Moi, je suis comme le personnage flegmatique de Ron Swanson dans l’excellente et drôlatique série américaine « Parks and Recreation » ; quand quelque chose me plaît, ma moustache (virtuelle) bouge à peine. Dès les premières secondes de « 19 », je suis conquis. Huit mesures de basse synthétique vrillée et monocorde, histoire de marquer son territoire, le deuxième album de Working Men’s Club démarre fort et jamais ne décevra. Lu ici et ailleurs, non, il ne s’agit pas d’un groupe – chroniqueurs paresseux, vous êtes la honte du métier – mais bien du projet solitaire de Syd Minsky-Sargeant, qui expliquait cet été dans Rock’n Folk qu’il se tapait tout le boulot et que ses musiciens ne servaient qu’à mettre en scène ses idées : enfant putatif de l’affreux et génial Mark E. Smith, Syd le rejoint dans son abnégation à se fiche des formats, même si on sent que LCD Sound System fait partie de l’équation post-punk synthpop new-wave des dix titres de « Fear Fear », composés par un Mancunien historien (Joy Division, solos arpégés à la The Cure) et pleinement ancré dans le présent : son sec, beats electro, basses cold funk, nappes synthwave, chant martial, saturé, entre phrasé parlé et mélodies assumées, le parfait kit de survie du rockeur à la croisée des chemins, qui refuse de choisir ses plats et ses plaisirs et s’envoie tout en même temps dans ses veines atrophiées. Tony Wilson dort depuis longtemps mais à l’écoute du dernier album de Working Men’s Club, nul doute que sa Haçienda céleste connaisse des riches heures, tandis que sur le terrain, les laborieux joueurs de Manchester United continuent de faire honte à un public jamais sevré de gloire. Madchester a tant et si bien vécu qu’aujourd’hui c’est un gamin de vingt balais qui tient la laisse : Syd Minsky-Sargeant pourrait devenir le ballon d’or que le crasseux peuple mancunien attend depuis ce foutu Irlandais de Georges Best.