> Interviews



Interview réalisée par email avec les trois membres du groupe le 24/11/2006.

Leur musique est aussi verte que leur pays. Irlandais d’adoption ou pure souche, les trois membres d’United Bible Studies, parcourent le folk depuis quelques années maintenant évoluant de plus en plus vers l’expérimentation totale. Une discographie peuplée de somptueux morceaux ou de passages plus aventureux, méritant de s’y plonger pour saisir les subtilités d’un groupe presque essentiel. C’est en tout cas ce que nous avons essayé de faire en posant quelques questions aux trois membres du groupe Dave Colohan, Gavin Prior et James Rider.

Pouvez vous nous raconter votre rencontre avec Stefan de Pumice ? Cela a abouti a un très beau disque sous le nom " Lost Roman Legions".

— Gavin : Je crois me souvenir que nous avions entendu que Stefan venait faire une tournée en Grande Bretagne par " The Routes Mailing List " (ndlr : comme son nom l’indique, c’est une mailing list dédiée au free folk et ses dérivés). On n’avait eu aucun contact avec lui avant. Nous avons enregistré deux disques cette semaine, celui dont tu parles et un autre. Nous l’avons enregistré à trois et présente deux longs morceaux. Il est beaucoup plus sombre et abstrait que celui que tu as écouté. On a passé d’excellents moments avec Stefan, il était vraiment tranquille. On a seulement fait deux concerts avec lui quand il était en Irlande, mais cela représente pas mal d’enregistrement. Si tu as la chance de voir Pumice en concert, n’hésite pas une seconde.

— Dave : Stefan resta avec James, Enda et moi pendant près de deux semaines. Il a été un parfait invité et nous avons beaucoup enregistré pendant ce laps de temps. Nous avons donc sorti un cdr sous Lost Roman Legions, mais nous avons aussi enregistré un autre disque qui n’est pas encore sorti à ce jour. Nous avons fait aussi quelques sessions pour Agitated Radio Pilot (le projet parallèle de Dave) et je vais m’y replonger prochainement pour voir si il y a des choses que l’on pourrait publier. Nous avons joué dehors au Jardin Botanique, avec les écureuils et tout. C’était en janvier. Il faisait froid.

Quelle est votre implication dans Deserted Village ?

— Gavin : A la base j’ai monté le site internet et mis en place le paiement en ligne. Mais bon Shane a pris ma place désormais, d’autant plus qu’il a de meilleures capacités que moi surtout au niveau du design. Maintenant je réponds aux emails et j’envoie les disques aux gens et aux distributeurs. Je m’occupe aussi de programmer des concerts pour pleins de groupes, y compris ceux de notre label. Ces derniers temps j’ai un peu abandonné tout ça pour me concentrer sur les enregistrements.

— James : Je ne fais plus grand-chose dans le label, sinon jouer avec une bonne partie des groupes présents chez Deserted Village. Je m’occupe aussi du label Deadslackstring Records qui découle de Deserted Village.

— Dave : Nous essayons de sortir la musique que nous aimons écouter, mais aussi nos propres projets. Nous faisons la promotion de beaucoup de concerts avec la même passion et nous faisons des concerts avec des musiciens que l’on adore. Il s’avère que la plupart de ses musiciens sont des gens merveilleux, et ils reviennent souvent nous voir. Cette année jouer avec The Charalambides et Jack Rose ont été de grands moments. Le concert de jack Rose a été organisé par nos amis Vicky Langan et la merveilleuse équipe du Lazybird Club. Il est en train de se créer une sorte de communauté ici avec beaucoup d’enthousiasme autour de cette musique.

Maintenant que vous êtes installé en Irlande pourriez vous vivre ailleurs ? L’endroit colle plutôt bien avec votre musique.

