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Dès le premier titre de Dear Departed, l’album de Sam Burton, on pense à Neil Young. De là, « Pale Blue Night » nous emmène loin, loin vers Crosby, Stills, Nash and Young. Vers le Canada, vers les lacs, vers les orchestrations de cordes dont Sam Burton pare ce morceau, vers les bois… la caméra s’éloigne (plan très très large) et survole alors des forêts de pins, l’été : les jours sont plus longs, l’été. La nuit est jeune, elle est pâle comme ce maigrichon de Sam. Les cordes en question c’est du Tindersticks, mêlé de chant folk - Sam Burton s’en réclame. Il est décidément Américain. On ne peut rien y faire : il est du continent des grands parcs, des Parcs Nationaux, des animaux sauvages, d’une faune dangereuse, d’un sol dont la mémoire géologique est empreinte de fossiles, de crânes flippants de bisons d’un autre âge, semble-t-il.

La batterie (folk), le chant (folk), les guitares (sèches), la basse (contre). Pourtant nous sommes bien en 2023, truc de fou ! Sam Burton nous ramène à une période hippie que seuls nos parents pourraient nous conter, celle d’ Arlo Guthrie (fils de) et de son « Alice’s Restaurant », dont je vous recommande chaudement l’écoute (il fait 31 degrés à l’ombre aujourd’hui à Palavas-Les-Flots, riante bourgade d’où je vous écris ces quelques lignes).

Pour celles et ceux dont les cousins n’ont pas flingué le projecteur Super 8 de nos soirées ciné (les veinards !), « I Go To Sleep » et « Looking Back Again » sont de ces morceaux qui pourraient faire danser les images filmées de l’époque bénie du Buffalo Springfield, une époque à laquelle on faisait du stop à longueur d’année. Eh ouais, juste avant nous, il y avait nos parents. Sam Burton a comme composé la bande originale des conneries qu’ils faisaient avant de devenir des gens chiants et responsables (mon oeil !) comme tous les darons.

Chez nous on s’allongeait tous - nous les petits - dans un grand canapé en rotin dont l’édredon blanc puait le doudou, et on regardait Papa dérouler, puis ré-enrouler les bobines de ses films de jeunesse. On se tapait des barres (Papa avait les cheveux longs et peu de dents sur les images d’alors) et on avait le droit de parler, vu que les films Super 8 sont majoritairement silencieux. Ah ! Le son de la pellicule qui se débobinait à toute vitesse, zut, déjà fini le film, allez, un autre ! Un travail de titans pour nos géniteurs qui étaient à la merci d’une technologie inexistante et toute entière dirigée contre le confort de l’être humain (qui s’est déjà pris un grand coup de câble de ces écrans démontables sur lesquels on projetait films et diapos ? Ben ça fait super mal, je peux vous le garantir, c’est pas le genre de trucs qu’on oublie).

Sam Burton est donc tout jeune et néanmoins capable de nous ramener, à l’écoute de Dear Departed, vers ces années 70 enfouies à tout jamais sous les semelles de nos premières Kickers et de K-Ways nylon qui ne ruinaient pas les familles françaises de l’époque. Sa musique est publiée sur le même label que Beth Orton et qu’ Idles (je ne note que mes préférés de chez Partisan Records, mais ô tellement de groupes cool chez eux que la liste pourrait être plus longue, si seulement je la laissais pousser comme ces gentes dames des seventies le faisaient avec leurs poils de jambes).

Parlons beauté, tiens : Sam Burton va prochainement tourner avec Weyes Blood, et quand on lit la date de sortie de son album (le 14 juillet) on hallucine ! Comment pourra-t-on attendre jusque là sans sombrer dans une profonde et suante mélancolie… ce sera trop tard !

Il a pensé son album comme un coffret bardé de douleur et de perte. Il dit au revoir (apparemment) à une autre version de lui-même. Tiens (je suis sur le site du label au moment où je vous écris) Dear Departed suit le premier album I Can Go With You - 2020. Jonathan Wilson (Angel Olsen, Father John Misty, Margo Price) à la production : Sam Burton ne nous offre pas un pastiche rétro, mais plutôt un bel écho évocateur (…) » (là j’ai copié-collé TOUT le doc publié sur le site, na !). Je vous épargne (je vous aime) tout le bastringue sur la « voix de velours » de Sam et les « bars lounge enfumés » c’est naze, j’aime pas ce genre d’images.

Et je crois que c’est autre chose qui fera la marque de fabrique de Sam Burton : le temps passé. Il y a finalement assez longtemps qu’il joue sur Los Angeles, et très peu de temps depuis qu’il y a trouvé son prestigieux label, donc un public plus large. Déjà vu ? Non, pas vraiment. Le 7 septembre il joue à Paris pour 8 euros la place ! C’est à L’ International, c’est cool. Il est loin le temps où les dealers braquaient des vieilles Rue Moret, c’était avant les hashtags et on balançait personne, on restait dignes, nous les femmes, et les homos, et les faibles, on résistait, on souffrait en silence. Un silence de film Super 8. J’ai pas dit que c’était mieux avant (mais je le pense) !




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