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Il est des moments dont on sait à l’avance qu’ils seront uniques, qu’ils auront ce grain de l’exception, qu’ils auront ce goût du souvenir tenace. Il en est ainsi de ce concert du collectif Angevin A Singer Must Die accompagné ce soir-là dans le superbe théâtre de la bonne ville d’Angers de l’Orchestre symphonique d’Anjou mais aussi de Kramies bien connu des lecteurs d’ADA.

Il est des moments comme cela qui viennent marquer notre mémoire. Il est des moments comme des rideaux et les déambulations des ombres, la fièvre des tracs à venir.

Il faut te voir Kramies, Toi Kramies, être minéral du Colorado, qui nous fait gravir tes roches scintillantes, toi Kramies au vocabulaire commun Nous voila réunis dans les nervures de tes rocs, entre argile fragile et tuffeau lumineux. Il faut t’avoir vu sur scène, accompagné de ta seule guitare avec cette investissement de l’espace, cet accompagnement du silence, ta voix chaude comme imprégnée de Soul, tes regards pour t’assurer parfois de notre présence, de notre attention. Si nous sommes Amazing, Kramies, tu l’es toi aussi.

Chacun des titres que tu nous proposeras ce soir là, planqué derrière tes mèches et tes longues mains, ce sera comme un voyage en barque dans les territoires de l’enfance.

Au dessus de ma tête, par moments à la clémence des lumières qui tamisent la scène viendra se confondre les anges rococo qui nous protègent du haut de la voute de ce théâtre.

Confusément, me reviennent ces images des silhouettes dans la noirceur des rideaux qui se croisent et se rassurent dans des rondes chaleureuses.

Toi Kramies, moi, nous et tous les autres, ce soir là, savons que ce soir là est de ces heures d’exception, de ces aventures étranges, de ces souvenirs forts et tenaces par delà la seule musique. La rencontre d’une sensibilité, son addition à un lieu, sa multiplication à travers un public. Toi Kramies, être commun et particulier.

De partage, de cadeau, d’envie de créer du lien, de tisser des ponts, il sera question tout au long de cette soirée. Bientôt viendra le temps des parades avec la bande aux deux Manuel (Ferrer et Bichon). Qui aurait cru en ces heures de crises, de doute, de frilosité qu’un tel projet verrait le jour, tiendrait ses promesses et gagnerait son pari ? Pourtant, force est de le reconnaître que A Singer Must Die, avec ce pari fou de proposer ce concert unique avec les 30 musiciens de l’Orchestre de chambre d’Anjou, a plus que gagné, il a bien plus que convaincu. Le groupe a su montrer l’évidence de la chose. Il suffit de se rappeler de la richesse des arrangements de Manuel Bichon sur "Venus Parade" déjà chroniqué ici pour saisir de suite la pertinence de leur choix à vouloir accoupler avec malice les éléments Pop de leur univers avec la richesse harmonique d’un ensemble classique.

Pari tenu et gagné tant au niveau de l’enthousiasme du public présent ce soir là que du seul point de vue artistique. Tout au long de cette soirée riche en surprise , les arrangements se baladeront tant du côté des Beach Boys, marotte des deux Manuel que de Calexico mais aussi de Scott Walker ou de Neil Hannon.

Il ne faudrait pas oublier pour autant que cette proposition que nous faisait ce soir là à Angers le groupe était le fruit d’une collaboration, d’un mélange des genres qui souvent ne se rencontrent pas. Car la vie est faite de morceaux qui ne se joignent pas mais qui ici sans vouloir contrarier le pessimisme de Jean Bart savent trouver leur unité pleine et unique. La chance sans doute à une rencontre, celle avec Pierre-Antoine Marçais, chef d’orchestre de l’orchestre de chambre d’Anjou qui a su élargir le champ des possibles ici. Certains arrangements semblant sortir d’une pièce classique, d’autres ramenant à l’esprit les minimalistes américains mais ici maximisés par l’occupation de l’espace de Manuel Ferrer, sa voix au plus haut.

De fidélité, de cadeau il sera question tout au long de cette soirée que l’on sent, que l’on sait unique.

De fidélité à leurs proches artistiques comme l’ami londonien et vidéaste attitré Suttieslea qui viendra reprendre avec le groupe "The Armless Sailor" dans une version luxueuse et amplifiée par l’ensemble harmonique.

De cadeau comme ce "Perfect Day" de Lou Reed repris en duo avec Kramies comme une évidence. L’évidence de participer de ce jour parfait.

On se rappellera longtemps de cet instant unique, ce duo avec l’irradiante Liva Zafimehy pour ce titre beau comme la pluie qui tombe, "A Right Arm Beyond Love". On se rappellera longtemps de ce groupe profitant de chacune des secondes qu’ils emplissent de leur énergie, de leur enthousiasme. On se rappellera longtemps de cette évidente impression de les savoir comme nous vivant un moment qui restera en eux, en nous. On se rappellera longtemps les mots de Guillaume Mazel qui viennent caresser les murs anciens de ce théâtre.

On n’oubliera pas l’envie irrépressible de nos jambes , de nos corps à vouloir se lever, à participer de cette énergie. On n’oubliera pas le frémissement de la foule. On n’oubliera pas non plus "Canal Saint Martin", nouveau titre du groupe et ses percussions, annonçant de nouveaux frissons à venir

Malheureusement, les moments uniques en viennent toujours à leur conclusion, vous savez, comme ces retrouvailles avec de vieux amis sur des quais de gare, entre deux trains. On sait par avance que cette rencontre ne durera pas, qu’elle sera bien trop brève, on profite de chacun de ces moments puis arrive le 15h30 de Paris qui emporte ces secondes. Quelque chose de précieux est brisé et pourtant toujours là intact en nous, quelque chose de précieux comme ces moments passés avec Kramies, Manuel Ferrer et Bichon, avec Suttieslea, avec A Singer Must Die, avec ce public conquis réuni dans une standing ovation à la fin de cette soirée là.

Avec ton regard embué d’émotion toi Manuel Ferrer, toi le pudique, toi l’hilarant, toi le tonitruant... Alors pour une fois, Manuel, fais mentir tes mots et fais que les moments uniques puissent se vivre encore une fois.

Car nous tous qui étions avec toi, avec vous tous, nous continuons de faire vivre ce moment unique dans notre mémoire.

Crédits photos : © Jérôme Sevrette

www.photographique.fr

Vous pourrez retrouver des extraits des concerts de Kramies et de A Singer Must Die dans l’émission d’Alain Maneval sur France Inter, "L’album de minuit" le 24 et 25 mai prochain.

Setlist Kramies :

The beginning

Sea otter cottage

The European

The wooden heart

Ireland

The fate that never favored us

Antiquarian days

The ending

Setlist A Singer Must Die :

Prologue (instrumental I)

Still Worlds

Christmas Will Never Be As It Was

The Fortress

The Majestic Walk

The Armless Sailor

As If We Could Make Unique Things Twice

Fell Foot Wood

By The Dawn Of Monday

Lecture extrait "Moments de Parade" de Guillaume Mazel par David Jacob

Opening Night

Smoky Mourners

Canal St-Martin

A Right Arm Beyond Love

A Song For Tiphaine

Black Limo

Interlude (Instrumental II)

Perfect Day (duo avec Kramies)

Fall Of The French Empire

The Sordid Tango

Song Of The Heron

https://kramies.bandcamp.com/

http://orchestre-anjou.fr/orchestre/

http://asingermustdie.weebly.com/