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La myopie a parfois du bon quand elle permet à celui dont l’horizon se brouille au delà de 30 cm de devoir l’appréhender autrement, l’imaginer dans une autre dimension. David Jacob, auteur de "Je ne suis pas un héron" est de ceux là. Il y a les hommes du son, ceux du mot, ceux de l’image,ceux du son. Lui il est de tous ceux-là et bien plus encore.

Il creuse, satine et polit chacun de ses mots mais aussi des images qui accompagnent ses mots. Le breton est aussi un homme de la voix, son travail avec des voix d’anonymes qui irradie de sensibilité mais de ces sensibilités sans pathos paroxystique, de ces sensibilités qui ignorent un but ou un intérêt. Chez David Jacob, tout est dans une ossature fine qui ne se dit pas, qui ne se réclame pas, dans une générosité de chaque instant.

Ici, pas de fantasmes tourmentés, pas de couleurs intenses et contrastées, pas de violence ni rien d’orgiaque. Pas de friction ni de craie qui crisse sans fin contre le tableau mais plus la matérialité visible et palpable d’une nonchalance d’un homme qui traverse sa vie avec ses langueurs plus profondes qu’elles ne laissent à deviner de prime abord.

"Parvenir un jour

à faire mille choses

pour se permettre

enfin d’en oublier"

Lire la poésie marcheuse de David Jacob c’est retourner à l’errance généreuse d’Henri Calet, la volonté de retourner à un passé à reconstruire d’un Taniguchi. De tout cela, se répand un climat étrange entre haiku faussement anodin et aphorisme énigmatique.

Vous savez comme ces gens qui traversent leur vie dans le flou d’une perception malhabile, touristes intimidés mais toujours assurés. Sans doute la faute ou plutôt la chance à la myopie que cette mise à distance qui permet de démasquer derrière le détail futile du quotidien ces pensées qui bouleversent nos fondations intimes.

Quand la myopie se fait loupe, quand elle révèle. Quand le mot est rieur mais jamais moqueur. Quand il sait tourner en dérision ce pouvoir qu’il contient pour retrouver le vrai et pur plaisir du jeu...

Comme pour paraphraser Tonton Alfred, on ne badine pas avec les mots mais on peut les faire sourire car nul besoin d’appuyer trop ni de pointer là tel fragment de la pièce montée...

"Fixer une vache au vent, à l’heure du thé,

A la langue facile, bien pendue mais râpée,

La méthode à missiles à portée de main,

Tout un art, hacheur de temps,

Un dos large, une tache de sang.

Seules les âmes sœurs sans cible

Savent se tenir. Les autres choient."

Car les mots vivent après nous, car nul besoin de jumelles ni de longue vue, car parfois l’oeileton d’un monocle suffit à réveiller en nous l’inanimé, l’éteint... Car finalement c’est toujours du dérisoire que naît l’essentiel...

David l’a bien compris dans son assurance, dans l’infinie précision amusée de ses pensées de voyageur sans bagages, de VRP des émotions. Ici la pensée ne se nourrit pas de lyrisme, ultime rempart de pudeur des faibles... Non, dans des traits feutrés ce qui s’affirme sans le dire, c’est au contraire d’une agitation forcenée, un apaisement, une sérénité, une sensualité voire osons le mot une sagesse douce qui transparaissent.

Vous pouvez prolonger le plaisir de cette rencontre avec l’univers de David Jacob alias Dave Le Monocle en rejoignant l’univers foisonnant et attachant du monsieur sur son site :

http://lemonocledemononcle.weebly.com




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