Que sont 5 années à l’échelle du monde ? Que sont 5 années à l’échelle même de l’humanité. 5 années sans nouvelle de Faustine Seilman. 5 années à peaufiner une suite à une discographie déjà remarquable. Épaulée par son frère à la production, Faustine a occupé l’espace familial pour y chercher probablement les senteurs, les craquements, les souvenirs passés. Elle sera épaulée par un aréopage de musiciens que nous croisons depuis des années sur ADA avec toujours le même appétit, Faustine Seilman est pourtant indéniablement la maitresse des lieux, sachant tout à la fois faire se croisier Erik Satie, Nico et le meilleur de Lisa Germano.
Ne tombant pas dans la virtuosité, elle joue de son piano comme pour rebondir sur lui quand l’atmosphère de ses chansons tend trop à une noirceur pesante. Elle y puise bien plus que des sons. Il est la source dans laquelle elle se plonge pour donner corps à ses chansons.
Sur "Carry On" nous prenons le même trajet que Yann Tiersen fera prendre à Dominique A le long d’un bras de mer usé, fatigué, mais « guideur ».
On rebondit beaucoup sur ce disque (The Blooming of Our Senses) sautant d’une phrase musicale à une autre tel un petit elfe qui sillonnerait une prairie pleine de fleurs, sautant d’un pétale à un autre. Faustine évite le maniérisme de pas mal de ses consoeurs pianistes, s’autorisant uniquement sur l’aérien (Little Bird) une forme de conformisme donnant au morceau des airs de classique.
Il y a du jeu dans ce disque comme sur ’Bright Side of Night", Faustine comme jouant des claquettes, son pas paraissant lourd porté qu’il est par un coeur élégiaque et une guitare étonnante de liberté dans les paysages dessinés pas le disque.
La chanson titre (The Nightwatcher) témoigne d’un sens de la mise en scène musicale. Cette pièce de presque cinq minutes est une histoire que l’on chanterait le temps d’une veillée qui annoncerait une nuit sans véritable sommeil.
(Down Bellow) arrive-lui à un tel dénuement sans que jamais l’agressivité de la sécheresse ne nous irrite, parvenant même à nous cheminer dans des méandres où le crépuscule est la seule parcelle de lumière possible. Pas une danse macabre, une avancée irréversible vers ce que nous pourrions appeler la quiétude.
C’est à « Shelter » que reviendra l’honneur de fermer le ban. Entre fatigue et désespoir, Faustine semble ici se répondre, jouant avec un double qui ne demanderait qu’à avoir plus de lumière.
Que seront cinq nouvelles années sans Faustine Seilman ? Elles seront longues même si ce « The nightwatcher » est une oeuvre aux contours de classique qui sera long à éprouver tant elle fourmille de détails.