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Que restera t’il après la grande tempête finale ? Que restera t’il de notre civilisation ?

Quels déchets viendront s’échouer sur le sable des plages désertes ?

Où sera cette sonde spatiale Voyager contenant les dernières traces de notre humanité disparue ?

Que restera t’il de nous ?

Sans doute continuera t’il à planer dans l’air les frémissements de nos âmes... Le vent se rappellera de nos larmes face à la beauté de la Musique, cette émotion rendue palpable qui nous faisait un tout humain.

Dans la brise, les feuillages des arbres continueront à siffler les mélodies de Mickey Newbury, Mark Linkous, Bonnie Prince Billy et Bill Callahan...

Ce même Bill Callahan qui nous accompagne depuis plus de 20 ans tant avec Smog que sous propre nom depuis quelques années.

Ils sont rares ce qui peuvent se targuer d’avoir écrit des titres déchirants comme "Bowery", "Teenage Spacheship" ou "Rock Bottom Riser".

Chez l’américain, il y a une évidente sensation de continuité d’album en album...

Avec "Dream River", c’est un peu différent. Après un "Apocalypse" plus difficile d’accés, il nous revient avec ce nouvel album presque enjoué... Bon d’accord, n’exagérons rien, ce n’est pas encore "Le petit bonhomme en mousse" mais on s’en rapproche...

Est-ce dû à une orientation volontairement Soul de l’album ? A l’apport de la flûte traversière omniprésente dans les titres ?

Nous sentons la présence lointaine des Staple Singers dans "Spring".

Que les adorateurs du sombre américain soient rassurés, derrière cet apaisement de façade se cache une menace sourde.

Il n’a pas perdu la Boule Bill

Il n’a pas non plus viré Dub comme le laissait présager la fausse piste la version Expanding Dub de "Javelin Unlanding" que l’on retrouve dans une version plus usuelle sur l’album.

La musique de Bill Callahan semble aller puiser ses sources dans un certain son des Seventies comme dans le titre d’ouverture "The Sing" avec un petit clin d’oeil à Marvin Gaye.

"Nous sommes tous à la recherche d’un corps ou d’un sens à notre envie de chanter" reconnaît modestement l’ancien Smog.

Avec "Javelin Unlanding", apparaît la flûte traversière et cette tonalité printanière et bucolique, comme apaisée, qui nous donne envie de retourner aux belles journées d’été insouciantes.

Dans tout album de Smog ou de Bill Callahan, il y a toujours ce petit moment d’éternité, de grâce auquel nous reviendrons souvent comme ce "Small Plane".

Les dangers s’éloignent dans la carlingue de ce petit avion. Nous prenons de l’altitude, de la hauteur face à nous-mêmes...

"Je prends le contrôle sur toi, je prends le contrôle sur moi, je suis vraiment un homme chanceux qui vole dans ce petit avion".

"Ride My Arrow" semble chasser sur les terres de Lambchop période "Oh Ohio" avec ce jeu de guitare rythmique que ne renierait pas Kurt Wagner ou aux faux airs de Curtis Mayfield, autre référence fantasmée de cet album.

Il y a des touches pointillistes dans ce "Summer Painter" qui fourmillent de détails infimes de production qui se révèlent dans toutes leurs nuances avec une belle écoute au casque allongé sur sa terrasse en cette agonie d’été.

Il y a d’infinies délicatesses dans la voix de Bill Callahan qui n’a jamais autant démontré sa sensibilité, sa force, ses faiblesses, sa profonde humanité que dans ce titre qui se démarque un peu comme la pierre angulaire de "Dream River".

Avec "Seagull", on est loin de l’image naïve voire mièvre du Jonathan Livingstone de Cat Stevens... Cet oiseau-là est plus de ceux aux ailes coupées, atrophiées, qui ne parviennent pas à atteindre la mer, qui continuent de hanter les bords de rivière en quête d’un ailleurs, qui volent en cercles monotones. "Winter Road " avec ses apparences trompeuses de vieil air folklorique vient conclure cet immense album.

Quand viendra le temps des bilans de cette année 2013 riche en belles surprises, il est certain que ce "Dream River" tiendra une place de choix dans ce petit rituel somme toute futile qu’est le palmarès de fin d’année... La musique n’est pas une compétition... Certes, cet album de Bill Callahan n’est pas celui de l’apaisement, loin de là mais il semble vouloir tendre vers un désir naissant de sagesse.

Avant la grande tempête finale, avant que le Piano fin de siècle de Federico Mompou sonne le glas de nous-mêmes, nous plongerons une dernière fois dans la "Dream River" de Bill Callahan pour en sortir rassurés et purifiés face à la fin qui approchera...

Et là l’éclair blanc tonnera dans le ciel sombre et la grande vague nous submergera...




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