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Le festival d’Ile de France nous a habitués à vivre des moments forts, des rencontres inhabituelles, des concerts insolites. Ce fut encore le cas avec la carte blanche donnée à Ballaké Sissoko pour inviter d’autres musiciens pour un concert qui marquera l’année 2013. Ballaké Sissoko est un maître de kora, cet instrument à 21 cordes joué depuis des siècles par des griots, issus de quelques familles maliennes (Kouyaté, Sissoko, Diabaté, etc.)

Au début du concert, la musique était belle, fine, rythmée. Je tapais du pied, mais fût vite perdu, car je ne comprenais rien, les codes m’échappaient. Un peu comme si j’assistais à une conversation entre des gens dont je trouvais la langue très belle, mais que je ne décryptais pas. Évidemment, je me rendais bien compte du talent des musiciens du griot, en particulier Fassery Diabaté au balafon. Assurément, j’entendais bien que Kassé Mady Diabaté, Babani Koné et Tata Diabaté avaient des techniques vocales hors du commun. Mais il me manquait quelque chose.

Et puis, au bout de quelques morceaux, Bassekou Kouyaté, maître es N’goni, un instrument proche du luth, à quelques cordes, dont il tire des sons incroyables, a annoncé qu’il allait jouer un morceau que ses parents, grands parents et arrières grands parents avaient joué. Jusqu’au Mali du 17è siècle. « Un blues », précisa-t-il, une « musique d’Afrique et pas américaine, comme tout le monde le pense ». Là, j’avais les grilles de lecture nécessaire à l’appréciation de cette musique : la nostalgie magnifiquement interprétée, les appels d’un instrument attendant les réponses d’un autre puis d’un troisième, les défis lancés entre musiciens.

A partir de là, je suis totalement entré dans le concert. Et ai pu apprécier à leur juste valeur les chants splendides, les jeux du balafon, les rythmiques discrètes mais indispensables des percussions. L’esprit m’avait frappé, au point que j’ai eu des frissons au cours d’une danse endiablée sur scène, relayée par une femme au premier rang, venue très joliment danser en rythme avec les deux chanteuses présentes sur les planches.

Enfin, pour conclure magnifiquement cette nuit des griots, Ballaké Sissoko a appelé le violoncelliste Vincent Ségal, avec qui il a fait un disque chez No Format. Ce dernier est arrivé sur scène habillé en costume sombre et sobre, en total décalage avec les tenues très colorées et virevoltantes des autres musiciens. Et pourtant, malgré des origines différentes, des instruments n’ayant rien à voir, la magie opéra encore, nous montrant que le langage de la musique est universel. Plus besoin de visas pour voyager, il suffit de faire se rencontrer les instruments !



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