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  • 16 juin 2012 /
    Marnitude
    Titre Par Titre

    réalisée par gdo

Marnitude c’est le courant du fleuve en mouvement. Lent, lourd, qui passe entre deux berges boueuses à la végétation ombrageuse. La nature est prépondérante dans Marnitude, elle est le thème principale, le moteur, une force attractive. Comme dans les poèmes d’Emily Dickinson qui sont repris par bribes ou en totalité et posés sur la musique de certains morceaux du EP. L’eau, la glaise, l’organique font la matrice originelle du corps et de ses désirs infinis : C’est mon besoin de la voir « Elle », se fondre sous les branches, glisser jusque sous la berge, et le regardant, disparaitre là où les racines rejoignent l’eau, amas vide et noir des origines qui peut-être aurait pu nous rassembler tous les deux.

Domenechino

— Ce morceau au climat inquiétant, qui ouvre l’album est construit sur quelques vers glanés ci et là dans plusieurs poèmes différents. Je n’ai pas la prétention d’interpréter la poésie d’E.D, mais ses couplets, ses mots, phrases, finissent par s’accommoder et donnent un sens final au morceau. Ici, j’imagine une sorte de comptine assez précise. Le domenechino chemine, c’est un voyageur en quête d’un but incertain. Sur son chemin, quelques bourgades en fêtes le retiennent certains soirs. Une jeune fille l’attend près du feu, qui pourrait lui apporter le réconfort. Mais toujours le voyageur retourne s’exposer aux maléfices et sortilèges de la forêt. Parfois un village apparait et c’est la même tentation qui l’arrête : vivre là, en sécurité. Mais le désir d’inconnu est plus fort. Une quête initiatique comme celle de Goldmund, dans le roman génial d’Hermann Hesse.

Justine

— C’est un poème presque en intégralité posé sur la musique. Le prénom de Justine a été rajouté. L’ensemble sonne comme une confession à l’encontre d’une petite amie, en passe de le devenir ou qui l’était. C’est un aveu sur une incapacité à surmonter les aléas de la relation. Chaque histoire risque de se répéter fatalement. C’est un morceau froid mais doux, comme un avertissement à travers un aveu d’impuissance. Un peu tragique quand même…

Darren

— Darren veut monter un groupe de rock, il connait des salles de concerts et envie les groupes qui y jouent. Mais quand il se lance, personne ne l’écoute. Son envie de jouer vient d’une sorte de fantasme du groupe de musique plutôt que d’un réel potentiel, besoin ou talent. Il est une projection personnelle envisageable. Darren est une figure nostalgique sortie tout droit d’un film américain des années 80. Il incarne tout un pan d’une adolescence fantasmée à travers l’esthétique de ces années là. Puis plus vieux, on le reconnaitrait dans les personnages antihéros de Daniel Clowes qui trimballent un spleen des années 90’s. Toute la fange du post rock qui laisse derrière elle beaucoup de gens seuls qui ne se reconnaissent peut-être plus très bien dans la musique indé actuelle.

Bows and Invitations

— Il s’agit d’un mix de plusieurs passages de poèmes posé sur une petite mélopée. Un manifeste de la perte de moments joyeux, serins en groupe. En fait une nostalgie puissante, et fatiguée, parce qu’au sentiment d’abandon s’ajoute l’épuisement de s’être adapté à la complexité de l’autre. Les rencontres impliquent des tensions… Avec le choix de s’y replonger, ou de se reclure pour faire une pause, trouver un apaisement, mais solitaire. Retour à la case départ.

The Deep of Bell

— Encore un poème d’Emily Dickinson adapté en musique. Un thème métaphysique sur la mélancolie. Elle est avant tout une porte ouverte sur la créativité. Pendant un instant, on ressent l’intuition de son origine, quelque chose d’universel et impalpable. Et une mélodie peut surgir. L’enjeu est de faire perdurer cette sensation à travers la musique. Ce morceau parle de cette alchimie : le passage d’une linéarité, d’une triste fatigue à une forme de stupeur, une ouverture, une contemplation sur le monde, même si la rechute est toujours menaçante.

The Moon

— C’est l’histoire personnelle d’une rencontre mais qui n’a pas pu aboutir à cause de facteurs très simples et d’un contexte donné qui auraient produit de la culpabilité. La présence de la lune lumineuse, c’est l’expression de l’instant qui marque et fixe une image. C’est le sujet de mes toiles en peinture : La permanence de la rencontre. Dans la chanson : ce moment abimé par la raison. Trouver consolation dans la lumière de la lune : Encore cette sensation de proximité avec autre chose de plus vaste, une complétude offerte, gratuite, idéale.