Laetitia Shériff n’est pas seulement la meilleure compositrice rock française contemporaine. Elle est aussi l’une des personnes parmi les plus passionnantes que nous rencontrâmes. Discuter avec Laetitia, c’est l’assurance de ne plus vouloir rentrer chez soi tant le partage résonne fraternel, l’échange sans fin, les virages théoriques et culturels toujours simples et cohérents. Chez la reine Shériff, une vision féministe du film Alien s’enchaîne, avec une logique propre aux cerveaux en éternelle ébullition, au rapport peinture / musique, puis à la bonne utilisation d’un enregistreur portable, pour rebondir sur la B.O de Dune, les disques de Laudanum, le bienfait des collaborations, Kubrick, Soleil Vert, le respect aux défunts… Avec, en guise de fausse conclusion au moment de fumer une dernière clope avant l’inévitable au revoir : « nous n’avons pas parlé de Jim Jarmusch ! ». Cette femme est une sainte… Et du style à offrir de bien beaux cadeaux à son public : moins d’une année après l’important Pandemonium, Solace and Stars (pour votre serviteur, le disque phare de 2014), surviennent aujourd’hui, en vinyle tirage limité, cinq inédits ; cinq titres qu’il serait difficile de ranger dans une case EP tant le commun des musiciens tuerait pour obtenir ce genre de compositions en Face A de leur prochain album…
The Anticipation (toujours ce goût de Laetitia pour la science-fiction) se situe clairement dans la continuité logique de Solace… ainsi que du EP Where’s my I.D ? (pas un hasard si, lors de la précommande de ce nouveau vinyle, ce magnifique quatre titre 2012 est instantanément offert – quand bien même tout bon fan le détient déjà). Epaulée par les fidèles Thomas Poli et Nicolas Courret, la Shériff prolonge ici les nombreux concerts ayant suivis la sortie dithyrambique de Solace…, comme un surplus d’énergie scénique ne pouvant donner lieu qu’au besoin de retranscrire en studio la fougue de ces instants on the road (tout en évitant, bravo, la facilité de l’album live). Et c’est bien de cela dont-il s’agit ici : entre la foudre Crazy Horse et les susurrements de « C’mon Billy », The Anticipation remodèle le trouble et l’émotion ressentis lors d’un set de Laetitia Shériff (et son gang) ; autrement-dit : une colère qui cajole, une monstrueuse décharge électrique qui nous extirpe un sourire empreint de quiétude, une paire de griffes en forme de ronron (ou bien parfois l’inverse).
Le « virus Shériffien » (pour reprendre la belle expression de Priscille « Mona Kazu » Roy) possède notre fidélité béate tant la générosité et le feu sacré habitant cette jeune femme la rendent définitivement à part des autres… S’il fallait assimiler Laetitia Shériff à un personnage de SF, elle serait l’idéal croisement entre la sagesse de Paul Muad’Dib et l’alternance fragilité / puissance de Ripley.
Pour la précommande du vinyle, c’est ici : http://www.laetitia-sheriff.com/#store