Une fois n’est pas coutume (enfin, un peu quand même), je me lance dans l’écoute d’un disque dont j’ignore tout, d’un songwriter dont j’ignore tout. Dans ces moments-là, j’ai souvent tendance à faire une petite recherche sur le web pour vous donner quelques clés, quelques dates ou références permettant de dresser un portrait plus ou moins précis de l’artiste. Mais The serpent and the dove d’In Gowan Ring est de ces disques qui s’apprécient sans en savoir trop. Ignorance is bliss paraît-il, alors soyons heureux d’être une page blanche.
Blanc comme le vide à faire dans sa tête (ou noir si vous pensez que le vide est noir). Plus que l’album d’un songwriter, c’est l’album d’un chaman. Guitares et cordes, flûtes, instruments et percussions acoustiques pas toujours clairement identifiables, enrobent la voix, partent parfois dans une transe chaude et colorée pour revenir ensuite sur les sentiers plus connus des musiques folks anglo-saxonnes. Peut-être plus un druide qu’un chaman. Mais un druide qui aurait fait le tour du monde pour en rapporter des paraboles et des danses que les forêts d’ici n’ont jamais vues ou entendues. Ses notes sont bien enracinées dans un passé où les créatures magiques avaient encore leur place dans les histoires que l’on se racontait à la lueur du feu lorsque le soleil n’était plus là pour nous rassurer, un passé où la magie n’était pas un art du spectacle, où la sorcellerie ne s’étudiait pas dans une école accessible en train à vapeur.
Le soleil, In Gowan Ring sait le convoquer (normal pour un chaman), en admettant qu’on en ait vraiment besoin tant sa musique est lumineuse. Le chant est habité sans être démonstratif, les compositions simplement complexes, les arrangements savamment dépouillés et les huit titres qui tracent le chemin du serpent à la colombe, absolument magnifiques. Dans le vaste monde de la folk music, on peut croiser de très nombreux fantômes. Mais In Gowan Ring a une personnalité forte et unique, à tel point que je n’ai pas envie de la comparer aux autres troubadours, aussi bons fussent-ils.