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Une voix (celle de Pollyanna) où l’on sent la fragilité fière, la farouche émotivité d’une Françoiz Breut ; un ukulele qui en fait des grammes là où des guitares pourraient en faire des tonnes ; un Casiotone for the joyfully together, qui semble coincé sur la position fingered/memory, main gauche ; et des paroles légèrement désespérées, ou désespérément légères, entre cadavres exquis et délectation morose ; un Cheval.. C’est tout. Pas de trompette ni de tambour (juste un peu de boîte à la rythme à la fin), pas de basses "fat", alias pleines de fatuité, pas de solos, rien de superflu (peut-être un peu de Superflu par contre ? "Et puis après on verra bien", comme ils disaient si bien).

Voilà où (d’ailleurs) je m’étais arrêté, car chroniquer l’équidé indé n’est pas tâche aisée. Cette musique hippique, à la fois hippie et piquante, ne se laisse pas facilement débourrer. Et pis c’est un "premier" EP (après tout de même un bon nombre de démos sporadiques), brut, où la fébrilité et la joie d’expérimenter se sentent, et avec elles une certaine maladresse. Cette même maladresse amoureuse inscrite au fronton d’(à Cheval sur mon) ADA : précieuse, fugace, touchante et rigolarde, à la fois timide et franche du collier, avec de brusques ruées dans les brancards et des hésitations au petit trot (ni trop peu - ah bon sang je comptais me débarrasser de tous les jeux de mots chevalins dans les premières phrases, celui-ci n’était pas intentionnel. On frôle l’harnachement thérapeutique).

Dans sa simplicité (dont le chroniqueur ferait bien de s’inspirer) le titre dit tout : nos chevaliers choisiront-ils mille instruments de plus à la prochaine livrée, se mettront-ils à l’anglais (dans ce cas, reprenez Young Marble Giants, selle vous plaît !), mettront-ils un pied à l’étrier pour rejoindre un label ou une écurie ? Espérons en tout cas que personne ne bridera leurs élans, car le Cheval ici on l’aime sauvage, n’ayant pas peur de s’aventurer dans des types de chansons que personne n’a jamais entendues : la complainte des bac+7 rejoint la grammaticalité sentimentale d’amours, orgues et délices ; l’hymne subtilement ironique aux joies d’internet s’ébroue au côté du chant des désillusions macabres, et comme tout est neuf ici on ne sait pas toujours très bien comment on doit le prendre, si c’est drôle ou si c’est triste, si c’est sincère et/ou malin, si ça peut être défini comme "sobre-et-austère" (nouveau canon, nouveau mètre-"étalon" [POUTOUPOUPSCHHHHH] de la chanson, il me semble, ou du moins de la chronique de chanson) ou juste foutraque et pépère, et c’est heureux car une naissance imprévue au milieu de toutes les oraisons et tous les revivals, des reformations et des hommages, un poil d’horizon même tremblant et incertain, surtout tremblant et incertain, ça fait du bien. Vivement Demain !