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Interview réalisée en août 2004

Une rencontre avec Daniel Darc c’est forcément un peu impressionnant. Il y a d’abord sa réputation qui le précède car il a une vraie histoire et pas seulement un mythe inventé par un chef de produit et un attaché de presse. Chanteur d’un des rares groupes français à la fois disparu, mythique et encore connu des années 80 : Taxi Girl. Leur tube " Cherchez le garçon " en est à sa troisième génération de boom. Et puis après il y a la drogue, le désert et sa traversée. Daniel Darc revient en 2003 avec l’album " crève cœur ", qui comme son nom l’indique est douloureux et bien ciselé.

Quand Daniel Darc apparaît finalement à la conférence de presse, un coup d’œil suffit pour savoir que l’homme est encore plus impressionnant que sa réputation. Son corps est abîmé par les excès et les expériences, ses bras sont couverts de tatouages, dont certains ont disparus sous un masque noir. Sa voix est fragile et il commence, désolé, par nous prévenir :

— je ne parle pas fort et je suis timide, je sais pas si vous allez entendre quelque chose, rapprochez-vous.

C’est donc assis autour d’une même table que Daniel Darc va tenter de se livrer. La mise en route n’est pas facile, Daniel Darc impose le respect, nous dévoile une sensibilité manifeste qui n’est pas là que pour faire des chansons belles ou tristes.

Pour démarrer en douceur je le lance sur son projet de roman qui semble être sur le point d’aboutir.

— J’essaie en effet d’écrire des romans depuis 1979. J’en ai déchiré un, j’ai perdu la moitié d’un autre. Là on vient de m’envoyer des manuscrits que j’avais complètement oubliés avec des trucs pas mal dedans. En fait, je viens d’en terminer un mais je ne l’envoie pas aux maisons d’éditions. Tous les éditeurs avec qui j’ai des contacts veulent que je fasse une autobiographie pas vraiment un roman. Donc j’attends, on verra plus tard. Je suis le cul entre deux chaises, car c’est la musique qui prime. Je me sens un peu comme Gainsbourg quand il parle de la peinture. Je pense sincèrement qu’il n’a jamais réussi à peindre que des merdes. Moi j’ai écris des romans qui sont des merdes, et je suis doué pour l’écriture courte, pour des chansons. Si je vis encore longtemps, ou peut être pas, j’aurais toujours envie d’écrire ce roman même si je n’en suis pas capable.

Avec des états d’âme comme ça pas étonnant que les éditeurs attendent des autobiographies car rien que dans cette dernière phrase il tient déjà un bon pitch.

Très vite on se perd dans la conversion, parlant musique : Sonic Youth un des premiers groupes à avoir émerger de la vague punk qui l’ait intéressé, Elvis Presley première passion musicale, Glenn Branca qui écrit des symphonie à 10 guitares, Eddie Cochrane, Gainsbourg… ou littérature : Salinger, Kerouac, Burroughs… Daniel Darc parle de tout et partage :

— Là où je me sens plus utile c’est quand je reçois des lettres de gens qui aiment bien ce que je fais et qui me disent que grâce à moi ils ont lu un de ces auteurs.

Il répond directement aux questions et n’hésite pas à balancer :

— je sais que je vais me faire des ennemis mais Radiohead, c’est comme la merde que faisait Genesis dans les 70’s "

Non Daniel, sur ce coup-ci, je ne vais pas me fâcher. Plus tard c’est le tour des maisons de disques d’en prendre pour leur grade mais toujours en reconnaissant qu’elles font leur boulot et que sans elles, lui ne pourrait pas faire le sien.

La franchise et l’honnêteté que Daniel Darc met dans tous ses propos et dans ses textes sont inhabituelles voire effrayantes. Il nous ouvre son intérieur au sens figuré comme au sens propre puisque même les photos du livret du CD ont été prises chez lui. Il parle tout nu, l’âme à l’air comme s’il n’avait peur de rien. Il s’agit peut être d’un subterfuge : personne ne disant la vérité, on pensera que ces propos ne sont pas vrais non plus. Ou alors il est un excellent acteur qui joue le rôle d’un autre, c’est d’ailleurs le thème de son dernier manuscrit.

Il n’y a qu’un sujet qu’il préfère éviter, celui de sa récente conversion. Quand il parle deux minutes de Dieu dans une interview, les journalistes ont pris l’habitude de leur donner une place disproportionner, traçant finalement un portrait qu’il n’est plus le sien. Et puis tout à coup au milieu d’une phrase un mur d’applaudissement vient nous interrompre :

— Merde, qu’est-ce que c’est ?

C’est Sonic Youth qui montent sur scène.

— Je croyais que c’était pour moi. Ouais, on va rater le début. Je vous en voudrais pas si vous vouliez vous barrer pour aller les voir.

— Où en étions-nous ? Ah oui, la littérature encore : " Etre un écrivain, c’est un vrai boulot. Il faut s ’asseoir quatre heures par jour devant son texte. Je vais commencer par m’acheter un ordinateur. Jusqu’à maintenant j’utilisais une Remington portative, j’aime bien même si ça fait chier tous les éditeurs. Maintenant ils ne se font même plus chier à tout retaper, ils scannent les pages. Je trouve ça beau.

En attendant de le lire un de ses livres, ce n’est peut être pas demain la veille, je vous recommande d’allez à la rencontre de ce personnage, monument du rock, en écoutant son dernier album ou mieux encore en allant le voir sur scène.



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