— Gavin : J’adore aller dans d’autres pays et je pourrai assez facilement aller vivre ailleurs. J’ai d’ailleurs déjà vécu aux Pays Bas, en Allemagne, à Londres et à San Francisco pendant de courtes périodes. Et j’ai visité beaucoup d’autres endroits. Je vis à Dublin depuis presque six ans maintenant, et même si j’y fais beaucoup de choses et connais beaucoup de gens, je ne me sens pas chez moi ici. Je pense qu’on peut avoir une relation presque mystique avec un endroit peu importe depuis combien de temps tu y es. Il y a beaucoup de très beaux coins en Irlande, mais beaucoup de gens font les mêmes choses, vont dans les mêmes endroits. Il y a ce même malaise consumériste qu’il y a partout ailleurs. Je ne pense pas que la plupart des gens qui viennent en Irlande captent le caractère mystique de l’endroit. Mais ce pays a eu une grande influence sur nous, tu peux t’en apercevoir sur nos disques, notamment au niveau des drones et des mélodies.

— James : Je vis actuellement à Galway. J’ai aussi vécu à Dublin et Cork. Et le fait d’avoir vécu un peu partout dans le pays, me permet d’apprécier encore plus toutes les énergies créatrices qui se dégagent de Galway. C’est vrai qu’il se passe moins de choses ici, mais la vie est plus tranquille en contrepartie.

— Dave : J’ai vécu en Australie, aux USA et un peu partout en Irlande et je me suis toujours senti à l’aise partout où j’étais. Je trouve que l’Irlande est un endroit presque mystique. Il y a une longue tradition de poètes, écrivains et d’artistes en général qui se sont totalement immergé dans la face caché de notre héritage et qui se sont imprégnés de la beauté des paysages. Et je pense que UBS fait partie de cette tradition. Plutôt dans nos enregistrements que pendant nos concerts. Je sais que beaucoup de membres du groupe ont peu ou pas d’intérêt dans ce que je viens de te dire, mais pour moi c’est important d’avoir conscience de la beauté de la nature. En Irlande c’est tout le temps autour de nous. A Dublin l’herbe pousse même sur le bitume.

Comment procédez vous pour enregistrer ?

— James : L’enregistrement de " The Shore... " a été fait dans beaucoup de différents endroits, Bangor, Galway, Dublin et c’est Gavin qui a tout rassemblé et tout mixé. Les autres disques ont été enregistrés sur plusieurs périodes avec plusieurs types de matériel et de technologie.

— Gavin : Le processus change à chaque disque. "The Shore that Fears the Sea" est un mélange entre des enregistrements faits au quatre pistes, d’autres sur des multipistes professionnels et des sons live enregistrés sur minidisc. "The Northern Lights and the Northern Dark" est une combinaison d’enregistrements en studio, d’enregistrements maison sur minidisc, et de morceaux de concerts. C’est un grand maelström. Quant à " The Lunar Observatory " nous l’avons enregistré en une après midi chez Sean Og (ndlr : musicien irlandais http://www.sean-og.com/), et nous n’avons enlevé que les petits bruits parasites.

— Dave : Il y a beaucoup de choses qui se passent lorsque l’on enregistre. Chaque disque tourne autour du même thème. Autant au niveau de la musique, que d’un concept. Pour moi aller dans des directions différentes est une évolution naturelle, car tout est induit par toutes les idées que l’on peut avoir. A la base nous étions un duo, qui a beaucoup grandit au fil des ans, et pas seulement au niveau du line up. Nous tentons beaucoup de différentes choses au niveau de l’expérimentation et c’est ce qui nous attire, c’est un défi perpétuel. Je pense que le folk est le point de départ de tous nos disques. Pour moi " The Shore... " est une suite logique de " Stations... ". Sur " The Shore... " nous avons expérimenter à partir de structures plus orientées sur une chanson classique.

Il y a beaucoup de choses différentes entre vos différents enregistrements. C’est voulu ou juste une évolution naturelle ?

