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je pense être un des derniers à balancer mon report, j’ai lu beaucoup de reports en une semaine, je pense même les avoir tous lu, car comme vous, j’ai été une nouvelle fois très marqué par cette édition de la route du rock. Déjà une semaine, et quelle semaine ! En rentrant chez moi, j’étais perdu, je ne trouvais plus mes repères, mardi lorsque mon réveil a sonné pour aller bosser, j’ai cherché à me rappeler la programmation de la journée, c’était pathétique... Quand je suis rentré du travail, mélancolique à souhait, je n’ai pas pu écrire, c’était trop dur, trop de souvenirs, pas assez de force pour trier et composer avec la mémoire. Durant la semaine, mon moral en chute libre, je trouvais le réconfort en regardant le concert de St Vincent filmé par Arte, ou ses prouesses acoustiques sur youtube. Maintenant que vous savez que je suis un garçon fragile, je vais vous raconter ce que j’ai vu chronologiquement.

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Çà commence par la plage et The delano orchestra, mais surtout la plage, car agacé par la trompette, j’ai choisi la trempette, alors même si elle était un peu froide au début j’ai fini par m’habituer... la trompette m’a saoulé, et j’ai trouvé que leur musique manquait d’algue, d’âme pardon. La prochaine fois, peut être que je plongerai ? L’installation du campement, et les présentations faites avec les campeurs, je m’en vais voir Tortoise à la nuit tombée. Tortoise nous ont régalé, s’échangeant leurs instruments comme un joystick de voiture radio-commandée passe de petites mains en mains de nains, ces grands enfants nous ont baladés gaiement. Tortoise est une musique optique, 24 images par secondes, des sensations visuelles, un moteur pour l’imagination. Une grande toile en background, pour des projections vidéos tous azimuts, des paysages, des animations psychédéliques, un morphing de visages sur le thème de l’impossibilité de communiquer, une hélice d’éolienne qui pourrait bien nous scalper... Les 2 batteries au centre sont comme les 2 pupilles du groupe, tout repose sur cette section exigeante, 3 batteurs dans le groupe se relaient pour faire avancer la machine. Un travail de titan, une mécanique de précision, un son sculpté, sans s’interrompre, on passe du rock progressif à la bossa nova dans une combinaison d’au moins 20mn de morceaux variés pour terminer en apesanteur sur "Crest" et quitter la terre ferme.

My Bloody Valentine a labouré la terre et brûlé la ferme. Une marée haute de bruit, un homicide acoustique volontaire... Trop de métaphores tuent la métaphore. A l’édition de 2001, Mogwaï, avec leurs saturations, m’avaient bluffés, me propulsant dans une autre dimension, un souvenir à jamais gravé, une expérience sensorielle inouïe, une convocation des esprits, suspendus sur une corde le temps d’une danse avec le diable. 15mn de bruit pur, MBV joue comme on exterminerait des nuisibles, sans magnétisme, ce fût un placage au sol. Mon valentin en colère a une petite bite, elle me saigne l’oreille. Un concert au goût de fin du monde, les radiations consécutives à leur passage alterne ma ferveur pour ce soir là. J’ouvre les yeux, des gens sont nus en train de bronzer à quelques mètres, ce soir la pilule sera facile a sucer, la pop arlequin de Camera Obscura, celle à la menthe de Papercuts, le réglisse des kills, et la peaches, mauvais pour les artères peut être, mais pas de risque de cancer des tympans. Comme il fait beau, allons à la plage, là-bas, samedi 15 Aout, Les patriotes du dimanche vont me réjouir, contrairement à delano, leur folk teintée de rock bénéficie du supplément d’algue nécessaire à la résonance de l’océan, une musique subaquachic qu’on apprécie les pieds enfoncés dans le sable, ou contre les pierres des remparts. Contrairement aux gens tout nus du matin, je bouillonnais d’impatience le soir de déshabiller du regard sur scène Annie Clark alias St Vincent. Quelques tour de rond-point, un petit bouchon, radio nostalgie, il est 19h25, je saute de la voiture en marche pour courir vers la scène. J’arrive sur "the strangers", premier morceau de l’album Actor, tout va bien, je suis apaisé, mais furieusement excité, persuadé que ce concert sera la confirmation que St Vincent est ma préférée. Annie seule au milieu de cette immense scène est fascinante, mon coeur bat la chamade, de bas en haut et de haut en bas, j’observe chaque détail de cette présence angélique : ses cheveux noirs bouclés, son visage fin, ses grands yeux pétillants, sa peau blanche, ses petites tâches sur les joues, son rouge à lèvres, ses ongles dépeints, son chemisier bleu, son pendentif qui s’agite autour de sa nuque émouvante, j’aimerais être son bijou à cet instant. Ses genoux sont cachés par un drap noir qui dissimule des pédales d’effets, des trucs qui font des sons chelous reliés par des câbles dans tous les sens. Sur "Your lips are red" on la perdra quelques instants, quand elle mettra son nez dans cette confiture sonique. Elle revisite Actor en l’épurant, minimaliste et contrasté, "Landmines" est aride et sexy, "Black Rainbow", menaçant, retient une tension et implose à la fin sur une montée en gamme digne des meilleurs moments de l’islandaise (une ex dont j’étais éperdument amoureux il y a quelques années). Elle reprendra aussi "Dig a Pony" des Beatles, comme mon ex avait repris avec classe "it’s oh so quiet" de Betty Hutton. Sur "Marry me", elle me fera un clin d’oeil à moi. Au bout, un silence et "Marrow" chimique avec des anges aux coeurs, diablement efficace sur mes neurotransmetteurs, je suis envoûté. (Annie si tu passe ici par hasard, sache que je suis le mec qui a mis sa main sur ton épaule pour une photo souvenir le 15 aout 2009 vers 14H30...) Passons à autre chose, Peaches, il fallait être dans les premiers rangs, pour voir se soulever tous les mâles déchaînés à ses pieds, des esclaves sexuels, elle ne nous épargnera rien, jouant pendant tout le concert avec nos nerfs, j’en suis ressorti débraillé, sourd et épuisé, sans aucun souvenir de sa musique, mais avec le sentiment d’avoir traversé une grande joie collective comme une montée d’ecsta, l’empathie au champ de bataille.

