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Les disques, les demandes de chroniques, les liens Internet se bousculent dans notre boite mail. Par principe et passion, nous écoutons attentivement chaque envoi, nous consultons avec enthousiasme tous les liens proposés… pour généralement se sentir enrichis de belles découvertes et parfois de sincères coups de cœur. Principalement dans la musique française, d’ailleurs. Qu’ils survivent dans l’autoproduction ou bien sur des petites structures, les groupes français se portent à merveille. Bien sûr, la plupart se feront éconduire par les radios généralistes et une majorité de la presse écrite ne se risquera guère à en dresser les louanges méritées. Mais finalement qu’importe : ces groupes, ces albums français existent ; et si nous sommes peu à les entendre, nous les aimons pourtant avec une ferveur décuplée, avec une dévotion qui frôle parfois l’envie de partir en Croisade.

Néanmoins, depuis plusieurs jours maintenant, difficile de s’offrir à 200% aux productions françaises qui s’empilent joyeusement dans nos fichiers. Car depuis que le premier album d’Archet s’imposa à nos oreilles, tout le reste semble bizarrement posséder un arrière-goût un brin suranné, tout le reste nous donne l’impression de se positionner en-deçà du palier franchi par le duo parisien Charlotte / Constant. Car l’album d’Archet représente le fantasme absolu du chroniqueur : recevoir un disque dont nous ne savons rien, le poser sur la platine sans arrière pensée, et puis, dès les premières notes, sentir que nous venons de tomber sur une mine d’or, sur notre idée de la perfection musicale.

« I’m not taking you by surprise » prévient cependant Charlotte en ouverture du disque. Eh bien si ! Cet album, nous ne l’attendions pas ou plus. La surprise est d’autant plus forte que, vite relayée dans notre entourage affectif, la musique d’Archet n’eut aucune difficulté à fendre les cœurs et à se créer des adeptes (preuve que nous n’avions pas rêvassé le disque idéal). Mélancolique et pop, féministe et enjoué, spatial et intimiste, « Archet », en onze chansons belles à en pleurer (écouter « Emily » et ne plus jamais se sentir comme auparavant), enterre tous les prétendants à la couronne Sarah Records de ces dernières années. Car même si Charlotte et Constant ne dévient jamais d’une ligne oscillant entre fulgurances mélodiques et mélancolies feutrées, « Archet » est un disque bien trop ambitieux, bien trop retors pour se contenter d’une seule formule magique. Onze chansons, onze tubes, onze manières différentes de redéfinir la pop moderne. « Escape », une sorte de vrombissement à deux voix qui s’accélère soudainement pendant que Charlotte s’égosille à égrener un superbe « never mind if it’s just a dream » ; « Hood », ou la chanson que Belle & Sebastian n’écrira jamais ; « Game Over », déambulation acoustique au refrain s’incrustant à vie dans les esprits ; « Goodbye Ten », la plus belle comptine du monde ; « I Go South », aussi triste et déchirant qu’une séparation amoureuse ; « Soon The Sun », l’évidence pop en trois minutes ; « This Is No War », des changements d’accords complexes, une guitare à la Young Marble Giants, Charlotte en équivalent féminin du meilleur Morrissey (« my hands have to be free »)… Et nous pourrions continuer ainsi jusqu’à la onzième plage : chez Archet, grâce divine, rien ne sonne faux, rien ne dérange, tout n’est que volupté et sophistication (mais une sophistication qui ne s’affiche pas, à l’instar hier des Smiths, des Field Mice ou The Wake).

Comme ce n’est pas tous les jours que nous tombons amoureux fou, il nous fallait dévorer la biographie du groupe. Discrets, évasifs, avares en notes d’intentions (et c’est très bien ainsi : moins nous en savons sur Archet, plus le mystère entourant le duo décuple les ambitieuses ramifications de leurs chansons), Charlotte et Constant citent des artistes parmi nos marottes : Jim Jarmusch, Edward Hopper ou… Walt Disney. Et il y a un peu de cela dans « Archet » : les travelings latéraux mélancoliques de l’ami Jim, l’émerveillement enfantin à se retrouver devant « Fantasia » (mais alors, un « Fantasia » revu et corrigé par Eszter Balint), les rencontres fugaces peintes par Hopper… Archet, les mots et les références nous manquent : musique contemporaine qui éveille de beaux souvenirs d’enfance, musique qui apaise, qui met du baume au cœur et permet de contrecarrer les élans apathiques nous guettant tous, musique essentielle, tout simplement vitale. La concurrence peut se rhabiller : en 2013, Archet raflera la mise.




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