— Gavin : Nous essayons de faire vraiment attention à ne pas nous répéter. Et nous arrivons assez rapidement à nous rendre compte que nous avons déjà fait ceci ou cela. Ceci dit je ne dirai pas que c’est une évolution naturelle, car les sorties de disque ne suivent pas l’ordre chronologique des enregistrements. Je vois plutôt chaque enregistrement comme un enchevêtrement d’idées de notre état d’esprit du moment. Et cela s’applique aussi bien aux morceaux improvisés qu’aux morceaux composés. Quand Dave arrive avec une chanson, la plupart du temps il sait exactement comment il va la jouer et chanter dessus. Et nos chansons sont enregistrées très vite. Et même pour les morceaux sur lesquels nous intervenons tous, nous essayons de les écrire, les arranger, pendant l’enregistrement. Nous passons du temps morceau par morceau et ce qui nous prend du temps finalement est le mixage, les longues discussions entre nous sur les détails du morceau et les petits ajustements que nous voulons apporter.

— James : Je pense que les différences qui existent entre les deux, sont le reflet du total détachement du groupe et de notre implication dans la musique. Il y a un peu comme un centre de gravité dans le groupe. J’ai lu récemment que pour qu’une planète soit considérée comme telle, elle devait se créer son propre orbite autour du soleil et pas se rattacher à un autre orbite. Si je peux rattacher cela à UBS, je dirai que le groupe s’est crée son propre orbite et que notre gravité attire beaucoup de choses différentes, ce qui rend nos disques tous différents les uns des autres.

De ce que j’ai pu entendre, beaucoup de vos concerts semblent totalement improvisé.

— Gavin : En fait ça dépend beaucoup, mais soit c’est du 100% improvisé soit ce sont des morceaux de nos disques. Mais nous ne mélangeons jamais les deux. De toute façon nous n’essayons jamais de recréer nos morceaux sur scène. Ce qui fait que les morceaux peuvent être modifiés, c’est surtout qu’à chaque concert il y a de nouveaux musiciens qui jouent avec nous. Je dirai donc que le concert dans son ensemble varie tout le temps et prend parfois des formes totalement différentes. Nous avons un morceau " Christ is nailed… " qui, jusqu’à présent, n’a été enregistré qu’en live et que nous avons joué sous de multiples formes. Notre prochaine sortie sera " Black Colcannon " sur Ruralfaune (ndlr : label français http://www.ruralfaune.co.nr/). La version live enregistrée avec le groupe est beaucoup plus viscérale que celle enregistrée en studio. Et je pense que nous allons sortir de plus en plus de disques live sur plusieurs labels.

— -James : Nous avons joué quelques fois des morceaux de " The Shore... " sur scène. Mais c’est tellement mieux de jouer, d’enregistrer et d’expérimenter avec d’autres personnes ? Se laisser aller sur scène est vraiment intense et amusant. La dernière chose qu’on aime faire c’est d’apprendre pendant des heures un set et de le jouer des milliers de fois en tournée. On prend beaucoup d’énergie de la créativité, pas de la structure.

— Dave : Je crois que même lorsqu’on reproduit nos chansons sur scène, on laisse toujours une place pour improviser. " The Shore... " a été particulièrement intéressant à jouer sur scène car il a évolué en une sorte de morceau épique. Je pense que l’influence de Pink Floyd et Grateful Dead a été déterminante. Les gens vont vraiment entendre l’évolution de nos morceaux sur nos prochains disques live.

En écoutant "Stations of the Sun, Transits of the Moon" et "The Shore that Fears the Sea" d’affilé, j’ai trouvé que le dernier morceau de "Stations", " Every time we find a dead Viking " était comme un lien entre les deux disques.

— Gavin : " Stations… " est une sélection de petits morceaux assez spontanés, tirés de deux sessions live enregistrées sur un deux pistes. Certains morceaux de " The Shore… " ont été enregistrés avant que ne sorte " Stations… ". Donc il n’y avait pas de schéma précis quant à ces deux disques. La grande majorité de nos disques sont assemblés de manière à ce que le tout soit cohérent. Je dirai que le morceau "Every time we find a dead Viking" a offert le premier aperçu du groupe en concert.

