A l’invitation de Gaspar Claus à la sortie d’un concert des beaux gosses d’Aufgang au café de la danse, j’ai assisté à un autre concert dans la rue Amelot, concert privé, dans l’appartement de Stéphanie, très fière de nous recevoir dans son salon pour partager quelques chansons de son amie Rebecka Reinhard rejoint plus tard par un autre chanteur et pour finir par Gaspar lui-même qui terminera le concert par une improvisation au violoncelle.
Rebecka est prête à commencer, sous tension, tenant sa guitare dans le coin de la pièce, un joli coeur suspendu au mur derrière elle diffuse une lumière légère et me donne l’impression d’être face à une jeune fille avec son journal intime ouvert devant elle.
Ses chansons révèlent une douce mélancolie, une jouvence que la désillusion du monde n’a pas entamée, la fraîcheur de son chant, l’amplitude de sa voix est un enchantement. La comparaison avec sa "grande soeur" Alela Diane doit souvent lui faner les oreilles, mais là où l’ainée peut m’agacer avec son attitude trop sûre , la fragilité de cette héroïne de film taillée pour Sofia Coppola , la façon dont le cuir noir de sa chaussure se tord quand elle va prendre sa respiration avant de chanter les première notes d’un de ses chansons, Rebecka mérite le silence que l’audience ce soir lui accorde pour ne rien gâcher de ce délicieux moment, et Stéphanie la rassure le regard plein d’étoiles.
A la fin, rejoint par Gaspar et son violoncelle bi-centenaire, les amis reprennent en choeur le refrain du dernier morceau, laissant éclater leurs voix filtrées par leurs sourires, je souris aussi et me lancerai dans le prochain refrain en chantant en yaourt.
Gaspar ensuite nous offre une leçon de musique, avez vous déjà vu un violoncelliste faire l’amour à son instrument ? Il le caresse de façon lubrique pour que le bois s’anime et chante, comme la salive, le colophane (colle de l’archet) caresse comme une langue ce corps en bois dans les moindres contours, il travaille physiquement toutes les terminaisons nerveuses de son violoncelle avec une sensualité crue, érotique, il nous convoque au voyage intérieur, les yeux fermés ont ressent les notes qui s’entrechoquent dans le ventre de l’instrument mais aussi celles qui nous parviennent directement dans le fond des tympans, cette musique aussi sauvage que le feu réveille quelque chose de profond, de caché, une vibration commune, palpable, je m’ accorde à penser que cette vibration enfouie remontant soudain est universelle et parle à l’âme, à l’humanité de chacun.