Ce fut tout d’abord une pétition, une demande entre passionnés de musique, un coup de pouce, une impression, une chronique. Mon ego rougis, moi, des mots sur demande express. Alors oui, d’accord cher G., passe moi les infos et le son de ce certain Kiefer, voir si il y a un feeling.
Un feeling, une sensation première, parce que voila, je suis assez strict sur ça, si je ressens pas aux premières lueurs des sillons, a l’aube du diamant sur la cire (voir laser sur compact pour les modernes), j’écris pas, tout marche a la chair de poule, ou au moins au souvenirs chéris de sons de ma jeunesse, de ce qui transmet a mes nerfs l’envie de ne pas oublier ces groupes, ces titres, ces instants. Je n’ai rien promis jusqu’à écouter. Kiefer, les yeux fermés, comme a mon habitude, dans l’attente d’un frisson, d’un je ne sais quoi.
Viens « Terminus Gallieni » et puis, après cette empreinte si fraiche et omniprésente dans la nouvelle génération française d’un Daniel Darc qui aurait du être encore un peu là pour montrer un bout de chemin de plus, on écoute le texte amer récité depuis le cœur et en cortège, derrière, ces sonorités ralenties appuyant les phrasés avec la clarté d’une production sage et peaufinée, il y a un « je ne sais quoi » au bout de mes oreilles. Les images sont arrivées, et j’ai retrouvé ces couleurs d’Yves Simon dont l’ambiance sonore me marque encore, cette littérature humaine narrée du bout d’un chant timide, dont la production cajolée donnait une profondeur lourde et émotive aux chansons, ces "Amazionaques" et " Diabolos menthe", ces "Barcelone", pensez comme bon vous semble, puisqu’il est si difficile parfois d’évoquer ce nom comme gout, et même influence, sachez, monsieur Kiefer, que pour moi c’est un bon compliment, mais voila, nait au creux de mes oreilles « Ici brûle », et les mélodies soufflent dans mon salon, je connais cette impression, ce paysage, il était déjà là dans les premiers pamphlets de Manset, Bashung and Co. (dieux que de grands hommes en une seule chronique), dans les primitifs naufrages lumineux de ces grands rockers-conteurs, ces poètes si peu prolifiques et tant magnifiques, de ces peintres des harmonies qui ont longés les scènes françaises d’un rock qui n’avait pas besoin de métal ni de cris pour être puissant.
Kiefer, Kiefer, loin de moi l’idée de te mettre déjà sur leur socle monumental, dans le hall of fame des loosers magnifiques, des poètes maudits et géants des âmes, juste te dire que voila la chair de poule, la cause de la conséquence, le pourquoi j’ai gardé les yeux fermés tout le temps de ton Ep., parce que ce sont ces gens qui sont venus sur ma peau écouter tes premiers pas, et parce que se sont des titans a mes yeux, ce sont eux qui te donnent le coup de pouce en se penchant sur cet essai, en saupoudrant, en éclaboussant cette chanson française d’art qui aime la nostalgie heureuse « Le nez dans la course » et la délicatesse des choses simples, faites en une seule prise, spontanées, risquées comme un aveu, rageuses comme une confidence « Dad ». Et puis parce que ces Messieurs que les économes ont oubliés parfois d’aimer, sourient heureux de voir des fruits dans les arbres qu’ils ont plantés. Reste a toi, cher Kiefer, de les protéger en toi, de continuer ces mélodies calmes et ces paroles intérieures de chanteur intimiste, de chantre des mondes sensibles, et peut être même d’aller plus loin, prendre d’autres chemins plus durs, plus inhumains, du moment que cet esprit persiste. Reste a toi de découvrir tant d’autres mages dans ta petite quête intime, parce qu’a chaque disque (j’espère que nombreux et aussi réussis), je serais là pour fermer les yeux et attendre les images, et les chairs de poules.