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  • 4 mars 2007 /
    Drunk dog
    interview du boss

    réalisée par gdo

Interview réalisée via mail en Avril 2008

comment est né Drunk dog ?Qu’elle était l’idée de départ de Drunk dog, avais-tu un style défini ou justement l’idée était d’éviter le cloisonnement et de partir dans tous les sens pourvu que cela te plaise ?

— Sur le parking d’une station service d’autoroute. Je faisais semblant de me tromper de voiture en optant pour une Mercedes à la place d’une ZX blanche et vieillissante dans le but d’amuser des amis (les loisirs sur les stations d’autoroutes étaient alors limités), quand son propriétaire revint orné d’un sourire bienveillant : « ne vous inquiétez pas, vous en aurez peut-être une un jour ». A la naissance de Drunk Dog il n’y avait pas d’idée de style vraiment défini, et toujours pas je pense car les choix n’ont pas été guidés que par le seul critère musical. Je crois que cela ressemble à une succession de petites aventures dont les contours sont diffus.

Comment as-tu vécu ta première référence ?

— Très bien. En y repensant, ce premier album de Porcelain est plus qu’une première référence, c’est un petit résumé de la formation du label, d’une manière d’envisager les choses bien que rien n’ait jamais vraiment été formulé. Je n’avais pas une conception précise de ce que serait Drunk Dog, il s’est fait à la croisée d’envies et de moments. J’ai rencontré Porcelain, comme un hasard qui choisit son temps, tout comme eux je ne connaissais pas grand-chose concernant le monde de la musique et son fonctionnement. En définitive je crois que nous n’avions pas vraiment d’autre projet que celui de « faire », d’affiner une ébauche démarrée à l’instinct. On a découvert et avancé ensemble, rencontré des humains intéressants. Par ailleurs, cela reste un vrai plaisir d’avoir participé à les faire connaître.

Avais-tu un label en référence en commençant ?

— Non, plutôt des groupes. Je pense toujours à sortir une version de « What goes on », par Velvet Underground, qui durerait une heure et sortirait en 1971. C’est un projet compliqué.

Pourquoi ce nom drunk dog ?

— Drunk Dog illustre son logo, un chien qui n’y ressemble pas assez, qui n’a pas l’air de trop savoir lui-même à quoi s’en tenir, une vision globale un peu altérée à coup sûr. Mais il sourit.

Il y a une grande importance du visuel que ce soit les pochettes ou le site. C’est indissociable pour marquer les esprits ?

— Je suis attaché pour ma part à cette association entre la musique et un objet que l’on peut voir et toucher, et qui pour un moment l’isole d’un univers sans fin. Le « disque » n’existe finalement que par cette relation, et c’est probablement pourquoi la musique en téléchargement ne le remplace pas complètement. Si la musique demeure le critère premier, je ne conçois pas un disque sur Drunk Dog dont le visuel ne me plairait pas. Jusqu’à aujourd’hui j’ai eu la chance que les groupes ne remettent pas fondamentalement en cause mes avis en la matière (pour laquelle j’envisage la subjectivité de manière limitée). Certains groupes me laissent par souci d’économie le soin de leur pochette, alors par fainéantise je privilégie l’idée d’associer un photographe à l’album (David Barriet pour les albums de Porcelain, Christophe Bourguedieu avec Whopper, et dernièrement Patrick Messina sur l’album de Cvantez).

Quelle a été la plus grande joie et la plus grande déception depuis la création du label ?

— Recevoir des messages enthousiastes de personnes qui ont acheté un disque du label est toujours un moment particulier. L’intérêt de ma contribution prend alors un sens plus concret. Quant à la déception, c’est la Mercedes. Toujours rien, ça sent l’arnaque…

Connaissiez-vous, au moment de la création " officielle " du label, d’autres responsables de structures similaires ? Si oui, ces contacts vous ont-ils aidés ?

— J’en connaissais un, qui arrosait alors les jeunes pousses de son label. La suite a montré que passer du rayon fruits-et-légumes au rayon rock indépendant a été une idée plus que judicieuse, même s’il s’est installé à Bordeaux. Son aide a été et est toujours appréciable ; d’une façon plus générale, il me semble que l’entraide entre labels indépendants, particulièrement pour les plus petites structures, est plus que jamais nécessaire. C’est dans cet esprit aussi que nous avons collaboré avec le label Waterhouse records pour sortir le mini album de My Broken Frame.

Comment fonctionnes tu pour choisir les artistes que tu as envie de promouvoir ?

— La sélection se fait généralement par une longue série de tests complexes réalisés par une équipe de chercheurs américains.

A-t-il été difficile de trouver une maison de distribution ?

