En 2017 sortait « Almost Transparent Blue », troisième album de Björn Magnusson. À l’époque, en plus de l’accueillir dans l’une de nos compilations (le volume 42) nous étions malade face à la dégénérescence heureuse de la musique. Le virus inoculé par ce disque contrarié nous rendait encore plus assoiffés, comme si une fièvre ultime nous faisait transiger définitivement, préférant l’abstraction, à la linéarité d’une pop feignante et vivant sur ses acquis pour faire grossir son bas de laine.

Six ans plus tard, Björn n’a toujours pas trouvé (mais l’a-t-il cherché) le vaccin pour soigner ses chansons malades. Avec « Nightclub Music & Ethereal Faith » il convoque à sa table aux pieds inégaux, le Lou Reed des boulevards sales, le Bowie des bouges luisants du Berlin de Christiane F aux abords de la Station Zoo, et Suicide (dont il reprend le « Ghost Rider » avec une inconscience jouissive).

Tout à la fois dans l’arrière-plan d’un Cassavetes qui se serait perdu dans un studio new-yorkais transformé en salle de bal, que dans la dernière boite de jazz à ne pas s’être fait raser dans un quartier d’affaire Trumpien, Björn divague dans une déshérence à la Burroughs. Jouant le rôle du prince maudit à la Wayne Coyne, il se fait tout à la fois histrion démodé que magnétiseur des ondes basses de la musique contemporaine. Et à ce petit jeu où il pouvait nous perdre, il nous aimante, nous conduisant sur douze morceaux dans un périple qui n’a rien à envier à une soirée de perdition dans une mégalopole où l’absence du moindre moyen de transport en commun, donne à la marche la légèreté des débuts de l’apprentissage.

Entre NYC et les alpes suisses, entre la béatification du Velvet et le dérèglement de la table des sons, Björn trouve sa place, s’inoculant la passion, celle d’une religion, la musique à l’obscurité qui éclaire la vacuité des rails élevés au rang de veine vitale. Avec « Nightclub Music & Etherreal Faith » plus besoin de cathéter, et dansons sur les lames brulantes d’un sax venimeux. And fly, fly away....