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Certes, nous passons notre temps à râler contre ces groupes aux influences trop prononcées, trop affichées ou étalées. Sans doute car la décennie en cours donne souvent la sensation d’un reboot des précédentes années, à un tel point de suture qu’il est bon de s’extasier aujourd’hui sur n’importe quelle formation faisant du néo-psychédélisme sur 234 pistes. Mais à trop se plaindre, nous en oublions parfois le plaisir simple que procure la musique : une sensation vintage, une petite émotion qui n’a pas forcement besoin de se théoriser, le plaisir de se laisser happer par le déjà-vu… Profitons-en : un jour, nous nous réveillerons et la musique n’exercera plus ses charmes secrets sur les vieux roublards blasés que nous serons malencontreusement devenus. Ce jour-là, les garçons de Sun Express incarneront les premières victimes de notre snobisme. Trop fougueux, trop impétueux, trop expressément indie-pop, ces trois lorrains semblent se contrefoutre des références qu’éveille leur EP « Jeopardize ». Et ils ont raison. Inutile pour le chroniqueur de citer Bloc Party ou la new-wave 82-85 lorsque, comme chez Sun Express, les ambitions autorisent toutes les extravagances, sans tabou mais avec aplomb : des synthés affirmés, des chœurs énormes, des guitares aussi acérées que parfaitement mélodiques (comme du Weezer ou du Nada Surf produits par Spandau Ballet), des chansons en forme d’hymnes mûrement réfléchis… La principale qualité de Sun Express consiste à oser les idées et les associations sans ne jamais craindre le saugrenu : new-wave ou indie-pop, power-pop ou électro-pop, piano ou guitares, le groupe ne tranche jamais pour au contraire tout mettre dans la même marmite. Ce pourrait-être boulimique ou effroyablement exubérant, mais non : « Jeopardize » sonne jeune, dynamique, aventureux, fier comme un scientifique décrochant la formule magique. Si bien qu’une chanson aussi lyrique telle que « Straberry Field », par sa sincérité et sa noirceur, se déguste sans culpabilité aucune (chez beaucoup de formations – inconnues comme adoubées – ce genre de folie stadium entraînerait une baudruche à exploser ; pas ici : il y a de la retenue dans l’excès, une connaissance des limites à ne pas franchir).

Effrontément pop, aussi libéré que très muri, Sun Express, outre rappeler au chroniqueur faussement blasé qu’il est encore capable de s’extasier sur une découverte inattendue, pourrait finir ses jours sur toutes les bonnes ondes radiophoniques (à condition que les oreilles attentives exercent correctement leur droit de décisions). Consternation et conclusion : encore un groupe français autoproduit qui, propulsé par un label, nous vengerait des atrocités bavées par les « professionnels de la profession ».




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