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Ralentir le temps. Ralentir le flux d’informations qui transite dans notre cerveau. Prendre le temps de se pencher sur notre passé proche. L’initiative de Bruno Fleutelot et Philippe Saucourt de publier pour la première fois en version numérique les trois albums d’Oboken ne constitue pas seulement une opportunité de marquer le pas dans le flot de nos vies, mais surtout de se (re)plonger dans une œuvre où la sobriété de la musique le dispute à la profusion des images qui sont véhiculées.

Le premier opus éponyme du groupe sort en pleine effervescence (relative…) de l’americana. Will Oldham, Bill Callahan, Vic Chesnutt et Mark Linkous sont les perdants magnifiques qui se réapproprient l’histoire que Leonard Cohen ou Neil Young avaient débuté. Mais, dans les années 90, les 30 glorieuses sont loin et les chansons de ces nouveaux loners s’habillent de peu, boitent (lorsqu’elles ne sont pas en fauteuil roulant), ne parlent plus de l’esprit américain mais se recroquevillent sur l’intime et sont autant d’introspections auxquelles nous invitent leurs auteurs. Dans ce contexte, « Oboken », le premier opus du groupe, est non pas une réponse française à ce courant mais son prolongement naturel. Car l’impudeur de ces auteurs américains des 90’s nous transportent chez eux et nous fait partager leurs vies au plus près. Quoi de plus naturel donc, pour le duo que d’entamer le dialogue. A la même période, un jeune homme de l’autre côté des Alpes produit d’ailleurs une musique assez proche de celle d’Oboken autant dans l’approche que dans le son. Le premier album d’Eric Linder (aka Polar) paraît en effet en 1997 et constitue un autre bel écho transatlantique. Dans ces deux premiers disques, on perçoit encore un peu de retenue et quelques maladresses dans les paroles autobiographiques qui n’atteignent pas le côté brut de leurs aînés, mais déjà l’on devine la pertinence et la singularité de leurs démarches.

Chez Oboken, on entend donc des accents de Sparklehorse, ceux où l’on perçoit l’émotion du propos derrière la forme épurée des instrumentaux. On retrouve la gravité légère des premières productions musicales de Ben Watt (qui fût ensuite la moitié du duo Everything but the Girl) où les accords qui flottent ne dissimulent pas l’intensité des sentiments. On redécouvre la science des arrangements à la fois minimalistes et denses de « Viva Last Blues » de Palace Music. La subtilité des motifs mélodiques qui s’entrelacent, une boîte à rythme ou une batterie qui jouent en sourdine jusqu’à nos oreilles.

« Peace of Mind » le deuxième album, démontre la maîtrise d’Oboken qui déroule ses morceaux alternant tonalités folks et sons torturés. « [Except You] » sera le prolongement gracieux et abouti du propos du groupe. Les méandres musicaux mettent en lumière la schizophrénie des auteurs “I just want sex, I want nothing else but your body. I want to empty my balls and my mind…/… It’s the song of someone else” (Song of Someone Else). Bref, profitez de l’initiative du groupe de mettre à disposition les versions numériques de leurs albums pour vous replonger, avec une certaine nostalgie, dans cette période où la mélancolie servait de catalyseur au rock.




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