Quelles sont vos relations avec tous les labels sur lesquels vous avez sorti des disques ?

— Gavin : Beaucoup d’entre eux nous ont connu grâce aux échanges de cds qu’on a pu faire entre nous. Steve Fanagan qui dirige " Slow Loris " connaît James depuis des années et Keith de " Rusted Rail " connaît Dave depuis encore plus longtemps. Par contre désormais des labels nous contactent pour sortir notre musique et c’est vraiment génial. Mais on prend notre temps avant de sortir un disque car on essaye de le peaufiner au maximum.

J’ai été très surpris par " The Solar Observatory ", j’ai trouvé qu’il allait très bien sur 23productions.

— Gavin : En fait ce disque a surpris tout le monde. Tous nos disques sont vraiment différents les uns des autres, mais celui là a été le plus différent je pense. Tellement différent qu’on a songé à le sortir sous un autre nom que UBS : Kroton Mamaii. Nous avions donné ce nom à une session que nous avions faite sur une journée, enregistrant des drones, improvisant et qui devait servir a Agitated Radio Pilot. Je me souviens que cela avait très intense, plein d’énergie. Je sautais de joie après cet enregistrement.

Si vous aviez le choix d’enregistrer avec quelqu’un d’autre, ce serait qui ?

— Gavin : Je ne me pose pas ce genre de question. Je sais par expérience que collaborer avec un musicien que tu admires ne donne pas forcément un grand disque. L’improvisation t’amène à rencontrer d’autres gens et l’Irlande est un petit pays. J’ai eu assez de chance pour pouvoir jouer avec quelques uns des meilleurs musiciens d’Irlande et d’ailleurs. Tout de suite je ne rêve pas de jouer avec quelqu’un en particulier ou avec mes héros. Surtout qu’il y a beaucoup de personnes qui sont juste à coté de chez moi et avec qui je pourrai partager un peu de temps.

— James : J’aimerai vraiment jouer avec le chanteur traditionnel Iarla Olionaird, mais je pense que je serai assez intimidé par sa voix et par sa présence. Il a un héritage musical assez étonnant. Sinon j’aimerai que UBS collabore avec l’artiste Northstation de Dublin, car j’aime la façon dont il entreprend la construction d’un morceau.

— Dave : Si j’avais le choix ce serait Loren MazzaCane Connors ou Richard Youngs. Ce sont mes héros. Peut être aussi Tirath Singh Nirmala, ce que j’ai entendu de lui m’a bouleversé.

Sur vos disques on décèle beaucoup d’instruments. Est-ce que vous en construisez vous-mêmes ?

— Gavin : J’ai effectivement crée quelques instruments. Tu peux entendre des talkie walkies trafiqués sur "The one true God lies to himself while the one true godess sings". J’ai aussi créé un gong électrique avec simplement une plaque d’acier et un micro cravate. J’ai modifié un émetteur ultrason afin qu’il soit audible pour l’humain. J’ai ajouté un clavier et des pads qui conduise l’électricité de mes doigts. J’essaye pas mal de choses pour voir les modifications que je pourrai apporter. Je ne sais pas trop où je vais, mais c’est vraiment marrant. Ceci dit je les utilise le plus souvent pour mon autre projet " Toymonger " plus orienté drone/noisy.

Vos prochaines sorties ?

— Gavin : Nous allons prochainement enregistrer un nouvel album. Nous sommes très impatient de commencer, nous avons énormément d’idées. On l’appelle " The prog album ". Même si le nom est un peu trompeur, ce sera un disque totalement différent de ce qu’on a fait auparavant. Il sera beaucoup plus épique. Ensuite nous enregistrerons encore un autre album pour un autre label. Je pense que nous ferons de moins en moins de concerts en Irlande pour se concentrer sur nos enregistrements. Je ne sais pas trop dans quelle direction nous irons, mais nous allons proposé beaucoup de titres en téléchargement gratuit et nous allons essayer de sortir les enregistrements de nos concerts.