Il y a des lendemains qui chantent, du camping, j’entends Dominique en balance, je me réveille encore saucissonné dans mon sac de couchage. Départ tôt, direction le palais du grand large, Télépathe, 2 filles, et des machines, un moment assez planant, le palais offre une assise un peu trop confortable par rapport aux joies du camping, et j’ai tendance à m’assoupir, pourtant le concert est loin d’être ennuyeux, mais les nappes de synthés me bercent et pèsent sur mes paupières. Quand arrive Gang Gang Dance, je suis quelques rangs face à la scène, ils démarrent sur un Vaccum explosif, tout est à fond, cette lave pscyhédelique remplit le palais, les sons s’entrechoquent et les murs tremblent. Après cette introduction assommante, la voix de la chanteuse trop stridente fera fuir le public petit à petit, un individu avec sa chemise sur la tête visiblement défoncé, traverse la scène comme si il avait égaré un truc au milieu des instruments, il restera là à déambuler durant tout le concert, il disparaîtra un instant pour revenir avec un manche à balai coiffé au bout d’un sac poubelle qu’ il agitera comme un drapeau d’infortune au dessus de la tête des gens, un drôle de personnage assez énigmatique comme ce groupe au passé trouble. Finalement, je m’échappe aussi de la salle, tiraillé par la faim avec mes premiers acouphènes. Dominique A est le seul français à l’affiche du festival, étonné d’être le seul à être programmé, il aurait voulu qu’Holden soit de la partie, il s’avoue effrayé de jouer après Andrew Bird et avant Grizzly Bear, pourtant, c’est devant un public acquis qu’il s’avance sur la scène. Dominique A impose et en impose. Sa présence, et ses mots sont ses armes, en soutient une scénographie de lumières un peu too much (stroboscopes à plein régime) lui donne une envergure à la hauteur de sa voix puissante et de son univers introspectif, Dominique est un monstre scénique, les fans comme les curieux ressentent à travers ses chansons une force, une humanité exacerbée, il offre comme un dessert les méandres de son cerveau dans une coupe électronique minimaliste où les instruments guitare, clavier et ses trémolos euphorisants prennent vie, s’harmonisent dans une beauté confondante. A "Valparaiso", mon coeur se soulève et embrasse sa respiration. "La peau" hérissent ma peau. On sent une tension dramatique palpable dans le public confondu dans l’intimité naissante, la simplicité de la musique, la vue de cet homme seul comme abandonné donnant des directions précises à chaque nouveau morceau, comme un nouveau départ. Quelqu’un lui crie derrière moi "à poil", Dominique lui répond "on ne se connaît pas encore assez bien" et puis il lâche "j’aimerais bien vous y voir". Car Dominique est complètement nu sur scène, sans armure, il est un rock indépendant, solitaire et sauvage, libre et délivré de toutes complaisances, nous aurions aimé, après "le courage des oiseaux", un rappel, "Empty White Blues" . Annoncé par Dominique, Grizzly Bear de retour à la route du rock, détenteur d’un album assuré au top 5 des classements annuels, ayant sillonné les états-unis en première partie de Radiohead, tête d’affiche du festival, ces 4 new-yorkais nous ont fait la démonstration convaincante de leur excellence. Avec des compositions qui s’imposent déjà comme des standards, leur concert est aussi jouissif que l’écoute du dernier album, ces gars sont bénis et vont prendre naturellement la place de leurs paires sans exagération. Simian Mobile Disco nous donnera une leçon de transe, à base de sons acides, je terminerai cette édition dans une ambiance ébouriffante, accroché comme une vulgaire sardine au hameçon électro, une envie irrépressible d’onduler, l’essence de transformer le vivant en tiges soufflées par les infra-basses, s’épanouir comme une fleur dans les aigus et s’ouvrir au bonheur, la clef des chants. Pour refermer cette édition, je tiens à souligner la présence des excellents Dj’s :les Magnetic Friends, toujours prêt à nous faire danser, une sélection éclectique pointue mais pas élitiste, sauf le 99ballons obligatoire (merci Arte) avec un son pourri à chaque fin de concert, on est impatient de les retrouver et de s’éclater avec eux sur leurs mixes inspirés, (j’ai découvert Programme grâce à eux, lors d’une précédente route du rock). La 20ème édition sera sold out, c’est tout ce que l’on peut souhaiter à l’organisation de ce festival ami.

Quelques liens pour vous récompenser de votre passage ici : Le journal de bord du chronirocker Si vous ne le savez pas, Arte a filmé les concerts de la route du rock, Tortoise ou St Vincent sont dispos en streaming Enfin, mon coup de coeur comme vous l’avez compris, une reprise de Nico par Annie qui m’a laissé sans voix

Merci à Antoine Mairé pour les photos des artistes. Seb pour le covoiturage, Chloé et O:liv pour les bons plans, et toutes les personnes sympathiques que j’ai croisé pendant ces 3 jours, vivement l’année prochaine !



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