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Entre Prince et la France, ce fut, comme souvent lors des 80’s, une histoire de décalage. Sourde aux sonorités de 1999, la France à Johnny mis un certain temps pour succomber à l’album Purple Rain. On se souvient des affiches du film éponyme ornant les murs des villes, une affiche d’enfer (la pochette que tout le monde connaît, frime et narquoise) ; puis une sortie annulée au dernier moment, reportée en catimini quelques mois plus tard. Marketing suicidaire qui n’aide pas vraiment le public à s’y retrouver – le film, ici même, est un bide. Reste qu’entre-temps, impossible d’échapper à la musique de Prince : avec Michael Jackson (dans un registre plus sexe), « Sa Majesté Pourpre » (ainsi la presse surnommait-elle Roger Nelson) squatte les radios, les télés (Les Enfants du Rock) et surtout vire au culte dans la cour de l’école. A cet âge, on n’écoute pas encore les Smiths ni même les Talking Heads, on prend ce que la radio propose et on pioche dans les goûts des sœurs et frères ainés.

En ces 80’s férocement visuelles, l’imagerie compte autant que la musique (rappelons que les clips possèdent alors un impact d’envergure – cf. les maelstroms Mulcahy et Barron). Et Prince sait y faire : outre un film (saucissonné en différentes vidéos), l’artiste collabore avec Mondino, travaille le décorum religieux (certes maintenant un peu fumeux) mais se révèle également capable d’effacement (l’instantané, en noir et blanc, pour le titre « Paisley Park », initialement destiné en soutien au concert pour l’Ethiopie, en 85).

Logique, après Around The World In A Day (son hommage aux Beatles, peut-être son chef-d’œuvre), à ce que Prince réinvestisse le cinéma. Certes, il faut le dire : Purple Rain (le film) est un navet absolu (aujourd’hui toujours). Mais le Kid de Minneapolis semble, en 86, prendre la bonne décision : initialement réalisé par Mary Lambert (clippeuse pour Madonna, plus tard cinéaste de l’horrifique Simetierre), Under The Cherry Moon, qui se tourne à Nice, ne supporte pas la mégalomanie de Prince. Soucieux du contrôle absolu, la star vire sa réalisatrice et prend l’affaire en main. Las, le résultat ne dépasse guère la bluette maladroite (il révèle néanmoins la toute jeune Kristin Scott Thomas). Un échec (passé inaperçu en France) lavé du soupçon par le disque accompagnant le film : Parade, BO d’une époque – donc album que l’on évitera de réécouter sous peine d’en briser le grand souvenir.

C’est néanmoins à ce moment-là que Prince devient incontournable à nos yeux : Sign O’ The Times (et son film-concert en exclu au Max Linder) puis Lovesexy (et sa fameuse plage d’un titre) confirment aussi bien la machine à tubes que l’inventivité sans fin. Michael Jackson, largué, s’assimile à un produit « blanchi », WASP et trop commercial. Précisons que même les Inrockuptibles, dans le bimestriel Mai / Juin 87 (couve… Marc Seberg) placent Sign O’ The Times album du mois (chroniqué par Serge Kaganski).

A ce stade, on écoute autant Prince que The Cure ou Daho. Sans se douter que la fin de l’idylle est proche…

Paraît-il afin de renflouer les caisses, Prince signe la BOF du blockbuster Batman (toujours ce goût pour le visuel). Si l’ouvrage de Tim Burton est depuis longtemps réhabilité, la musique de Prince, en revanche, amuse au début (Roger Nelson s’y place tour à tour dans la peau du justicier masqué puis du Joker) mais lasse finalement bien vite… Album trop commercial, pas très sincère.

Les choses se compliquent un peu plus avec Graffiti Bridge. Troisième long-métrage tourné par Prince (si l’on compte le live Sign O’ The Times), celui-ci est un hommage (raté) aux films de délinquants juvéniles 50’s. Le disque, inversement à Parade, ne rattrape pas la bérézina cinématographique…

Le clash intervient pleinement avec Diamonds & Pearls. Si le single « Cream » tourne en rotation sur MTV, l’album s’affirme fadasse en comparaison des Pixies, de R.E.M, Murat ou Talk Talk. Certains confrères délirent encore sur Prince, pas pour longtemps : la tornade Nevermind les aiguillera vers un tout autre chemin…

Trop en avance dans les 80’s mais incapable d’innover durant les 90’s, Prince, lorsqu’il donne de ses nouvelles, sonne mauvais RnB. Il est dès lors évident que les enjeux musicaux se situent ailleurs qu’à Minneapolis : PJ Harvey, Nick Cave, Morrissey en solo, R.E.M ou Nirvana en disent bien plus sur nos vies que la soupe princienne. Coup final : l’émergence de NWA, Arrested Development et De La Soul, qui portent la musique black vers un niveau d’inventivité que Prince semble dorénavant incapable de suivre…

Roger Nelson, dans un geste autodestructeur afin de casser la mainmise Warner, part ensuite dans le total brouillage : changement de nom (Love Symbol, TAFKAP), archives exhumées, albums pléthoriques mais édités via des stratégies anti-commerciales, discrétion médiatique (les disques de Prince ne reçoivent aucun écho)… Comme si Prince, délaissant sa discographie, ne jurait que par le live.

Quelque part, sur ce denier point, il était rassurant de le voir toujours en forme : Prince, tombant amoureux d’une salle, et décidant d’y jouer le lendemain ; Prince, beau jeune homme, réveillant la passion des rock critics cinquantenaires en donnant, disait-on, un live exceptionnel ; Prince, qui cultivait le secret, donc la légende – les disques, face à l’halo mystique, ne comptaient plus trop. C’était largement suffisant : savoir que Prince était vivant. 2016, année maudite, ne nous accorde même plus le droit au rêve…





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