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Interview réalisée via email. Un grand merci à Sean.

Comment est né Talitres ?Qu’elle était l’idée de départ de Talitres, avais-tu un style défini ou justement l’idée était d’éviter le cloisonnement et de partir dans tous les sens pourvu que cela te plaise ?

— Sean : Une suite d’opportunités provoquées, de rencontres au fil du web, d’idées en germe. Une succession de petits événements qui donnent finalement naissance (sur un coup de tête) au label. Pas de plan bien défini, j’avais une autre activité professionnelle bien différente avant. Un heureux (ou malheureux) hasard. La première sortie du label date de mars 2001, avec Status premier album du trio new-yorkais Elk City.

Avais-tu un label en référence en commençant ?

— Sean : Pas véritablement non. S’il faut citer des références cela serait plutôt celles de groupes que j’aimerai donner - quelques formations qui de loin ou de prêt ont sans doute provoqués la création de Talitres, ceux qui m’ont longtemps accompagnés dans les années 90 et qui pour moi restaient terriblement sous-estimés (la "fameuse" trilogie Galaxie 500 / Luna - Swell - Idaho).

En regardant ton catalogue, tu ne te pinces pas ? Tu pouvais imaginer au début d’Elk city (d’ailleurs pas de nouvel opus chez Talitres ?) à te retrouver avec the national, wedding present, piano magic ou idaho sur ton label ?

— Sean : Non je me pince plutôt quand je me retourne sur mon passé et que je pense aux années sur les hauts plateaux vietnamiens dévalant les routes caillouteuses pour rejoindre en moto la ferme ou se trouver la ferme que je gérais et dans laquelle nous cultivions quelques framboisiers à titre expérimental.

D’ailleurs pour the national pourquoi le dernier opus n’est pas sorti sur talitres ?

— Sean : Cela serait plutôt à eux de répondre à cette question - mais pour résumer, la presse anglaise que nous avions obtenue pour Sad Songs For Dirty Lovers a suscité l’intérêt de Beggars, et le groupe recherchait quant à lui une meilleure distribution, un plus grand confort financier. Soit.

A quel moment as-tu compris que le label prenait ne autre dimension ?

— Sean : Chaque jour et chaque nouvelle sortie est une remise en question. Le label a-t-il pris une autre dimension ? Laquelle ? Y restera-t-il ? Talitres a bientôt 5 ans et nous existons toujours, un peu plus installé, reconnu qu’avant certes.

2005 sera une grande année pour talitres, mais le label est un des rares à conjuguer la prouesse de durée et qualité, comment s’opèrent tes choix ?

— Sean : Les différentes sorties de Talitres ne sont le reflet que de mes coups de coeur. Je serai incapable de vendre une machine à laver, encore plus incapable de sortir un artiste si je ne suis pas proche (au coeur) de ses choix et de sa démarche artistique. Une concordance de sentiments, d’émotions, de pleurs ou de joies.

As-tu déjà des regrets sur des signatures ratées, ou des signatures faites, mais décevantes ?

— Sean : Les groupes français sont généralement plus difficiles à défendre. C’est un triste constat.

C’est le hasard qui fait que le nombre d’artistes français est plutôt réduit.

— Sean : Pas véritablement. La raison principale de ce fait est que j’’ai une nette préférence pour les groupes anglo-saxons. Enfin comme je l’indiquais ci-dessus, j’ai été fortement déçu par les retours obtenus pour Temper et That Summer, tant en France qu’à l’export, d’où le souci de prendre doublement des précautions lorsque j’envisage de sortir un disque d’un groupe français.

Arrives-tu sans peine à faire parler des albums ? Les vecteurs de communication sont-ils nombreux et faciles à trouver pour les artistes de talitres ?

— Sean : Les vecteurs de communication sont relativement nombreux, je ne peux pas me plaindre des retours-presses obtenus, ils sont généralement positifs. La radio est plus complexe, quasiment hors propos pour nous d’obtenir une entrée en playlist sur des radios commerciales qui bétonnent 20 titres en rotation accélérée. Qu’importe d’autres vecteurs sont à notre portée, la scène, le bouche à oreille, le contact avec les vendeurs, l’humain au cerveau éveillé et aux oreilles ouvertes.

Ce qui me marquait pendant la correspondance que nous avions au début d’ADA c’est ton malaise et tes craintes face à la distribution plus que problématique ? en pleines rumeurs autour de Chronowax (le distributeur fermerait) les choses vont-elles mieux ou va-t-on vers la fin d’un certain système ?

— Sean : La distribution d’un label comme Talitres reste et restera sans doute toujours un point sensible, une étape essentielle et terriblement difficile à contrôler. Je serai sans doute éternellement insatisfait par la distribution que l’on me propose, l’essentiel étant sûrement d’accorder une confiance réaliste aux personnes avec lesquelles je travaille. Ce qui est généralement le cas.

