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Un beau moment de nausée noisy, ou tout du moins du vomi de basse et des bruits stridents, voilà ce que promettait cette soirée à l’intitulé un rien intimidant : LA FIN DU MONDE C’EST POUR TES OREILLES ET A CLERMONT FERRAND. Ça se passait rue de la Coifferie. La belle affiche, toute de bouches et d’oreilles enflammées, est signée Lilas et Super Détergent. C’est en la contemplant que je me rends compte que j’ai complètement occulté un groupe de cette chronique et de la soirée : ça craint. Je suis désolé, Caveauphone. Je vous ai loupé. Comme expliqué ci-dessous, je boursicotais sur mon smartphone et je n’ai pas vu le temps passer. J’ai aussi loupé Petass mais c’est normal : elle a dû annuler.

Orchestre de quatre pistes : collectif anti-égo, pas de chanson, pas de chanteur, pas de refrain, pas de solo (encore que certains esprits tordus avec une vision toute personnelle de la pop trouveraient des refrains dans les apogées et des solos ou des call/recall gospeliens dans les éléments singuliers surgissant pour créer une nouvelle masse sonore). Une succession de nappes improvisées, certaines cotonneuses qui vous assomment, d’autres aiguës qui vous vrillent. Il n’y a aucune leçon à tirer de rien, le fait d’exister n’est pas un acquit, mais un hasard et une façon de tourner les boutons. Je comprends pas vraiment ce que je dis non plus, là, mais ça m’a évoqué ça.

Récré A2 rien compris non plus - but not in the good way. Je vois un type jouant de la basse (les copains m’expliquent après que c’est une guitare, pour dire à quel point je suis attentif) mais aucun son ne sort de l’instrument. On dirait un trip second degré de playback sur des bandes, ça a l’air rigolo mais impossible de rentrer dedans. Je m’imagine à tort que c’est parce que je ne suis pas assez saoul et je remonte boire des bières. En fait l’irruption imminente d’une Chantal Goya ne parviendrait pas à me réveiller. Je suis sous le coup du Rituel Drone qui a ouvert la soirée, dans une léthargie que L’Orchestre de quatre pistes ont prolongée (le pluriel leur va bien).

Christophe Siébert. Récit trash, à base de flux corporels, sperme, sang, excréments, un peu de sueur, de sadisme, d’inceste et de parenticide. Un truc dégueulasse que ne renierait pas le Jean-Louis Costes d’avant son entrée à l’Académie Française, mais sans l’hystérie et la gouaille à poils de ce dernier. Plutôt dans le ton froid, mathématique et sociopathosomnambulique d’un Anne-James Chaton. This non-song is killing me coldly, pour paraphraser la bluette. Je pense aussi à Fuzati, mais c’est plutôt à cause du masque et de la présence que de la forme d’écriture.

Un drone au laptop, qui me semble une accumulation progressive de nappes asynchrones, une sono petite qui ne m’a pas donné l’impression de faire perdre le moindre point d’audition. Mais ce qui est assourdissant c’est la violence du texte, et ce qui la rend terrible c’est la voix posée, ponctuée par des éclaircissements de gorge hors micro aussi secs que les phrases au style serré, au ton juste et cruel. Tout ça happe et retient même les fleurs bleues dans mon genre. Il s’agit bien d’un rituel. On en sort pantelant, émus, un peu merdique et trop léthargique pour du Récré A2. Ce n’est pas pour les enfants. Ce n’est pour personne. C’est de la poésie inadmissible et de la musique dangereuse (pour citer deux titres de bouquins que je n’ai pas lus dans la même phrase, c’est ma perf à moi).

Il me faudra quelques jours et quelques nuits agitées pour m’en remettre, à grandes lampées de musique kitsch dont l’anti-réalisme absolu fait du bien après tant de vérité hardcore : les Mills brothers. Je ne sais pas si ça marchera pour vous.



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