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I Thought I Was Better Than You : à qui pourrait bien s’adresser cette affirmation un tantinet narquoise et possiblement désabusée, quand on sait que notre cher Baxter est le fils de Ian Dury, dandy punk-rocker mythique dont la chanson Sex and Drugs and Rock and Roll - ne serait-ce que par son titre érigé en programme – a, en quelques mots magiques, synthétisé l’essence d’une époque depuis bien longtemps révolue ? Il y a des héritages plus délicats à porter que d’autres, et pour un météorique Jeff Buckley, combien d’Izïa Higelin, de Charles Souchon, de David Hallyday ?

C’est peu après la mort du Blockhead en chef que Baxter Dury se lance dans le game, avec deux albums publiés au début des 2000s, honorables mais pas évidents à aimer : je me souviens avoir longtemps tourné autour de Len Parrot’s Memorial Lift, ne sachant par quel bout le prendre, tant manquaient de relief fond et forme. Il a fallu attendre 2011 et la sortie d’un Happy Soup dantesque, bardé de tubes pop imparables à la précision diabolique, interprétés avec un flegme irrésistible et un sens inné du small talk, pour que la carrière de Baxter décolle enfin et que son talent nous saute aux oreilles.

Avec ce neuvième opus, dont la pochette pourrait se voir comme un clin d’œil à celle de Happy Soup, Baxter Dury – se qualifiant lui-même, avec drôlerie, de « nepo-baby low cost » – continue de creuser son sillon introspectif décalé, à base d’autoflagellation ironique et de dérision lucide.

I Thought I Was Better Than You est plus groovy que ses prédécesseurs (et donc moins mélodique), comme si notre trublion s’était nourri de soul, de RnB et de Frank Ocean – qu’il évoque sur Shadow – plutôt que de Serge Gainsbourg, mais le résultat est le même : ce type a un talent fou pour se raconter, se raconter avec panache, se raconter dans la douleur, et les sourires qu’il nous arrache sont aussi caustiques que ses textes aux racines puisant dans la noirceur.

« Hey mummy, hey daddy, who am I, who am I ? ». Ainsi s’ouvre le premier des dix titres de I Thought I Was Better Than You, question métaphysique flippante à souhait quand on sait que celui qui se la pose a passé la cinquantaine : le ton est donné – le cordon ombilical, on le coupe vraiment ?

Baxter Dury, dans un même élan, se prend en pitié et se déteste, au point d’en arrêter de chanter, favorisant le storytelling aux complaintes autrefois savoureuses qu’il savait composer. Il laisse toute latitude aux chanteuses Madeleine Hart, Eska Mtungwazi et Jgrrey (prononcez « jeygré ») pour prendre le relais et ponctuer refrains, chœurs et ponts d’harmonies vocales de bon aloi. Si on retrouve au fil des morceaux son art du gimmick (basses syncopées, claviers cheesy joués d’un seul doigt, arrangements épurés) et sa prédilection pour les rythmiques minimalistes, ne comptez pas sur ce nouvel album pour tortiller des fesses d’un air dégagé, en fin de soirée parisienne dans votre loft du sud de Montreuil.




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