Comment vis-tu toute cette mutation autour de la musique, toi qui t’es développé en même temps que l’internet se démocratisait sans que cela ai une quelconque relation ? Que penses-tu par exemple de l’achat de morceau par morceau sur des plateformes ?

— Sean : Les plateformes de téléchargement légales sont des aubaines pour les artistes en développement ou peu reconnus, reste à rencontrer le partenaire qui ne cherche pas coûte que coûte à enrichir son catalogue quand celui-ci est quasi vide, mais celui qui propose une collaboration en connaissance de cause, motivée, sérieuse et positive.

La multiplication des tâches en parallèle de Talitres (promotion en France de glitterhouse, acuarela, booking) c’est obligatoire pour que le label tienne debout financièrement, ou c’est avant tout ton amour de la bonne musique qui prédomine ?

— Sean : Diversifier les activités est quasiment indispensable pour un label comme Talitres, les ventes de disques n’étant pas forcément suffisantes, d’où mon souci de développer très vite une distribution à l’échelle européenne. Représenter Glitterhouse et Acuarela en France n’est pas uniquement s’occuper de la promo de leurs disques auprès de la presse et de la radio. C’est essayer de développer de nouvelles relations, parvenir avec ces deux labels à échanger des informations, des contacts et des conseils. S’enrichir mutuellement de nos expériences passées, réussir à débloquer ensemble de nouveaux contrats de distribution. Je reste persuadé que les labels indépendants doivent collaborer et non pas considérer son voisin de catalogue comme un simple concurrent immédiat. Je n’ai aucune vocation pour la promotion, j’aime laisser la corde libre, agir tel un catalyseur, un passeur. L’idée étant simplement de faire passer le message suivant : "voici nos prochaines sorties, voici les groupes que nous voulons défendre, qu’en pensez-vous ? ". Le booking fût à l’origine une activité par défaut suite à quelques expériences peu concluantes avec différents tourneurs. Dans la foulée, il paraissait évident que j’étais le mieux placé pour défendre mes groupes auprès des salles et de monter des tournées qui tiennent la route. Ce fût le cas. Cette activité permet également de developper de nouvelles relations, de nouveaux réseaux et cela ne peut être que bénéfique au développement du label. D’autres projets de "diversification ’ sont prévus, l’édition notamment.

N’est-tu pas nostalgique de l’époque indé pré cataclysme Nirvana ?

— Sean : Je ne suis pas véritablement de nature nostalgique. Je ne suis en aucun cas nostalgique de cette période là.

Talitres a-t-il des limites, vers quoi n’iras-tu jamais et vers où ne veux-tu surtout pas aller ?

— Sean : Il m’est difficile de répondre à cela. Des limites financières bien évidemment.

Qui voudrais-tu dans tes rêves les plus accessibles (rires) voir sur le catalogue de Talitres ?

— Sean : La liste est à la fois longue et courte : retrouver les Walkmen (pour l’Europe) à l’occasion de leur troisième album, accueillir des groupes comme Hood, SoundTeam ou Clap Your Hands Say Yeah (phénoménal), autant dire des rêves éveillés.

C’est quoi l’avenir proche de Talitres après la sortie d’Idaho, et quels sont changements que tu souhaiterais pour Talitres ?

— Sean : J’aime travailler au coup par coup, sur le vif, lorsque les projets sont tendus et doivent être tendus. La sortie de l’album des Wedding Present fût décidée fin 2004 entre le gras (de dinde) et les oeufs (de lompe). Moins d’un mois 1/2 après le disque était dans les bacs. Il est encore trop tôt pour parler des sorties de 2006 même si j’ai plusieurs projets en tête. Il reste que pour les 5 ans du label (mars 2006), Talitres sortira une double compilation avec sur le CD1 des inédits de groupes qui font (ou ont fait) partie du catalogue de Talitres et sur le CD2 des groupes qui ne sont pas chez Talitres mais que j’apprécie particulièrement.

Talitres c’est plus ton label que tu partages, ou n’as tu pas fait Talitres pour partager tes goûts ?

— Sean : Je pense, que c’est essentiellement cela oui, faire partager mes goûts, un miroir (tronqué ?) de l’âme en quelque sorte.

On loue tous (en privé) ta gentillesse au même titre que pour nos amis d’unique records. Tu es conscient de cela de ce manque de mercantilisme qui est bien souvent le cas quand on parle avec des patrons de label qui me parle de chiffre et de coût plutôt que de me parler de l’émotion suscitée par un nouvel album ?

— Sean : Merci .



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