, il a ces églises qui font que même les athées frémissent en entrant, ce sont des temples de chair de poules et de croyance a l’incroyable, ce monde a tout ce qui peut nourrir nos sécheresse et sécher nos détresses, le monde d’Alma est peuplé de nous, pour nous.

Je suis entré dans ce monde peu avant son duo avec mon grand ami et grand rêveur Kramies (Into the sparks), ses chansons côtoyaient mes écoutes, qui allaient alors de Barbara a Faithfull en passant par Hardy et Patti Smiths, cette recherche mienne d’alors, qui se plaisait a découvrir non seulement la voix, mais surtout les mots entonnés, les verbes conjugués. La mélancolie, la douceur étaient obligés, cette tendresse un peu frileuse, sentir les bras embrasser, et me reconnaitre un peu dans cette chanson française délicate de mon enfance. Elle ne m’a pas bousculé, cela n’était pas le projet, elle m’a enveloppé de ce monde, m’a ramené au songe, m’a ouvert les yeux aux rêves. Sa finesse sans naïveté, sa fraicheur sans puérilité et l’effet d’apesanteur qu’elle scelle sur nos instants est certainement ce qui la rend intrigante, a la part que charmeuse. Alma nous gagne, sans combat, sans guerre, d’un esprit clair et intelligent de la musique, et d’une clairvoyance au moment du chant qui permet ressentir pore a pore le sentiment, faisant facile le plus important et souvent hors de porté, émotionner. Non, la délicatesse n’est pas suffisante pour en arriver là, il faut, outre le poète, le musicien et le chanteur, être aussi l’observateur, l’éclaireur et le mystique, le docteur et le shaman, le psy et le patient, l’aimé et l’amant, la sagesse du marathonien et la vitesse du vif-argent.

Il faut de tout pour être un monde, et cela n’est jamais suffisant, sauf si en plus, la délicatesse s’infiltre a chaque création. Alma est ce tout, et son nouveau petit atlas de ce monde nous arrive aujourd’hui aux ouïes. Solstice, passage d’un a l’autre. Techniquement, je veux dire froidement, il faut reconnaitre qu’Alma a une aura qu’elle sait user, on ne devient pas artiste avec seulement de la folie, il faut se planter des bases, choisir son camp, savoir ses atouts et comment les jouer, au-delà de la délicatesse, il y a la certitude de qui l’on est, et de ceux qui nous ont fait. En quatre chansons, Alma nous ouvre l’éventail de ses fondateurs et s’éventre l’âme, se propose, s’avoue, et s’illumine à nos yeux. « Conquistador » a de cette Satori, de cette splendeur rennaise (Daho, Turboust et l’acidulée Elli, cet univers des rêves éveillés) d’une androgyne pop, qui caresse en surface et griffe en douceur, qui éternise les étés, cette nonchalance qui brule les peaux, « Song d’une nuit d’été a l’empreinte gentille des Françoise Hardy, des Frida Boccara de nos jeunesses, des seventies, amertume lumineuse, dotée de lettres intimes, qui tente d’exorciser les démons du moment, folk d’espoirs portée par une voix dont la maitrise amplifie la beauté.

Puis viennent les aériennes attaques a nos cœurs, ce « Je suis » Mansetien, hymne sismique, aux guitares enivrantes, au rythme fascinant et lent, au discours blessé, pure merveille sonore, qui s’accroche au cœur dans une douceur dont l’acide ne se cache qu’a peine, cet amour possédé et possessif, décharné, amour abandonné, livré, rendu, une puissante chanson de rêves qui essayent de ne pas se briser, dans leurs petits bonheurs fragiles, chanson puisée dans ces radios de nos jeunesses folk (je ne sais pourquoi, mais j’ai pensé a Marie Lafôret sur ce theme), qui reste comme un drap sur nos sommeils heureux. Quand au « Chemin des dames » il se joue sur cette même ligne de chanson française précieuse et précise, narration d’une ingénuité blessée, d’un temps hors du temps, la musique ciselée a chaque son, nostalgique, ramenée d’hier, au classicisme pénétrant, lancinante complainte claire et pure. Non, il n’y a pas que la délicatesse, il y a la magie, il y a ce vécu auditif que l’on accepte et que l’on transmet, et la simple beauté de s’offrir, telle qu’elle, et telle que toutes les chansons l’ont bâti.




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