— C’est toujours un paramètre compliqué et un partenaire essentiel pour le label. Et c’est aussi chose compliquée que de distribuer des labels tels que Drunk Dog dans l’environnement qu’a construit l’industrie musicale (je dis Drunk Dog comme un exemple, mais cela vaut pour tous les labels qui ont des capacités d’action ou financières réduites, et/ou qui proposent des productions qui ne s’adressent pas nombre le plus grand). Par un très gros raccourci, on peut relier ces problématiques à des questions plus globales concernant l’économie en général, ses fonctionnements et bénéficiaires. Il est nécessaire d’encourager ceux qui ménagent des espaces aux artistes qui ne fabriquent pas des produits culturels pour temps de cerveaux disponibles, comme il faut supporter ceux qui s’opposent aux politiques néfastes de l’OMC, de la Banque Mondiale, autres Monsanto et compagnie. (Je perçois bien le côté éventuellement saugrenu de ces dernières phrases ; pourtant, bien que ces questions peuvent s’agiter à des niveaux préoccupation ou d’importance différents, elles parlent aussi des manières d’envisager nos sociétés, voire une humanité.)

As-tu déjà des regrets sur des signatures ratées, ou des signatures faites, mais décevantes ?

— L’album de Whopper devait sortir lorsque mon premier distributeur à mis la clef sous la porte, il n’est donc jamais véritablement sorti. Autre petit regret en forme de spécificité française : la plupart des signatures du label se sont avérées être des groupes français. A priori on s’en fout un peu. Paradoxalement cela semble plutôt être un inconvénient en France, principalement quand ces groupes chantent en anglais (Dans une logique qui m’échappe encore, ce problème ne se pose pas pour un groupe allemand, belge ou luxembourgeois qui s’exprime en anglais).

Arrives-tu sans peine à faire parler des albums ? Les vecteurs de communication sont-ils nombreux et faciles à trouver pour les artistes de drunk dog ?

— Les médias de grande diffusion nous sont difficiles d’accès. Les webzines et radios associatives restent nos principaux vecteurs de communication ou diffusion. La mise en avant voire en écoute en magasins est aussi l’un des moyens efficace pour faire découvrir nos disques, dans les Fnac notamment (mais leur nouvelle politique de centralisation des achats ne laissera plus beaucoup ou pas d’autonomie de décision aux chefs de rayons, ce qui rendra inaccessible pour nous ce types de mises en avant, et préfigure une réduction de choix et de diversité dans leurs rayons disques). Le téléchargement dit « pirate » est aussi une source de diffusion. C’est évidemment difficile d’en évaluer les éventuelles conséquences sur les ventes, quelles soient négatives ou positives, mais à l’heure actuelle cela nous offre malgré tout une diffusion supplémentaire et la possibilité de faire découvrir un peu plus nos artistes. (Ce problème devient bien entendu beaucoup plus sensible lorsque par exemple on doit aussi rentabiliser plusieurs millions dépensés en marketing, publicité, etc. Mais c’est peut-être une autre question, en tout cas moins « culturelle » qu’on ne le prétend trop souvent.)

Comment vis-tu toute cette mutation autour de la musique, toi qui t’es développé en même temps que l’internet se démocratisait sans que cela ai une quelconque relation ? Que penses-tu par exemple de l’achat de morceau par morceau sur des plates-formes ?

— Cette mutation a changé profondément le marché du disque, et de manière particulièrement rapide ces dernières années. A terme il est probable que la plus grosse partie des ventes de musique se fassent par téléchargements, ce qui s’accentuera par les générations qui sont nées avec internet. Mais j’ai surtout l’impression d’être dans une sorte de flou. Cela commence à faire longtemps maintenant qu’est annoncée la mort du disque. Je pense qu’il était plutôt question de la mort des millions-de-disques-vendus. Ce qui est différent. Nos avons un distributeur « numérique », et nos albums sont disponibles sur la plupart des plates-formes de téléchargement (à l’heure actuelle les téléchargements ne représentent pas une part significative de nos ventes). Si à la différence des magasins « physiques » nos albums y seront toujours en « rayons » (pas de souci de rentabilité du stock), pour autant les problématiques de visibilité ou de communication restent identiques. Chose intéressante et rafraichissante, ces plates-formes de téléchargement ont renouvelé le système de distribution de la musique pour les artistes autoproduits, à la recherche ou non d’un label, dont l’accès au public via les magasins classiques s’était peu à peu réduit voire fermé.

c’est quoi l’avenir proche de drunk dog ?

— Les 3 nouvelles sorties : le premier album de Cvantez, les deuxièmes albums de SZ et HitchcockGoHome ! (on peut écouter chaque album en entier sur le site de www.drunkdog.com avant de se décider à les acheter, ou non…) Que la journée vous soit douce



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