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Si le titre du nouvel album de Niet F-n fait froid dans le dos – I will destroy everything I love – et s’accompagne, sur le Et in arcadia ego conclusif, d’un (malheureusement universel : nous allons tous crever) memento mori, illustré – entre autres – par le peintre Nicolas Poussin, l’alias Ranter’s Bay choisi par le producteur florentin, par ailleurs cofondateur de Kaczynski Editions (Zerogroove, K.T.S., Qonicho Ah !), est tout sauf anodin, car porteur d’un fort parfum d’aventure : au début du 18ème siècle, c’est à Ranter Bay, village situé sur la côte est de Madagascar, que le pirate James Plaintain bâtit, grâce au butin amassé durant les pillages perpétrés dans l’océan Indien, un royaume éphémère, qu’il quitta pour l’Inde après quelques années d’un règne fort décousu. En ce sens, et sachant que les neuf morceaux composés par Ranter’s Bay ont été enregistrés, entre Espagne et Italie, de 2017 à 2020, on peut considérer que I will destroy everything I love est simultanément la fin de quelque chose (un héritage) et le début d’autre chose (une impulsion). L’opus s’ouvre sur We are alone again, collage sonore de voix qui conversent (sommes-nous dans la rue ?), accompagnent une guitare électrique évoluant dans les gammes chères au post-rock – douceur, mélancolie, menace – et quelques ponctuations électroniques ambient, à la manière d’Autechre et Aphex Twin. Plus loin, les notes de guitare en suspension de No matter what, délayées dans la réverbération, paraissent ignorer les cliquetis et le brouillard hertzien leur tournant autour, ou alors ce sont des bandes passées à l’envers et l’eau – écoulement, goutte à goutte – qui illustrent le (bien nommé) Troubled waters. Chez Ranter’s Bay, le minimalisme n’est pas synonyme d’austérité : certains titres semblent être de malicieux clins d’œil, à l’instar de l’envoûtant Your monkey sleeps inside me (un lien avec la série The Big Bang Theory ?), sur lequel on entend le phrasé / hanté de Lúa Gándara – elle signe également l’artwork –, ou de Misantropia, qui pourrait-être le miroir inversé de Libertaria, utopique république pirate du 18ème siècle dont l’existence n’est pas attestée mais que vous pouvez visiter dans le jeu vidéo Uncharted 4, et qui se situe à… Madagascar. Oui, cet album, au delà d’un beau formalisme qui pourrait se suffire à lui-même, Ranter’s Bay faisant le pari de la lenteur, des interstices, d’une narration audible jusque dans le silence, et concluant sur un Et in arcadia ego nimbé de distorsion (enfin, la guitare électrique éclate, et alors, et alors tout se termine en un lancinant larsen, qui lentement s’éteint), est un magnétique jeu de piste ou, pour rester dans le registre pirate, une chasse au trésor.




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