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Avec l’invention, certes pratique (mais le pratique est l’anti-thèse de l’esthétique, qui est le luxe réservé aux civilisations portées sur l’accomplissement lent d’un savoir faire véritable), du format MP3 et de ses dérives dégradantes (qu’on le veuille ou non, la musique est vibration et les vibrations atténuées sont à la musique ce qu’est le steak de soja à la côte de bœuf – le Ron Swanson en moi a parlé et ne changera jamais d’avis – point de galettes d’insectes et de soja pour contrecarrer mon héritage de carnivore à dents acérées, je laisse ça aux demeurés inquiets de la pauvre empreinte écologique qu’ils laisseront sur terre, et que personne ne louera, la mollesse n’étant pas source d’altruisme, mais bien d’abdication), telles que la diffusion sonore de merdes synthétiques par le biais des téléphones portables et autres enceintes bluetooth portatives dans l’espace public, nous perdons chaque jour du terrain en matière de respect vis-à-vis du travail effectué par les musiciens soucieux de proposer un terrain de jeu aux fréquences sonores élargies.

A ce titre, le label chiassesi Pulver And Asche nous invite à écouter le nouvel - et troisième - album de Niton au casque, pour en percevoir toutes les nuances. Dans le cadre de l’élaboration de « Cemento 3D », le groupe italo-suisse a collecté des matériaux sonores sur une période de cinq ans, entre Tessin, Varèse, Zurich et Milan, qu’il s’agisse d’espaces théâtraux, de studios d’enregistrement, du bord des lacs alpins, d’églises romanes ou de cinémas d’art et d’essai, le point de départ de cette démarche étant des sessions d’enregistrement dans l’ancienne cimenterie Saceba, à Morbio Inferiore.

Le ciment, c’est un peu le matériau mal aimé. Pratique, pas cher, moche. Et pourtant, ses qualités physiques et chimiques en font un des incontournables de notre contemporanéité, des bunkers allemands aux impérities bâtimentaires de l’après-guerre, des œuvres d’art brutes aux pieds de mafieux coulés dans l’Hudson. On en revient à la dichotomie entre pratique et esthétique : le ciment, c’est le MP3 du BTP.

C’est ainsi qu’en sept titres, Niton nous propose une observation socio-atmosphérique et instrumentale à base de larsens, d’oscillateurs, de banjo préparé, de thérémine, de synthétiseurs modulaires, de violoncelle, de boucles vrillantes et de voix trafiquées : abstract ambient sans concession en l’honneur d’un matériau qui paradoxalement a favorisé toutes les concessions crapuleuses, économiques et politiques, les chiens à visages humains qui nous servent de gouvernants pourraient en témoigner. Au travers de sa thématique endothermique – l’évanescence du calcaire et la souplesse de l’argile –, « Cemento 3D » évoque avec noblesse un béton privé de noblesse.




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