Quand une artiste vous propose de vous révéler ce qui ne se voit pas dans la torpeur molle de notre quotidien, cela ne se refuse pas. Quand une artiste vous propose de retourner au monde de la pensée magique de l’enfance, on ne décline pas l’offre.
"Le vrai langage nous prend au corps, non à l’esprit ; ou plutôt il va à l’esprit par voie indirecte. "Cela m’importe, et je n’en puis douter, car cela me remue. Mais qu’est-ce que c’est ? Que veut dire ce signe étrange, ce signe chargé de sens" ? Tout signe est énigme. Ici naît l’attention véritable. Car, aux signes bien clairs, nul ne fait attention." (Alain)
Quand cette artiste vous tend ses bras matriciels, vraiment, on se doit de l’accepter.
Nathalie Réaux, alias Pagan Poetry, est de celles-là, de ces mère chaleureuses et accueillantes, ces mères éternellement jeunes et belles, rassurantes qui nous convient à des messes païennes... Ces messes où viennent se bousculer harmonieusement des images sublimées et symboliques de nos terreurs d’enfants, des réminiscences des voyages extraordinaires de Jules Verne, des fulgurances Steam Punk, les images fugaces des dirigeables des films de Miyazaki mêlées au bestiaire oublié des forêts. Ici, ça sent l’humus, la terre fraîche, l’organique, le vivant. Vous sentez les feuilles collées à vos pieds nus, la neige qui crisse à chacune de vos foulées, la chaleur du soleil qui vous réchauffe la peau dans les rayons doux qui traversent la cime des arbres... Par l’intermédiaire de la voix sublime de Nathalie Réaux, c’est toute la force de la Nature qui vous apostrophe, comme l’appel de la Forêt...
Tout Pagan Poetry est résumé dans "Another Earth" avec cette échappée onirique dans un autre monde, celui de la nouvelle réunion apaisée avec le sein maternel. Il y a quelque chose de labyrinthique, de tourbillonnesque dans ces ondes positives. Et puis il y a ces interludes chuchotés comme des comptes à rebours d’immersion dans des rêves sensuels et enivrants.
Si "The Unseen" ne vous transporte pas ailleurs, un conseil, prenez prestement un rendez-vous avec votre cardiologue préféré car il est à craindre qu’il vous manque cette pompe vitale au milieu de la poitrine. Clin d’œil à Neil Armstrong avec l’atmosphérique et troublant "From Universe To Moon". Puis vient "The Dark Side Of The Moon" qui ne doit rien aux Pink Floyd mais qui vous fera penser à Yello ou à la germano-vénézuelienne Niobé. Et il y a cette voix et quelle voix à la fois douce et conquérante mais de ces victoires modestes et humaines, des victoires au temps du féminin en somme.
Avec "Wonderworld", nous basculons dans le monde du tout petit, de l’invisible, dans le monde des landes habités par des lutins souriants, des lacs habités par des fées Viviane, où les forêts hébergent des Totoro bienveillants. Vous vous rappelez cet enfant qui voit dans ces petites flaques d’eau de bord de mer des nuées de baleines en pleine liberté, qui dans les nuages aperçoit, entre la girafe et le lion, ce géant d’ouate qui lui sourit ? Vous vous souvenez de cet enfant qui tous les soirs en rentrant de l’école discute avec son ami Diplox, dinosaure de 400 mètres de haut ? Et bien durant un peu moins de six minutes, Nathalie Réaux et son projet Pagan Poetry vous ramènent vers cette pensée magique à l’imaginaire sans limite, à cet état révolu mais jamais oublié...
"The Unseen" de Pagan Poetry devrait être remboursé par la sécurité sociale car il vaut tous les Lexomil, tous les Seresta et vous rend serein et apaisé. Ecouter Pagan Poetry, c’est un peu comme être au milieu de la clairière d’une forêt profonde et se surprendre à réapprendre à entendre le chant fragile des oiseaux et se laisser submerger par le mystère de leurs mélopées....
crédits photos : Elodie D’Oliveira